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Cerveau orque intelligence sociale

L’énorme – et surtout complexe – cerveau de l’orque

Cet article reprend les éléments de la conférence du docteur Lori Marino dont vous trouvez le lien vidéo plus bas. Je vous invite à en regarder l’intégralité (1 h 10’) si vous comprenez l’anglais. Lori Marino fait partie de ces scientifiques qui savent vulgariser leur sujet pour le rendre intelligible pour les profanes, ce qui rend ses exposés passionnants. Dans cette conférence, elle décrit le cerveau de l’orque qui se démarque par son imposant volume, mais surtout son incroyable complexité, présentant des caractéristiques plus sophistiquées que les nôtres.

Famille orques

Orca Brains and Intelligence par le docteur Lori Marino

Dans cette conférence portant sur le cerveau de l’orque, le docteur Marino remonte aux origines des cétacés et explique leur évolution. Depuis Pakicetus, leur ancêtre terrestre commun, leur taille s’est multipliée, tout comme celle de leur cerveau qui s’est surtout complexifié.

Lori Marino décrypte ensuite l’anatomie du cerveau de l’orque et explique les conséquences sur son intelligence de prédateur, son extraordinaire intelligence sociale et sa réceptivité aux émotions.

La conférence du docteur Lori Marino

Qui est le docteur Lori Marino ?

Lori Marino est une neuroscientifique, spécialisée dans l’étude du cerveau de l’orque. Elle est la fondatrice et directrice exécutive du Kimmela Center for Animal Advocacy et la fondatrice et présidente du Whale Sanctuary Project. Elle a été maître de conférences à l’université Emory pendant 20 ans et affiliée à la faculté du Emory Center for Ethics. Elle est également « affiliée créative » au Centre Safina.

Avec Diana Reiss, elle est co-auteur de la première étude montrant l’auto-reconnaissance par miroir chez les grands dauphins en 2001. Elle participe depuis trente ans à des travaux sur la neuroanatomie des dauphins et des baleines, montrant que le cerveau des dauphins est devenu aussi complexe que celui des grands singes par une voie neuroanatomique différente. Elle a également été interviewée dans le documentaire Blackfish et dans le documentaire Netflix de 2021 Seaspiracy.

De Pakicetus à Orcinus orca

Pakicetus
Pakicetus

Pakicetus, l’ancêtre de tous les cétacés

Pakicetus est l’ancêtre commun de tous les dauphins et baleines. Son squelette fossilisé a été retrouvé sur les lieux où s’étendait le paléo-océan Téthys, actuellement le Pakistan, d’où son nom.

Pakicetus vivait il y a entre 50 et 55 millions d’années. Cet animal terrestre est souvent comparé au chien. Toutefois, il s’agissait d’un ongulé, car les extrémités de ses pattes portaient de petits sabots au lieu de griffes. Pakicetus était un carnivore de petite taille, doté d’un petit cerveau à la forme rudimentaire, ne possédant pas encore de lobes. Le docteur Lori Marino explique que les scientifiques ont déterminé la forme de son cerveau et de celui de ses descendants en étudiant son crâne fossilisé.

Il est impossible de déterminer avec certitude pourquoi cet animal qui n’était pas adapté à la vie dans l’eau a pourtant commencé à faire son terrain de chasse de l’océan. Les hypothèses les plus logiques sont la pénurie de proies sur terre, la trop forte concurrence avec d’autres prédateurs mieux armés que lui et la surabondance de nourriture potentielle sous l’eau.

Quoi qu’il en soit, Pakicetus s’est progressivement adapté à ce nouvel élément. Ses pattes ont évolué en nageoires, tout comme sa queue, et ses narines ont migré vers le haut de son crâne pour pouvoir respirer plus facilement en remontant à la surface.

Ambulocetus
Ambulocetus

Les descendants de Pakicetus

Ambulocetus est le descendant direct de Pakicetus. Il vivait il y a 45 millions d’années et partageait encore sa vie en terre et mer.

Vint ensuite Dorudon, vivant entre 35 et 40 millions d’années, qui avait cette fois-ci définitivement élu domicile dans l’océan.

Dorudon évolua pour devenir Squalodon, vivant il y a entre 20 et 25 millions d’années. Squalodon apparaît beaucoup plus évolué.

Dorudon
Dorudon

La transformation spectaculaire des attributs des cétacés

Depuis Pakicetus, la taille des dents a diminué et surtout leur diversification a disparu. Contrairement à l’ancêtre terrestre qui disposait d’une denture dépareillée (pour assurer diverses fonctions : mordre, découper, broyer, etc.), les dents de Squalodon se sont uniformisées, adaptant une forme conique, comme celles de l’orque aujourd’hui.

L’évent s’est ancré au-dessus du crâne pour respirer à chaque remontée à la surface et surtout le cerveau a énormément grossi, en même temps qu’il a changé de forme, adoptant la même que le nôtre avec des lobes.

Par ailleurs, c’est à l’époque de Squalodon semble-t-il que l’oreille interne de l’animal a considérablement évolué. Elle s’est mise à capter des sons de très hautes fréquences et a développé l’incroyable capacité d’utiliser l’écholocation.

Voilà comment aujourd’hui, le petit Pakicetus est devenu orque, avec un cerveau présentant des particularités uniques que le docteur Lori Marino étudie depuis une trentaine d’années.

Squalodon
Squalodon

D’où provient l’intelligence sociale des orques ?

Les orques sont des animaux très sociaux, dotés d’une mémoire phénoménale, d’une capacité d’apprentissage et pouvant exprimer une large palette d’émotions.

Interactions orques

Les capacités extraordinaires de l’orque

Les orques fondent des réseaux sociaux complexes et développent des liens extrêmement forts entre eux. Leur vie est façonnée par des traditions culturelles profondément ancrées et une capacité unique de transmission de génération en génération.

Les orques se distinguent des autres animaux par :

  • des traditions culturelles : dialectes, recherche de nourriture, techniques de chasse, etc. ;
  • des capacités de communication perfectionnées ;
  • des réseaux sociaux et alliances complexes ;
  • des liens sociaux à vie ;
  • des chasses coopératives fondées sur des stratégies sophistiquées et une communication sans faille ;
  • un mode de vie matriarcal et une transmission naturelle, sans heurts, à la mort de la matriarche ;
  • la ménopause permettant une vie post-reproductive consacrée à la transmission et l’aide aux jeunes générations.

Cerveau orque dauphin humain

Le cerveau de l’orque

L’orque possède le deuxième plus gros cerveau du règne animal, après celui du cachalot. Cependant, ce n’est pas seulement la taille de son cerveau qui le rend intelligent, mais aussi sa structure à nulle autre pareille.

L’étude du cerveau de l’épaulard a déterminé quatre caractéristiques relevant de sa configuration bien différentes du cerveau humain. Les scientifiques affirment que certaines mesures de la structure du cerveau sont en corrélation avec la cognition.

Pod orques relations sociales

1 – L’épaisseur corticale

L’épaisseur corticale définit une mesure du cortex cérébral. Cette partie du cerveau est associée à la mémoire, l’attention, le langage, la pensée et la conscience. Les cétacés possèdent une épaisseur corticale élevée. Si elle n’est pas aussi importante que celle des primates et des humains, elle est structurée différemment.

Gyrification cerveau orque
Gyrification du cerveau de l’orque

2 – La gyrification

La gyrification est le processus de formation des plis caractéristiques du cortex cérébral. Le sommet d’un tel pli s’appelle un gyrus et son creux s’appelle un sillon. Or, la quantité de plis et de replis dans le cortex augmente considérablement la quantité totale de tissu nerveux cortical qui traite l’information. Par conséquent, les cerveaux possédant davantage de rides et de plis sont plus aptes à gérer un plus grand nombre de données et à les traiter plus rapidement.

Les plis corticaux permettant aux cellules d’être plus proches les unes des autres, elles ont besoin de moins de temps et d’énergie pour transmettre les impulsions neuronales. Par conséquent, la vitesse de communication des cellules du cerveau est augmentée.

Le cerveau des cétacés présente une gyrification significativement plus élevée par rapport aux mammifères terrestres, ce qui déconcerte les neuroscientifiques. L’indice de gyrencéphalie (IG) est de 2,2 pour les humains, de 5,62 pour les grands dauphins et de 5,70 pour les orques. Cela fait des orques le cerveau le plus gyrifié au monde. Exprimé plus abruptement, les orques possèdent davantage de matière grise que les humains !

Lobe paralimbique orque

3 – Le système paralimbique

Les orques possèdent un ensemble de lobes cérébraux très développés — appelés système paralimbique — par rapport aux mammifères terrestres, y compris les humains. Cette partie du cerveau est liée à la mémoire spatiale et à la navigation. Cette région du cerveau est aussi associée à l’apprentissage émotionnel et aux souvenirs à long terme.

Insula cerveau orque

4 – L’insula

La partie la plus fascinante du cerveau des orques et qui émerveille les scientifiques est le cortex insulaire (appelé insula) qui est le plus élaboré au monde. L’insula est impliquée dans la conscience et joue diverses fonctions liées aux émotions, notamment la compassion, l’empathie, la perception, le contrôle moteur, la conscience de soi et l’expérience interpersonnelle.

Le docteur Lori Marino estime qu’il s’agit de la partie du cerveau de l’orque la plus intéressante.

Deux orques

Comment l’orque utilise-t-elle son puissant cerveau ?

Les fibres nerveuses auditives étant prédominantes dans le cerveau des orques, elles l’utilisent probablement pour traiter les informations provenant de leurs capacités auditives. Les orques ont évolué immergées dans l’eau qui est un formidable transmetteur de sons, quatre fois plus rapide que l’air. Les orques utilisent ainsi le son pour percevoir le monde qui les entoure.

Conduit auditif cerveau dauphin humain

La double perception auditive

L’étude du cerveau des orques a démontré que les dauphins possèdent deux circuits distincts pour percevoir les sons.

Intelligence orque

L’écholocation, le sixième sens des orques

L’écholocalisation constitue le sixième sens des orques. Elles produisent des clics qui sont transmis par un tissu graisseux appelé melon, dans la partie avant du crâne. Le son directionnel produit est amplifié et se déplace dans l’eau jusqu’à 800 mètres de distance.

Lorsqu’il rencontre un objet ou une créature vivante, le son rebondit et revient vers l’orque. La mâchoire inférieure reçoit l’onde et, par le biais du nerf auditif, l’information aboutit dans le cerveau. Grâce à ce sens, les orques voient non seulement la forme de l’objet, mais aussi son intérieur, et elles sont capables de déterminer ses mouvements.

Lorsque les orques écholocalisent, elles obtiennent une image mentale : grâce au son, elles voient sous l’eau. L’écholocation est utilisée pour la navigation et la recherche de nourriture. En outre, l’écholocalisation peut être partagée avec d’autres membres. Elle peut devenir une activité sociale. C’est le type d’intelligence sociale des orques qui dépasse notre capacité à les comprendre.

Pod orques

Femelle bébé orque

Les autres sons dédiés à la communication

Outre l’écho, les orques produisent une grande variété de clics, de sifflements et d’appels pulsés pour communiquer. Lori Marino observe que « les orques sont les animaux les plus sophistiqués de la planète sur le plan acoustique. Elles perçoivent le monde d’une manière que nous ne pouvons qu’imaginer ».

Dans son livre consacré aux orques, Of Orcas and Men, David Neiwert estime que « Si leurs cerveaux sont structurellement et fondamentalement différents, il est presque certain que nos critères d’intelligence sont également différents des leurs. Il est tout aussi probable qu’ils nous considèrent comme acoustiquement obtus et primitifs, car, par rapport à eux, nous le sommes réellement ! ».

Intelligence sociale orque

Un vocabulaire rudimentaire, mais une expression vocale immensément riche

Les vocalisations des orques consistent en un vocabulaire très limité d’environ 40 sons utilisés par chaque baleine. Pourtant, les scientifiques qui ont analysé la nature des sons affirment que ceux-ci sont très denses et riches : il existe d’énormes variations d’intensité, de volume et de tonalité, ainsi que de contenu émotionnel.

L’incapacité des hommes à comprendre le langage sophistiqué des orques

Après un demi-siècle d’étude de la communication des orques, les scientifiques ne sont pas toujours pas parvenus à les comprendre !

L’origine du problème est que nous appliquons une définition anthropocentrique de l’intelligence qui implique le langage et son utilisation. Les humains se distinguent, puisque le langage est l’un de leurs plus grands avantages évolutifs. Cependant, notre intellect paraît limité et surtout notre capacité à extrapoler s’avère nulle lorsque nous avons affaire, comme avec les orques, à des êtres doués d’une intelligence qui nous dépasse.

Certains scientifiques proposent un autre angle pour définir l’intelligence, avec une approche spécifique à l’espèce : les défis à relever pour simplement rester en vie sont sensiblement différents sur la terre et dans l’eau. Nous devrions considérer l’intelligence simplement comme les capacités intellectuelles et émotionnelles qui permettent à une espèce de survivre dans son environnement, de résoudre les problèmes et de surmonter les défis que la vie lui impose.

Carl Sagan, astronome et cosmologiste, est l’auteur d’une remarque célèbre : « Il est intéressant de noter que si certains dauphins ont appris l’anglais, jusqu’à 50 mots utilisés dans un contexte correct, aucun être humain n’a appris la langue des dauphins ». Lori Marino complète : « Reconnaître l’intelligence et la conscience de soi chez les autres animaux est difficile, car nous sommes limités par ce que nous pouvons comprendre et expérimenter ».

Ce que les orques échangent reste un mystère. Nous aurions besoin d’un cerveau complexe comme le leur pour être capables de traiter et traduire ces informations !

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