Selon une étude de son génome publiée en août 2024, la population du requin blanc s’est divisée il y a environ 150 000 ans, pour ne jamais plus se croiser.
Le requin mako géant est l’ancêtre du requin blanc, pas le mégalodon
© Photo de couverture de l’article : illustration de carcharodon hubbelli par l’illustrateur Jason Bourque et présentée au musée de Floride.
Dans l’imaginaire collectif, le mégalodon est l’ancêtre du requin blanc. Cette croyance a été forgée par deux raisons : la première est que les scientifiques eux-mêmes l’ont très longtemps cru ; la seconde tient à la ressemblance entre les deux animaux, excepté que le poids requin blanc paraît bien léger en comparaison de celui du mégalodon.
Depuis quelque temps déjà, une autre hypothèse circule parmi les chercheurs : le requin mako serait l’ancêtre du requin blanc, et non le mégalodon. Voici l’analyse d’une étude qui le prouve.
Sommaire
La ressemblance physique entre le requin blanc et le mégalodon
Toutes les représentations indiquent une ressemblance frappante entre le requin blanc et le mégalodon. Or, on oublie souvent que, non seulement nul n’a jamais vu de mégalodon, mais il ne reste aucune trace de son squelette. Les requins sont des poissons cartilagineux qui se fossilisent rarement, contrairement aux os, d’où la difficulté des paléontologues qui les étudient.
En réalité, la preuve tangible que nous possédons du mégalodon consiste en une multitude de dents. Le reste n’est que spéculation.
Dana Ehret de l’université de Monmouth dans le New Jersey, est titulaire d’un PhD, chercheur au Florida Museum of Natural History. Il est le directeur de l’étude sur laquelle s’appuie cet article (et dont le lien se trouve en bas de page). Il explique pourquoi le mégalodon est toujours représenté comme un requin blanc, en plus trapu :
« Lorsque les premiers paléontologues ont rassemblé les dentitions de mégalodon et des autres espèces à grandes dents, ils ont utilisé le requin blanc moderne pour les assembler. Il est donc logique qu’il ressemble à un requin blanc, puisque c’est celui-ci qui a été utilisé comme modèle ».
Voilà comment la silhouette et les couleurs de mégalodon ont été calquées sur celles du grand prédateur actuel. Le poids requin blanc a aussi servi d’étalon pour évaluer les caractéristiques du mégalodon.
La découverte d’un fossile de carcharodon hubbelli
Tout a commencé en 1988, avec la découverte d’un nouveau fossile d’une qualité inédite. Gordon Hubbell, un habitant de Gainesville en Floride est un collectionneur de fossiles. Lors de ses pérégrinations dans la formation de Pisco, au sud du Pérou (dans la région du désert côtier d’Ica et d’Arequipa), il avait rencontré un fermier péruvien qui lui avait confié le fossile en question.
L’histoire ne dit pas pourquoi il attendit décembre 2009 – soit 21 ans – pour se manifester et en faire don au Musée d’histoire naturelle de Floride. Cette merveille de la paléontologie a néanmoins permis de découvrir une nouvelle espèce de requin qui allait bouleverser les croyances établies jusque-là.
En l’honneur de la formidable contribution de Gordon Hubbell, ce nouveau requin porte le nom de requin blanc de Hubbell, ou carcharodon hubbelli.
L’exceptionnel état de conservation de carcharodon hubbelli
Le fossile trouvé par Gordon Hubbell est en tout point extraordinaire : il s’agit d’un ensemble complet de mâchoires avec 222 dents intactes et 45 vertèbres, et il est dans un excellent état de conservation.
« Pour les paléontologues, le problème de l’étude des requins tient au fait que nous disposons généralement de dents isolées, explique Dana Ehret. Ce qu’il y a de bien avec cette nouvelle espèce, c’est que nous avons un ensemble de mâchoires articulées, ce qui n’arrive presque jamais. Nous avons ainsi pu constater que la troisième dent antérieure est incurvée, tout comme dans la rangée de dents des requins mako d’aujourd’hui ».
L’étude du fossile de carcharodon hubbelli
La découverte de ce nouveau fossile a permis de mettre fin à 150 ans de débat sur l’origine des grands requins blancs. Carcharodon hubbelli présente des caractéristiques intermédiaires entre le grand requin blanc actuel et le « petit » requin mako préhistorique.
Ceci confirme la théorie selon laquelle les grands requins blancs n’ont pas évolué à partir du mégalodon (Otodus megalodon).
La structure des dents en question
La structure des dents du requin blanc des temps modernes présente des similitudes avec celle du mégalodon, notamment des dentelures qui bordent le périmètre de chaque dent. Ceci les rend extrêmement tranchantes et leur permet de s’attaquer à de grosses proies, poissons et mammifères marins. C’est la raison pour laquelle les premiers scientifiques travaillant sur ces animaux ont considéré la dentelure comme preuve que le requin blanc et le mégalodon étaient étroitement liés.
« Cependant, nous voyons en fait l’évolution des dentelures dans différentes lignées de requins. Si vous regardez la forme et la taille des dentelures dans les deux groupes, vous voyez qu’elles sont en fait très différentes les unes des autres, a déclaré le professeur Ehret. Les requins blancs ont de très grandes et grosses dentelures, alors que les mégalodons ont de très fines dentelures. »
La comparaison des dents expliquée par le professeur Dana Ehret
Dans cette vidéo, le professeur Dana Ehret vous présente les différentes dents sur lesquelles il travaille. Il s’agit de celles du mégalodon, celles du requin blanc actuel et celles de carcharodon hastalis. Ce dernier est l’ancêtre du requin mako ; il est aussi appelé requin mako géant ou requin mako à grandes dents.
Il revient sur la différence de la forme des dentelures, ainsi que le « cou sur la dent » (neck on the tooth) qui suit la forme triangulaire de la dent.
Comment arriver de carcharodon hastalis, au requin blanc actuel en passant par carcharodon hubbelli
Dans un premier temps, les chercheurs avaient conclu à la possibilité d’une lignée génétique entre otodus megalodon (le mégalodon) et carcharodon carcharias (le requin blanc).
Dana Ehret estime que le requin de Hubbell est l’intermédiaire entre carcharodon hastalis (l’ancêtre du requin mako) et le requin blanc actuel. Son étude sur les dents indique la présence du « cou sur la dent » présent chez le mégalodon, mais pas chez le grand blanc, ni chez le mako. D’autre caractéristiques, comme la forme des dentelures l’incitent à pousser son raisonnement.
Le requin de Hubbell ressemble donc à une transition entre le requin mako à larges dents et le requin blanc moderne. Il est apparenté aux anciens requins mako à larges dents.
Alors que les requins blancs modernes possèdent des dentelures sur leurs dents pour consommer les mammifères marins, les requins mako n’ont pas de dentelures, car ils se nourrissent principalement de poissons. Le requin blanc de Hubbell présente des dentelures grossières qui indiquent une transition entre les requins mako à dents larges et les requins blancs modernes.
Une erreur de 2 millions d’années !
Une autre question a été soulevée au cours de l’étude de ce nouveau fossile. Elle portait sur une datation qui paraissait incohérente, avec une différence de 2 millions d’années. À l’échelle de la planète, ce laps de temps est anecdotique, mais il n’en restait pas moins problématique pour les chercheurs.
Il avait été estimé que le requin de Hubbell vivait au début du Pliocène. Or, à cette époque, le requin blanc existe déjà, car il est censé apparaître au milieu du Miocène. Cela invalidait la nouvelle thèse de la lignée génétique.
Sur l’échelle des temps géologiques, le Pliocène est la plus récente époque géologique du Néogène, s’étendant de 5,332 ± 0,005 à 2,588 ± 0,005 millions d’années. Il est suivi du Pléistocène et précédé par le Miocène.
Retour rocambolesque dans le désert Péruvien
Bien décidé à élucider le mystère, le professeur Dana Ehret et son équipe sont retournés sur le site original où le fossile a été prélevé, dans la formation de Pisco au Pérou, afin de réexaminer la géologie de la région.
Le problème est que Gordon Hubbell n’y était jamais retourné depuis 1988 et que l’équipe de chercheurs n’avait pour se diriger que le carnet de notes consignées par le collectionneur. À cette époque bien sûr, il ne disposait pas de GPS et tout reposait sur son sens de l’orientation.
Dana Ehret raconte : « Gordon nous a donné deux photographies de l’époque où il a recueilli le spécimen, puis une carte dessinée à la main avec un petit « X ». Nous avons essayé d’utiliser la carte et nous n’avons pas eu beaucoup de chance. Néanmoins, en utilisant les deux photos de la fouille, mon collègue, Tom Devries, a pu utiliser les montagnes en arrière-plan. Nous avons marché dans le désert en tenant les photos, en essayant de les comparer. C’est comme ça que nous avons trouvé le site ».
Non seulement ils ont trouvé le site, mais l’équipe a pu découvrir le trou précis d’où le fossile avait été extrait en 1988. Ils sont ensuite rentrés, échappant de peu à une catastrophe :
« Nous sommes rentrés à Lima environ trois heures avant qu’un tremblement de terre ne frappe et ne coupe l’autoroute transcontinentale pendant deux semaines. Ce fut un sacré voyage ! ».
Les conclusions de l’enquête
Le voyage en a valu la peine. Les scientifiques ont extrait des estimations plus précises sur la datation, en utilisant des coquilles de mollusques et en déterminant leur âge. Ils sont ainsi pu déterminer que l’espèce de requin de Hubbell date de la fin du Miocène, il y a environ 6,5 millions d’années, plutôt que du début du Pliocène, il y a environ 4,5 millions d’années.
En se basant sur les dates révisées à la suite de la visite du site de fouilles au Pérou, l’étude conclut que la nouvelle espèce est plus vieille d’environ 2 millions d’années que ce que l’on croyait auparavant.
Ces nouvelles dates sont aussi utiles pour mieux comprendre les autres fossiles trouvés dans la riche formation de Pisco, qui comprennent de nouvelles espèces de baleines, de paresseux marins et de vertébrés terrestres.
« Ce recul de deux millions d’années est assez significatif, car, dans l’histoire évolutive des requins blancs, cela confirme la place du requin de Hubbell comme intermédiaire entre l’ancêtre du requin mako et le requin blanc actuel.
Nous avons prouvé le fait que les requins blancs sont des makos hautement modifiés, adaptés en fonction de leur alimentation. Tout est maintenant cohérent. », a déclaré le professeur Ehret.
Cette combinaison de preuves soutient l’hypothèse selon laquelle les grands requins blancs sont une variante du requin mako, mangeuse de mammifères, plutôt qu’une version réduite du mégalodon.
L’étude originale de la revue Palaeontology sur l’origine du requin blanc Carcharodon (Lamniformes : Lamnidae)
Publiée en août 2013 par Dana J. Ehret, Bruce J. Macfadden, Douglas S. Jones, Thomas J. Devries, David A. Foster, Rodolfo Salas‐Gismondi.
Bonjour,
Trop de fausses informations dans cet article.
Le requin mako (Isurus oxyrinchus)n’a jamais été l’ancêtre du requin Blanc (Carcharodon carcharias).
Carcharodon hastalis n’est en aucun cas un requin mako, ces deux requins ont certes un ancêtre commun mais ont évolué de façon totalement différente.
On peut imaginer la lignée du requin blanc comme Carcharodon hastalis –> Carcharodon hubelli –> Carcharodon carcharias.
On voit bien que le genre est le même. Le genre du requin mako Isurus n’a rien à faire dans cette histoire
Bonjour, n’étant ni scientifique ni paléontologiste, je n’ai aucune opinion personnelle sur vos remarques. Cet article étant basé sur une étude publiée par The Palaeontological Association, je vous invite à les adresser aux chercheurs Dana J. Ehret, Bruce J. Macfadden, Douglas S. Jones, Thomas J. Devries, David A. Foster et Rodolfo Salas‐Gismondi qui ont publié cette étude et dont vous trouvez le lien en bas de l’article.
il y a des incohérences
dans l’article il est dit que carcharodon carcharias et sensé être apparus au milieu du miocène
et les fossile retrouver de carcharodon hubelli date de la fin du miocène. Cela invaliderait la nouvelle thèse de la lignée génétique.
a moins que la datation des reste de carcharodon carcharias jusqu’ alors eu etait confondus avec hubelli
dans l’attente d’une reponse
cordialement,
Bonjour, comme je le précise en réponse au commentaire précédent, cet article est basé sur une étude publiée par The Palaeontological Association dont vous trouvez le lien en bas de l’article. Pour plus de précisions, il vous suffit de suivre le lien pour lire le texte dans son intégralité.
Cordialement.