L’écholocalisation de l’orque est essentielle pour traquer les proies et lui permettre d’être au sommet de la chaîne alimentaire. Découvrez le décryptage de ce sens extrêmement sophistiqué.
Une langue commune pour les orques d’Islande et des îles Shetland
Les épaulards sont nombreux à croiser dans une zone comprise entre l’Islande, les îles Shetland, au nord de l’Écosse, et les îles Lofoten, au nord de la Norvège. L’Icelandic Orca Project est un organisme qui s’intéresse de près à ces populations et tente d’en savoir davantage sur les points communs et divergences entre les différents pods qui se côtoient dans ces eaux riches en poissons. Les premiers résultats d’une étude sur leur langage montrent des similitudes entre les orques d’Islande et les orques des îles Shetland, tandis que les orques de Norvège n’auraient qu’une parenté que très lointaine.
Qu’est-ce que l’Icelandic Orca Project ?
L’Icelandic Orca Project est né en 2008. Il est le premier programme dédié à la recherche sur les orques dans les eaux islandaises. Il est à ce jour le projet portant sur le plus long terme.
L’objectif de l’organisme est de comprendre les divers aspects de la vie des orques d’Islande, mais aussi des îles Shetland et de Norvège : combien sont-elles, où vont-elles, que mangent-elles, qui fréquentent-elles, etc.
Grâce à une approche multidisciplinaire, il est avéré aujourd’hui que les orques qui croisent dans les eaux islandaises forment une société plus homogène que ce que pensaient les observateurs. Il apparaît que les orques ayant des trajectoires et des préférences alimentaires différents ne sont pas socialement séparées. Par ailleurs, elles produisent des sons uniques qui n’ont pas été documentés ailleurs.
Les observations de l’Icelandic Orca Project concernant les orques d’Islande, des îles Shetland et de Norvège
Les observations se concentrent principalement sur la recherche de nourriture des orques et sur la façon dont elle est liée aux comportements sociaux et à la communication de ce prédateur supérieur.
Les moyens mis en œuvre sont multiples :
- photo-identification pour évaluer la population ;
- échantillonnage biologique pour l’analyse du régime alimentaire, de la génétique et des polluants ;
- observations comportementales à long terme ;
- enregistrements acoustiques.
L’objectif est de surveiller la population pour mieux comprendre sa structure, afin de contribuer à sa conservation et à sa protection.
Les recherches poursuivies par l’Icelandic Orca Project
L’étude abordée plus bas dans cet article s’intéresse spécifiquement au langage des orques. Elle complète les recherches poursuivies tout au long de l’année par l’Icelandic Orca Project.
Écologie de la recherche de nourriture et spécialisation
Bien que les orques d’Islande soient observées se nourrissant principalement de harengs, les études ont montré qu’il existe en réalité différentes préférences alimentaires au sein de la population. Certaines orques se spécialisent dans le hareng toute l’année, tandis que d’autres se tournent vers des proies de niveau trophique supérieur, c’est-à-dire plus élevées dans la chaîne alimentaire.
En 2021, une étude est en cours pour comprendre le degré de spécialisation de la recherche de nourriture chez les épaulards spécialistes du hareng, afin de comprendre comment ils font face aux fluctuations de la disponibilité de cette proie, et quelles en sont les conséquences pour la population dans son ensemble.
Connectivité et dynamique des populations
Les orques présentes en Islande n’y restent pas nécessairement toute l’année. Certains épaulards se rendent de façon saisonnière en Écosse. Grâce à la photo-identification, les équipes de l’Icelandic Orca Project comparent les individus identifiés en Islande avec ceux observés ailleurs dans l’Atlantique Nord.
Cela permet de comprendre la connectivité entre les différents lieux et entre les différentes populations d’orques. Les données sont combinées avec les analyses de la dynamique des populations, afin de mieux comprendre leur évolution en fonction des changements de l’environnement.
Structure sociale et parenté
Bien que les groupes d’orques s’organisent traditionnellement de façon matrilinéaire – avec la matriarche qui mène le pod familial – des études précédentes ont montré que, dans cette population d’orques d’Islande, il existe un certain degré de flexibilité dans les associations sociales.
Les recherches se poursuivent, en utilisant les échantillons génétiques collectés, afin de voir comment les préférences d’association évoluent dans le temps et comment les groupes sont composés.
Interactions interspécifiques
Les globicéphales sont de plus en plus présents sur le site de Vestmannaeyjar en Islande. Ils sont souvent repérés sur les mêmes zones que les orques. Les observations à terre et en bateau sont effectuées, avec la collecte de données par photo-identification et des enregistrements acoustiques, dans le but de comprendre la nature des interactions entre les deux animaux, ainsi que les conséquences potentielles qu’elles pourraient avoir localement sur les orques.
Utilisation et occupation de l’habitat
Les sites sur lesquels travaille l’Icelandic Orca Project constituent un refuge important pour de multiples espèces de poissons et de mammifères marins. Les équipes combinent les observations terrestres avec des enregistrements acoustiques pour comprendre quelles zones sont importantes pour les orques et comment elles les utilisent.
Une zone en particulier fait l’objet de toutes les attentions, pendant les mois d’été, en particulier en juillet : une frayère de harengs, point stratégique pour l’alimentation des orques.
Communication
Les orques d’Islande produisent des sons uniques, mais nous en savons encore peu sur la fonction des différents sons, ainsi que sur la façon dont ils varient entre les groupes et les différents contextes sociaux.
À l’aide d’enregistrements acoustiques combinés à des observations à terre et en bateau, les variations des sons produits et le rôle de la communication acoustique dans la vie de ces prédateurs supérieurs font l’objet d’études très poussées, comme celle que nous allons maintenant aborder.
L’étude sur le langage commun pour les orques d’Islande et des Shetland
L’Icelandic Orca Project a conduit une étude acoustique sur les différents langages des orques d’Islande, des îles Shetland et des îles Lofoten, au nord de la Norvège.
Les résultats de cette étude suggèrent que les orques d’Islande et de Norvège ne sont probablement pas une population aussi mélangée, comme on le pensait auparavant. Si les propriétés de base des sons émis par les orques d’Islande et de Norvège sont similaires, elles ne partagent aucun type de vocalises.
Découvrez La chasse au phoque par l’orque des îles Shetland en images.
Des points communs entre les orques d’Islande et les orques de Norvège
Les orques d’Islande et de Norvège sont très similaires sur le plan de la génétique, de la morphologie et du comportement. Elles se nourrissent principalement de harengs et utilisent des techniques similaires pour capturer cette proie.
Avant les années 1960, le stock de hareng norvégien était réparti entre la Norvège et les côtes orientales de l’Islande. Les orques étaient réparties uniformément dans cette région, suggérant une seule population répartie entre l’Islande et la Norvège.
Cependant, des études plus récentes utilisant la photo-identification n’ont pas permis de faire correspondre des individus entre l’Islande et la Norvège. On a donc pensé que l’effondrement des stocks de harengs dans les années 1960 avait entraîné une scission de la population, les orques s’étant retirées plus près des zones côtières de l’Islande et de la Norvège, où l’on trouvait encore du hareng.
Les enregistrements acoustiques
Des enregistrements acoustiques d’orques recueillis en Islande, en Norvège et dans les Shetland entre 2005 et 2016 ont été comparés pour voir si les épaulards de ces régions partagent des sons. L’idée était que si les orques observées à ces endroits constituaient toutes une population unique et mixte dans un passé aussi récent, il serait logique d’entendre certains sons identiques.
Dans d’autres populations d’orques qui font l’objet de très nombreuses études, comme les résidentes du Pacifique Nord par exemple, les répertoires d’appels reflètent la parenté. Les épaulards étroitement apparentés partagent beaucoup plus d’appels que ceux qui le sont moins. Grâce à ces études, nous savons également que les répertoires d’appels des orques sauvages n’évoluent que très lentement.
Si vous voulez en connaître davantage sur le langage des orques, vous pouvez Plonger avec des orques pour comprendre leurs vocalises et découvrir Le chant des orques décrypté par un océanographe.
L’analyse des sons d’orques en laboratoire
La première étape de la comparaison des répertoires d’appels consiste à rassembler les catalogues des appels enregistrés dans différents endroits.
De la collection de plus de 700 heures d’enregistrements d’Islande, de Norvège et des îles Shetland, les chercheurs ont extrait plus de 12 000 sons de haute qualité.
Une fois les catalogues d’appels établis, les sons de chaque endroit ont été comparés et les scientifiques ont constaté que :
- les orques d’Islande et des îles Shetland partagent quelques types d’appels, en plus de propriétés de base similaires en termes de durée et de fréquence ;
- les orques de Norvège ne semblent partager aucun type d’appel avec les autres.
Enregistrement des orques d’Islande et sa représentation visuelle
Enregistrement des orques de Norvège et sa représentation visuelle
Ces résultats sont cohérents avec les classifications élaborées à l’aide de la photo-identification :
- il n’existe pas de correspondance entre les orques d’Islande et celles de Norvège ;
- ni de correspondance entre les orques des Shetland et celles de Norvège ;
- cependant, plusieurs individus migrent régulièrement entre l’Islande et les Shetland.
Cette analyse n’est qu’une première étape pour répondre à la question de savoir comment les répertoires d’appels des orques varient au travers de l’Atlantique Nord et au sein de différents groupes ou régions.
Les équipes de l’Icelandic Orca Project ne comptent pas en rester là. Elles travaillent déjà sur de nouveaux projets visant à en apprendre davantage sur le comportement vocal des orques en Islande.
Découvrez Les relations tendues entre le globicéphale et l’orque Islande, le premier faisant fuir le second, pourtant prédateur suprême et incontesté.
Sources de l’article : étude validée le 14 août 2020 : A comparison of Northeast Atlantic killer whale (Orcinus orca) stereotyped call répertoires / Anna Selbmann, Volker B. Deecke, Ivan D. Fedutin, Olga A. Filatova, Patrick J. O. Miller, Jörundur Svavarsson, Filipa I. P. Samarra.
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