Les baleines à bosse calibrent les bulles qu’elles émettent pour piéger leurs proies au millimètre près, comme le démontre une étude réalisée en Alaska.
Nourriture baleine à bosse : la technique du filet à bulles
Vous êtes-vous jamais demandé comment la baleine à bosse arrive à attraper les milliers de kilos de krill et de petits poissons dont elle a besoin chaque jour ? Elle a mis au point la redoutable technique du filet à bulles. Grâce à une coopération millimétrée de plusieurs animaux, la nourriture baleine à bosse est piégée, avant d’être engouffrée dans son énorme bouche qui se dilate grâce aux sillons ventraux.
Sommaire
Que mangent les baleines à bosse ?
La baleine à bosse est l’un des plus grands mammifères marins qui existent et pourtant, ses proies sont petites, voire minuscules : calmar, krill, hareng, goberge, églefin, maquereau, lançon, capelan, saumon et divers autres poissons. Le bébé baleine à bosse commence par téter sa mère. Le lait épais et pâteux est chargé en graisse et divers nutriments pour lui permettre de devenir un adulte en bonne santé et lui fournir suffisamment d’éléments nutritifs, jusqu’à ce qu’il puisse se nourrir d’autres sources comme le poisson, le calmar et le krill.
Le rorqual à bosse fait partie des mangeurs les plus diversifiés de la famille des baleines à fanons, mais, pour obtenir son content de nourriture quotidien avec ce menu fretin, il lui faut adopter une technique de pêche redoutablement efficace.
Comme la baleine à bosse est un mysticète, c’est-à-dire un rorqual à fanons, elle ne possède pas de dents et doit donc capturer sa nourriture en utilisant différentes méthodes de chasse. La technique la plus spectaculaire est connue sous le nom de filet à bulles. Elle est ingénieuse et procède d’une mise en scène méticuleuse où chaque participante joue un rôle fondamental.
La technique du filet à bulle ou bubble net feeding
Le « bubble net feeding », littéralement le filet à bulle, est une stratégie de chasse coopérative qui se déroule au sein d’un groupe de baleines. Il s’agit d’un ensemble de comportements complexes et minutieusement synchronisés qui impliquent la communication et la coopération, démontrant des signes d’une grande intelligence sociale.
Comment fonctionne cet astucieux piège à nourriture baleine ?
Pour se nourrir à l’aide de filets à bulles, les baleines plongent en profondeur, sous les bancs de poissons, et utilisent les bulles soufflées par leur évent pour conduire et piéger les poissons plus près de la surface. Les poissons paniquent et resserrent les rangs. Ils n’osent pas franchir le mur de bulles.
Le groupe peut être constitué de quelques animaux seulement ou d’un nombre plus important. On dénombre en moyenne une douzaine de baleines à bosse. Le diamètre du cercle mesure généralement dans les 30 mètres, avant que les rorquals ne referment leur piège nourriture baleine en resserrant le périmètre.
Une baleine en chef est généralement chargée de souffler les bulles, tandis que les autres membres entourent les poissons, les suivant à la surface en nageant en spirale pour les piéger. Certaines vocalises peuvent aussi être émises pour accélérer le mouvement des proies.
Il a été observé que la baleine chargée de créer les bulles est à un moment relayée par une autre, afin qu’elle puisse à son tour aller ne nourrir en surface.
Découvrez comment les baleines à bosse profitent des orques pour chasser le hareng, dans l’article Nager avec les orques de Norvège… et les baleines à bosse.
La baleine à bosse, l’engloutisseur des mers !
Les baleines à bosse sont surnommées « gulper » par les anglophones.
Il ne faut pas confondre le gulper qui est le grandgousier, une espèce de poisson abyssal avec une gueule immense. Il fut nommé ainsi en français, en hommage à Grandgousier (grand gosier), le mari de Gargamelle, la fille du roi des Parpaillons, et le père de Gargantua, le personnage de Rabelais. Il s’agit ici du verbe « to gulp » qui signifie « engloutir ».
Le rorqual à bosse est donc considéré comme un engloutisseur !
La jubarte se nourrit en ouvrant tout grand la bouche et en avalant tout ce qui se trouve sur son chemin, avant de la refermer. Elle se sert ensuite des muscles de sa gorge et de sa langue pour expulser l’eau à travers ses fanons. Les proies sont ainsi retenues prisonnières, puis avalées.
En 2020, la technique du filet à bulles a pour la première fois été observée Nouvelle Galles du Sud. Découvrez les détails et les spectaculaires images dans l’article Australie : nouvelle découverte sur la nourriture baleine à bosse. La baleine à bosse d’Irlande utilise aussi cette technique : Migration baleine à bosse d’Irlande au Cap Vert.
L’étude par les chercheurs de la technique du filet à bulles
La technique du filet à bulles est depuis très longtemps observée, mais les nouvelles technologies permettent d’en apprendre davantage sur la stratégie des baleines à bosse, sans pour autant être intrusives.
Dans la vidéo qui suit, vous pouvez voir le piège à nourriture baleine se refermer, du point de vue de la baleine. En effet, les chercheurs ont fixé une caméra sur l’animal qui tient avec une ventouse. Cela signifie que la baleine ne peut pas être blessée par la caméra qui tombe naturellement au bout de quelques heures et que les scientifiques repêchent pour récupérer les images.
Par ailleurs, les drones permettent de prendre de spectaculaires images qui donnent une vision très claire du piège établi. Les drones volent haut et leur bruit est faible, ce qui permet de ne pas déranger les animaux pendant leur chasse.
« Nous avons deux angles de vue. La perspective du drone nous montre ces filets à bulles et comment les bulles commencent à remonter à la surface et comment les animaux remontent à travers le filet à bulles lorsqu’ils font surface, tandis que les caméras sur les baleines nous montrent la perspective de l’animal. La superposition de ces deux ensembles de données est assez excitante », a déclaré Lars Bejder, directeur de l’UH Mānoa Programme de recherche sur les mammifères marins (MMRP).
Découvrez comment le souffle de la baleine à bosse est également utilisé comme outil polyvalent, en dehors de la capture des proies.
La recherche par les scientifiques de l’Université d’Hawai’i at Mānoa
Des chercheurs de l’université de Hawaiʻi at Mānoa et leurs collaborateurs ont ainsi capturé les images d’une part subjectives et d’autres part, vues du ciel.
« Les images sont plutôt révolutionnaires », a déclaré Lars Bejder. « Nous observons comment ces animaux manipulent leurs proies et les préparent pour la capture. Cela nous permet d’acquérir de nouvelles connaissances que nous n’avions jamais pu avoir auparavant ».
Lars Bejder, Martin van Aswegen, étudiant en doctorat, et Andy Szabo, collaborateur clé et directeur de l’Alaska Whale Foundation, ont récemment observé et enregistré la chasse au filet à bulles. L’équipe a travaillé avec le doctorant Will Gough et d’autres membres du laboratoire Goldbogen de l’université de Stanford et du laboratoire de biotélémétrie et d’écologie comportementale de l’université de Californie à Santa Cruz, en utilisant des étiquettes à ventouses équipées de caméras et d’accéléromètres. Cela leur a permis de comprendre comment les baleines à bosse de l’Alaska se nourrissent et comment elles utilisent les bulles pour optimiser leur consommation de krill en produisant des filets à bulles.
Les données de la vidéo et de l’accéléromètre, couplées à celles du drone, permettent de mieux comprendre les détails précis du comportement des baleines et la fréquence à laquelle elles doivent le faire pour gagner suffisamment d’énergie et de poids avant de redescendre sur Hawaï pour se reproduire et s’accoupler. Vous pouvez en voir la simulation dans la vidéo ci-dessus (à 1′).
Dans la vidéo qui suit, Lars Bedger vous en dit plus sur son étude du piège à nourriture baleine du filet à bulles
Une fois le piège à nourriture baleine refermé, voici maintenant l’heure du festin !
Une nouvelle étude publiée en août 2024 permet d’en apprendre davantage sur la création des filets à bulles, calibrés au millimètre près : Comment les baleines à bosse de l’Alaska créent leurs outils sur mesure.
Retrouvez davantage de détails dans l’article Que mange la baleine à bosse ?
Découvrez le Dauphin de l’Irrawaddy (Orcaella brevirostris), un petit cétacé qui vit le plus souvent dans les fleuves asiatiques. Il forme également des pièges pour capturer les poissons en crachant un jet d’eau qui permet de les concentrer pour les attraper plus facilement. Il chasse aussi en groupe, en encerclant les proies et en les faisant remonter vers la surface, tout comme les baleines à bosse.
Extraordinaire ! Je n’avais jamais entendu parler de cette manière de se nourrir des baleines 🐳 et le visuel de ces bulles est magnifique !
Grâce aux drones, on dispose de plus en plus de magnifiques vidéos dans lesquelles les baleines semblent danser un ballet à la chorégraphie parfaite !