L’écholocalisation de l’orque est essentielle pour traquer les proies et lui permettre d’être au sommet de la chaîne alimentaire. Découvrez le décryptage de ce sens extrêmement sophistiqué.
Le poisson lune : un mets de choix pour certaines orques
« Après plus de sept ans de collecte de données, l’Orca Research Trust et moi-même sommes heureux d’annoncer que trois articles scientifiques sur les interactions entre orque et poisson lune viennent de paraître dans le Biodiversity Journal. » Ingrid Visser, biologiste marine néo-zélandaise, spécialiste des cétacés et plus particulièrement des orques.
L’équipe ayant réalisé ces études à grande échelle était composée d’Ingrid Visser, spécialiste des cétacés, de Marianne Nyegaard, spécialiste du poisson lune et de London Fletcher, spécialiste de la communication. Vous trouvez pour chaque étude le lien vers le texte intégral. Elles sont rédigées en anglais pour ceux que cela intéresse, mais vous y trouvez également de nombreuses photos qui illustrent admirablement la rencontre entre les deux animaux marins.
N.B. : le « nous » est employé pour retranscrire les informations données par Ingrid Visser, auteur principal de ces études.
La prédation d’un poisson lune par une famille d’orques
Sommaire
La conférence scientifique de la New Zealand Marine Sciences Society
La conférence scientifique de la New Zealand Marine Sciences Society s’est tenue du 21 au 24 novembre 2022 à Auckland, en Nouvelle-Zélande. Le docteur Ingrid Visser a participé et co-écrit l’infographie présentée ci-dessus.
Pour mieux comprendre la chasse du poisson lune océanique par les orques, nous avons recherché des enregistrements dans la littérature et en ligne. Nous avons constaté que la prédation a été signalée dans le monde entier, partout où les deux espèces se croisent. Elle concerne des poissons lunes d’une taille allant d’environ 0,3 mètre à environ 2 mètres de longueur totale. Au total, trois types de poissons lunes ont été sont concernés :
- Mola mola ;
- Mola alexandrini ;
- Masturus lanceolatus.
Les manœuvres complexes utilisées par le poisson lune pour s’échapper aux orques s’avèrent remarquables. Elles comprennent ce qui semble être des comportements d’évitement délibérés pour garder activement sa queue en direction de l’orque et sa zone ventrale éloignée, et ainsi empêcher l’orque de trouver une prise sur lui. Les mouvements apparaissent étonnamment rapides et agiles : le poisson lune se retourne, roule en arrière et tourne rapidement pour échapper à son prédateur.
Les manœuvres d’évasion utilisées par le poisson lune sont considérées comme un comportement inné, plutôt que comme quelque chose d’appris. Certaines vidéos montrent les poissons en train de faire des brèches dans l’eau, de tournoyer et même de nager à l’envers malgré leur poids massif et leur difficulté à se mouvoir ainsi.
1 — Premiers enregistrements de la prédation de l’orque sur le poisson lune à queue courte
Les techniques de recherche de nourriture des épaulards sont documentées depuis au moins le XVIIe siècle. Au cours des dernières décennies, un large éventail de comportements tels que l’alimentation en carrousel, en Norvège notamment (Technique de chasse : le carrousel de l’orque de Norvège), l’échouage intentionnel (en Patagonie) et le karaté-chop (décrit dans Orque vs requin plat-nez) ont été inscrits au répertoire de l’espèce.
Au cours d’une récente étude mondiale, les interactions entre les épaulards et les grandes espèces de poissons lunes ont été rassemblées. Le plus grand des poissons lunes est aussi appelé môle ou mola mola. C’est un poisson de la famille des Molidae, au corps circulaire, atteignant en moyenne 2 mètres de diamètre et 1 tonne. De nombreux spécimens grandissent bien au-delà ; le record est attribué à un spécimen des Açores, de 3,60 mètres de diamètre et pesant 2 744 kilos.
Nous avons découvert que les orques utilisaient de nouvelles stratégies de chasse pour ces poissons : après avoir ciblé les nageoires pectorales des molidés, elles blessent le poisson sur le côté et retirent les intestins et potentiellement d’autres organes. Elles désarticulent ensuite le poisson lune et insèrent leur rostre dans la cavité corporelle pour en extraire les tissus.
Ces comportements ont été documentés dans l’Atlantique Sud, en Océanie et dans l’est de l’océan Pacifique.
2 — Le poisson lune, genre Mola Kölreuter, montre des niveaux surprenants d’agilité pendant les interactions avec l’orque
Pour mieux comprendre les interactions entre l’orque et les grandes espèces de poisson lune, nous avons recherché les rapports des observations des rencontres entre les deux animaux marins. Nous avons examiné un total de 73 interactions entre 1961 et 2022.
Les rencontres étaient principalement regroupées dans des points chauds en Océanie, dans l’est de l’océan Pacifique, au large de l’Amérique centrale et de l’Amérique du Nord, ainsi que dans l’Atlantique Sud, au large de l’Afrique du Sud. Nous avons évalué le risque de prédation pour les molidés en distinguant les interactions de non-prédation et de prédation.
Les interactions de non-prédation et de prédation impliquaient des orques qui avaient été précédemment documentées comme se nourrissant de poissons (élasmobranches et téléostéens) et de mammifères (pinnipèdes et cétacés). Au cours des interactions, les orques ont fait preuve de coopération en matière de chasse et de partage de la nourriture.
Le nombre relativement faible d’interactions trouvées entre ces deux espèces s’explique probablement par la spécificité de la sélection des proies par certaines orques. Nos résultats suggèrent que les molidés représentent plus souvent une source de nourriture pour certaines orques en Océanie et dans le Pacifique Est, puisque la prédation a été documentée pour respectivement 65 % et 58 % des interactions dans ces régions.
L’apprentissage à la chasse pour les orques juvéniles
Il est par ailleurs probable que la chasse au poisson lune constitue un prétexte pour l’apprentissage des jeunes orques. Nous avons constaté une forte prévalence de duos composés d’adultes et de juvéniles. Comme l’attaque d’un poisson lune présente un faible risque de blessure, les mères s’en servent probablement pour apprendre à leurs petits à chasser.
Non seulement nous avons constaté l’importance numérique des couples mère-petit, mais nous avons aussi recensé un nombre relativement élevé d’orques enceintes. Elles recherchent sans doute l’apport nutritif, mais aussi hydrique que leur procure le poisson lune.
Un pod d’orques joue avec un poisson-lune à Walindi Resort en Nouvelle Guinée
L’apport nutritif, mais aussi hydrique du poisson lune
Nos résultats suggèrent que les poissons lunes représentent une source potentielle de nourriture localisée pour certaines orques, notamment en Océanie et dans l’est de l’océan Pacifique, d’où proviennent de nombreux enregistrements.
La prédation a été rapportée pour les deux écotypes d’orques mangeuses de mammifères et de poissons. La plupart des interactions impliquent une à quatre orques. Le comportement des cétacés inclut le ciblage apparent des nageoires dorsale, anale et pectorale des poissons lunes. Après avoir mangé les intestins, les orques démembrent systématiquement leur proie et la mangent presque intégralement. Toutes les chasses se terminent par le partage de la nourriture entre les membres du pod.
Il apparaît également probable que les orques ciblent le poisson lune pour sa forte teneur en eau. En effet, le molidé se distingue biologiquement de beaucoup d’autres espèces de poissons par la contenance en eau exceptionnelle de sa cavité corporelle et plus particulièrement de ses intestins.
On estime que les orques tirent jusqu’à 90 % de leur eau de leur alimentation. Les orques enceintes et allaitantes ont besoin d’une hydratation accrue. Toute alimentation pouvant les aider à s’hydrater s’avère donc particulièrement précieuse.
La défense du poisson lune contre l’orque
Le schéma ci-dessous montre la stratégie du poisson lune pour échapper à l’orque. Il permet de mieux comprendre les vidéos présentées sur cette page. Suivez le lien vous redirigeant vers l’étude pour consulter les photos très éloquentes qui illustrent la partie de chasse entre les deux animaux marins.
Pod d’orques et poisson-lune en Nouvelle Guinée
3 — Interactions entre l’orque et le poisson lune océanique
Cette troisième étude examine les interactions globales entre l’orque et le poisson lune océanique. Suivez le lien pour consulter les photos.
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