L’écholocalisation de l’orque est essentielle pour traquer les proies et lui permettre d’être au sommet de la chaîne alimentaire. Découvrez le décryptage de ce sens extrêmement sophistiqué.
Attaque d’orque sur la plage : une nouveauté au Canada
Les orques sont réputées pour mettre au point des techniques de chasse très élaborées. Celles-ci nécessitent un long apprentissage et sont ensuite transmises de génération en génération. L’attaque d’orque par échouage sur la plage est connue depuis fort longtemps, mais uniquement dans l’hémisphère sud, en Patagonie, sur les plages de l’Argentine. Or, depuis 2016, ce phénomène a été observé dans la mer des Salish, en Amérique du Nord. Voici les témoignages des premiers observateurs et scientifiques.
Notez que les photos qui illustrent cet article sont celles des orques de l’hémisphère sud. La photo de couverture de l’article, prise en Argentine, est à créditer à © Sylvain Cordier/NPL/Minden Pictures.
La seule photo prise dans l’hémisphère nord de cet article est ci-dessous.
Les orques de la mer des Salish – Salish sea
La mer des Salish fait partie des lieux les plus fréquentés par les orques dans le monde. C’est aussi là qu’elles sont le plus observées et étudiées par les scientifiques.
La zone maritime de la mer des Salish se situe dans l’océan Pacifique, donc à l’ouest du continent américain. Elle est à cheval sur le Canada et les États-Unis et regroupe trois grands plans d’eau :
- le détroit de Géorgie ;
- le détroit de Juan de Fuca ;
- Puget Sound.
Le nom de Salish date des Amérindiens qui furent les premières populations à vivre dans cette région.
L’attaque d’orque en mer des Salish
L’attaque d’orque sur la plage en mer des Salish a surpris tous les observateurs des orques, car, jusque-là, la terre ferme de cette région était sûre pour les phoques. Ce n’est plus le cas, depuis que les audacieux prédateurs ont été surpris en train de s’échouer délibérément sur la plage à la poursuite de proies terrestres.
Les orques de Bigg – ou orques transientes – utilisent désormais la furtivité et le travail d’équipe pour chasser leurs proies de prédilection – les mammifères marins – comme leurs parentes éloignées ont l’habitude de procéder sur les côtes argentines. Il ne suffit plus au phoque de s’échapper de l’eau pour avoir la vie sauve.
Ce comportement a été pour la première fois observé en août 2016, à Protection Island, un refuge national pour la faune sauvage près de l’embouchure de Discovery Bay dans l’État de Washington. À la suite d’observations répétées, il a fait l’objet d’une étude publiée en novembre 2020.
« Lorsque le groupe a chargé pour la première fois au bord de la plage, je me souviens juste d’avoir crié et pointé du doigt », explique Justine Buckmaster, une naturaliste d’une compagnie de tourisme basée à Washington qui fut témoin d’une attaque. Au début, elle était inquiète que l’orque se soit échouée accidentellement, mais son inquiétude s’est rapidement transformée en excitation. « Je me suis rendu compte que je venais d’assister à quelque chose de vraiment rare dans notre région », affirme la naturaliste.
L’attaque d’orque visait les petits des phoques communs
Ce jour-là, un groupe de cinq orques transientes croisait à l’extrême ouest de l’île de Protection, où des phoques communs et leurs petits paressaient sur une plage de galets. Justine Buckmaster a vu la matriarche du groupe et un mâle adulte s’échouer intentionnellement sur la plage. Après cette première sortie, le mâle subadulte a lancé deux autres charges frontales sur le rivage, en s’échouant sur la plage.
« Sa nageoire dorsale a vacillé lorsqu’il s’est arrêté », explique la naturaliste. L’épaulard a eu besoin de puissantes poussées de ses nageoires pectorales et de sa caudale pour se renflouer, alors qu’il était complètement échoué.
Une technique d’orque en chasse pas encore au point
Josh McInnes, biologiste du projet de recherche sur les épaulards transients et auteur principal de l’étude, affirme que les épaulards n’ont réussi qu’à effrayer les bébés phoques au bord de l’eau et que leur technique n’est pas encore au point.
« Les orques n’en sont pas encore au stade de développement de ce comportement où elles peuvent réellement attraper un phoque sur une plage », affirme-t-il.
Comment se fait-il que l’orque attaque comme dans l’hémisphère sud ?
Jusqu’à présent, les échouages intentionnels n’ont été documentés que dans des sites comme la péninsule de Valdés en Patagonie, où une étroite brèche dans un récif rocheux permet aux orques d’accéder à une plage de galets. Elles profitent avec assiduité de cet accès au rivage pour chasser les otaries de la région.
Selon Josh McInnes, les échouages intentionnels se sont probablement développés de manière opportuniste chez les chasseurs de mammifères de l’hémisphère nord, tout comme chez les populations de l’hémisphère sud. « Les orques des Salish n’ont pas eu d’interaction avec une population d’orques d’Amérique du Sud et n’ont pas appris ce comportement ; c’est probablement une découverte due au hasard », affirme-t-il.
John Ford est un chercheur expérimenté de Pêches et Océans Canada qui étudie les orques de la région depuis plus de quatre décennies. Pour lui, il est probable que les orques de Bigg s’échouent régulièrement dans des eaux peu profondes lorsqu’elles chassent les phoques dans la région. « Il est arrivé à quelques reprises que des membres d’une même population s’échouent sur des rivages rocailleux, pour s’attaquer aux phoques », explique-t-il.
Des phoques cependant hors d’atteinte
Dans cette région des Salish, les phoques reposent dans la plupart des cas sur des récifs rocheux et surélevés qui rendent particulièrement dangereuses les brèves incursions des orques sur le rivage. La plage de galets en pente de l’île de Protection constitue un site inhabituel où les épaulards peuvent employer cette tactique de chasse et se dégager ensuite pour retourner en toute sécurité dans des eaux plus profondes.
Un style d’attaque d’orque qui devrait demeurer exceptionnel
Les plages comparables à celle de l’île de Protection relèvent de l’exception et les autres plages sont pour la plupart inappropriées. Il est donc fort improbable que cette tactique de chasse prolifère dans toute la population.
« Je ne pense pas qu’il soit probable que cela se passe comme en Patagonie », déclare John Ford. « Si c’était le cas, on s’attendrait à ce que les baleines traînent à cet endroit de manière répétée pour profiter des phoques à cet endroit et ce n’est pas le cas pour l’instant. »
Par ailleurs, pour que l’orque attaque sur la plage, il faut un entraînement intensif qui n’a pas été observé dans la mer des Salish, contrairement à ce qui se produit dans la péninsule de Valdés en Patagonie.
Cette observation exceptionnelle démontre néanmoins que les orques transientes sont des prédateurs polyvalents, inventifs et habiles et, comme leurs cousins de l’hémisphère sud, sont à l’aise dans des eaux très peu profondes.
Pour les phoques de la mer des Salish, les siestes tranquilles de l’après-midi sur la plage semblent cependant appartenir au passé !
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