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Caca de baleine

Caca de baleine : une aubaine pour l’écologie de la planète !

Quand on vit dans les océans, on fait tout dans les océans ! Les baleines à bosse, mais aussi toutes les grandes baleines, qu’elles soient à dents ou à fanons, parcourent des milliers de kilomètres et se soulagent un peu partout. Un peu partout, oui, mais pas n’importe où ! Les cétacés remontent systématiquement vers la surface pour déféquer et c’est une aubaine pour l’écologie de la planète. Celle des océans d’abord, car les nutriments du caca de baleine nourrissent le plancton et le krill, mais aussi l’écologie de toute la planète, car le plancton capture le CO2 de l’atmosphère, avant de le transporter dans les profondeurs. Voyons de plus près comment le caca de baleine constitue une merveille écologique.

Baleine à bosse whale pump

Caca de baleine et whale pump font l’objet d’études scientifiques très sérieuses

Deux scientifiques, Joe Roman et James J. McCarthy, ont poursuivi une étude très sérieuse sur le caca de baleine. Si le sujet peut prêter à rire, les conséquences des comportements des baleines prouvent que les cétacés peuvent changer la face du monde, en décidant de se soulager à un endroit ou à un autre.

J’ai déjà évoqué ce sujet dans l’article Australie : nouvelle découverte sur la nourriture baleine à bosse. Les jubartes qui évoluent du côté de l’Australie et de la Tasmanie sont en train de changer de comportement, ce qui influence l’écosystème de toute la région.

Selon les deux biologistes marins, Joe Roman et James McCarthy, les baleines se nourrissent dans les profondeurs de la mer pour ensuite remonter à la surface et libérer des quantités impressionnantes d’excréments.

Ils ont baptisé ce phénomène la « whale pump », que l’on peut traduire littéralement par « pompe due à la baleine ».

Caca baleine bleue au Sri Lanka
Excréments de baleine bleue dans l’océan Indien au Sri Lanka : la coloration rouge est due au fait que le cétacé se nourrit de krill

Comment la whale pump et le caca de baleine influencent l’écosystème marin

Les chercheurs ont exposé leur logique dans une étude publiée sur Plos One. Les mers de notre planète se recyclent en permanence. Les averses de neige marine* envoient de la matière organique en cascade vers le fond de la mer. Le zooplancton excrète des excréments pleins d’azote, de phosphore et de fer dans les eaux profondes au cours de sa migration régulière de haut en bas dans la colonne d’eau.

Il s’agit d’une pompe descendante de ressources. Mais d’autres organismes peuvent également ramener certains de ces éléments des profondeurs. Roman et McCarthy ont émis l’hypothèse que les baleines et autres mammifères marins réapprovisionnent les eaux de surface avec leurs excréments.

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*Qu’est-ce qu’une averse de neige marine ?

La neige marine est une pluie de matières organiques tombant des eaux supérieures vers les profondeurs de l’océan.

Lorsque les plantes et les animaux proches de la surface de l’océan meurent et se décomposent, ils tombent vers le fond de l’océan, tout comme les feuilles et les matières en décomposition tombent sur le sol d’une forêt. Outre les animaux et les plantes morts, la neige marine comprend également des matières fécales, du sable et d’autres poussières inorganiques.

Les matières en décomposition sont appelées « neige marine » parce qu’elles ressemblent un peu à des morceaux de peluches blanches. Les « flocons de neige marine » grossissent à mesure qu’ils tombent, certains atteignant plusieurs centimètres de diamètre. Certains flocons tombent pendant des semaines avant d’atteindre finalement le fond de l’océan.

Cette pluie continue de neige marine fournit de la nourriture à de nombreuses créatures des profondeurs. De nombreux animaux vivant dans les parties sombres de l’océan filtrent la neige marine de l’eau ou la récupèrent sur les fonds marins. Elle contient beaucoup de carbone et d’azote et nourrit de nombreux charognards des profondeurs.

Le petit pourcentage de matière qui n’est pas consommé dans les eaux moins profondes est incorporé dans la brume boueuse qui recouvre le fond de l’océan, où il est décomposé par l’activité biologique. Les trois-quarts environ des fonds océaniques sont recouverts de cette boue épaisse et lisse. La couche de boue s’accumule jusqu’à six mètres tous les millions d’années.

La neige marine en vidéo

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L’observation du cycle des cétacés

Les deux chercheurs se sont basés sur une série d’observations concernant les cétacés. Lorsque les baleines doivent faire surface pour respirer, les conséquences physiologiques de la plongée et de la remontée à la surface font qu’il est probable qu’elles se soulagent près de la surface. L’observation des nuages de caca de baleine a montré qu’il se dissipe dans l’eau plutôt que de couler.

Même si les baleines se nourrissent parfois dans la partie supérieure de la mer, elles plongent souvent plus profondément pour atteindre des poches denses de poissons et d’invertébrés. Ces ressources difficiles à atteindre sont la clef de l’étude de Roman et McCarthy.

Caca baleine à bosse issu du krill
Ces fèces de rorqual à bosse sont rouges, signe que la baleine s’est probablement alimentée de krill récemment © René Roy

La participation d’autres mammifères marins à la whale pump

Le concept de la whale pump peut aussi être attribué à d’autres animaux, comme les phoques et les otaries. Les animaux qui vivent en colonie rejettent des quantités suffisamment importantes d’excréments pour influencer l’écosystème.

Caca baleine et whale pump
Schéma du fonctionnement de la whale pump par Joe Roman et James J. McCarthy.

L’analyse du caca de baleine

Roman et McCarthy ont prélevé des échantillons de caca de baleine dans le golfe du Maine. Tous contenaient beaucoup plus d’ammonium – un déchet riche en azote – que l’eau environnante. Sur la base de ces analyses, les deux biologistes estiment que les baleines sont responsables du déversement de plusieurs milliers de tonnes d’azote bénéfique dans le golfe du Maine chaque année.

Plongée de la baleine à bosse

Un comportement déjà adopté par les reptiles marins, ainsi que l’ancêtre à sabots de la baleine

Les baleines ne font peut-être que poursuivre une tendance qui existait bien avant qu’elles ne vivent dans l’eau. Le paléontologue Ryosuke Motani a souligné que les reptiles marins plongeaient et remontaient à la surface depuis des centaines de millions d’années, bien avant que les ancêtres à sabots des baleines n’aient migré de la terre vers les océans.

Certains de ces reptiles marins – comme les ichtyosaures, qui ressemblent à des poissons – étaient parmi les premiers à plonger en profondeur, a souligné Ryosuke Motani. Ils ont probablement joué un rôle écologique similaire à celui que Roman et McCarthy suggèrent pour les baleines.

Il est donc trop restrictif de parler de whale pump, puisqu’il existe aussi la pompe à pinnipèdes et, à l’ère préhistorique, la pompe à reptiles marins, pour alimenter les océans.

Whale pump

La whale pump, une aubaine pour capturer le CO2

Lorsque le caca de baleine est libéré, une abondance d’azote et de fer forme un épais nuage dans les eaux proches de la surface. La manne est accueillie avec empressement par le phytoplancton – les micro-organismes à la base de la chaîne alimentaire océanique – qui capitalise rapidement sur l’afflux de carburant. Le caca de baleine constitue pour lui une aubaine énergétique.

Cette whale pump fournit de nombreux nutriments qui favorisent la croissance du plancton. Selon les chercheurs, en concentrant et en déplaçant les nutriments dans l’espace et le temps, ces géants des profondeurs mettent en place des attributs clefs des écosystèmes océaniques.

Excrément cachalot au Sri Lanka
Cachalot se soulageant au large de la côte du Sri Lanka © Andrew Sutton

La qualité des excréments de cachalot

Les excréments du cachalot sont particulièrement riches en fer, grâce à son régime alimentaire composé de calmars et de poissons. Le fer est à la fois rare et essentiel. Sa disponibilité permet la croissance du phytoplancton qui constitue un producteur primaire de photosynthèse de la mer. L’autre source majeure de fer dans l’océan est la poussière du désert transportée par le vent.

Les cachalots plongent à plus de 2 000 mètres pour chasser le calmar, mais défèquent à la surface, transportant ainsi les nutriments entre les royaumes océaniques. Les baleines bleues jouent également le rôle de whale pump, plongeant à 150 mètres de profondeur pour capturer le krill, les petits crustacés ressemblant à des crevettes qui se nourrissent de phytoplancton.

Excréments de cachalots

La colonne d’eau de la whale pump

Les turbulences provoquées par les plongeons, les remontées à la surface et les expirations remuent également la colonne d’eau verticalement.

Par ailleurs, au cours de leurs migrations, les baleines à bosse transportent des nutriments de manière latitudinale, entre les zones d’alimentation estivales riches en nourriture des océans polaires et les eaux tropicales plus chaudes, mais pauvres en nourriture. De surcroît, les mères baleine à bosse mettent bas et allaitent sous les tropiques, brûlant leurs réserves de graisse estivales et laissant derrière elles les déchets de leur métabolisme dans les eaux côtières chaudes.

Davantage de baleines = davantage de petits animaux

Comme il est expliqué dans la vidéo sous-titrée ci-dessous :

Plus il y a de baleines, plus il y a de plancton, plus il y a de krill, plus il y a de poissons, plus il y a de baleines… C’est le cercle vertueux de la nature !

Retirer le maillon fort de la chaîne provoque l’effondrement de tout l’écosystème. C’est la raison pour laquelle l’homme doit arrêter d’intervenir et de bouleverser ce cycle si parfait.

Le cercle vertueux créé par les baleines

L’absorption du carbone par le plancton et la pompe biologique

Non seulement les nutriments contenus dans le caca de baleine nourrissent d’autres organismes, mais il faut compter sur le plancton qui absorbe le carbone que nous, les humains, rejetons dans l’atmosphère.

Le plancton qui vient à la surface des océans pour se nourrir du caca de baleine absorbe le dioxyde de carbone de l’atmosphère, et notamment celui produit par l’activité humaine. Lorsque ce plancton meurt, il tombe au fond de l’océan, comme nous l’avons évoqué plus haut, sous forme de neige marine. On parle alors de pompe biologique.

La pompe biologique et la diminution du CO2 dans l’atmosphère

Les baleines sont les ingénieurs de la nature et l’homme ne devrait pas s’en mêler

Les cétacés, vivants ou morts, constituent des écosystèmes à part entière. En effet, lorsqu’ils meurent, ils sont recyclés par la faune qui participe à leur décomposition et s’en nourrissent.

La chasse à la baleine est bien sûr une ineptie et il est temps que les derniers pays qui la pratiquent cessent de prélever ces animaux si précieux. On peut espérer que cette chasse soit définitivement stoppée, dans tous les océans du monde dans un avenir assez proche.

Cependant, un autre danger menace, celui d’une écologie factice, qui ne fait que satisfaire les intérêts d’entreprises industrielles : la colonisation des océans par des parcs d’éoliennes monumentaux.

Outre le fait de massacrer les paysages, les conséquences sur la faune sous-marine sont dévastatrices. Il faut compter avec la pollution des installations, le massacre du sol sous-marin, mais aussi la pollution sonore qui désoriente la faune et anéantit ses capacités à chasser, se nourrir et se reproduire.

Mais ce n’est pas tout, les éoliennes offshore ont des effets délétères sur l’environnement : elles abaissent la vitesse du vent, ce qui induit une production moindre, et augmentent la température, ce qui ajoute à la destruction de la nature et de sa faune. Je vous invite à vous renseigner sur les résultats d’une étude allemande du Helmholtz-Zentrum Hereon. Alors qu’un énorme projet français, du côté de Dunkerque, s’apprête à voir le jour contre l’avis des écologistes (les vrais, pas les politiques !) et la population de la région, il est à noter que cette étude est passée sous silence par les médias. Tapez dans Google « éolien marin Helmholtz-Zentrum Hereon » pour trouver davantage de détails.

Laissons les océans se réguler et contentons-nous d’arrêter de les considérer comme des poubelles !

Excréments cachalot

Découvrez comment sont formés les meilleurs professionnels de la collecte d’excréments dans l’article Profession : chien renifleur de caca de baleine et d’orque !

Les liens des études sur le caca de baleine

Citation : Roman J, McCarthy JJ (2010) The Whale Pump: Marine Mammals Enhance Primary Productivity in a Coastal Basin. PLoS ONE 5(10): e13255. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0013255

Citation : University of Vermont. « Whales as ecosystem engineers: Recovery from overhunting helping to buffer marine ecosystems from destabilizing stresses. » ScienceDaily. ScienceDaily, 3 July 2014. www.sciencedaily.com/releases/2014/07/140703102957.htm

Découvrez l’Insolite étude pour sauver l’océan avec du caca de baleine artificiel lancée en début d’année 2022.

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