skip to Main Content
Peau du requin blanc

La peau du requin blanc : une structure de haute technologie

Les grands requins blancs sont des chasseurs furtifs à l’efficacité redoutable. L’une des clefs de leur réussite tient à leur peau dont la structure remarquable fait l’objet de nombreuses recherches scientifiques. La peau du requin est recouverte de minuscules écailles plates en forme de V, appelés denticules placoïdes. Ces denticules réduisent la résistance et influencent les turbulences, ce qui permet au requin de nager plus vite et plus silencieusement, tout en dépensant moins d’énergie.

Denticules peau du requin
Denticules placoïdes de la peau du requin © Trevor Sewell/Electron Microscope Unit, University of Cape Town

La structure de la peau du requin

La peau du requin est unique à bien des égards. Elle se caractérise notamment par le contraste entre son aspect parfaitement lisse et sa texture rêche au toucher. Les denticules placoïdes qui la composent ressemblent à des dents dures et rainurées qui donnent à la peau du requin une surface aussi rugueuse que du papier de verre.

Gros plan de la peau du requin et ses denticules placoïdes
Gros plan de la peau du requin et ses denticules placoïdes © L. Wen, J. Weaver, G. Lauder

Les écailles (ou denticules) placoïdes de la peau du requin

Les écailles placoïdes (qu’on appelle aussi denticules placoïdes) de la peau du requin s’organisent comme autant de petites tuiles qui se forment dans le derme, sous l’épiderme. Si leur disposition évoque des écailles, leur structure est plus proche de celle des dents : les denticules possèdent une cavité pulpaire centrale, de la dentine et une couche externe d’émail.

Écaille ou dent ? L’écaille placoïde des chondrichthyes – c’est-à-dire des poissons cartilagineux dont font partie les requins – présente des similitudes morphologiques avec le développement des dents. Elle est un tissu épithélio-conjonctif, car elle se forme comme la dent avec un tissu d’origine ectodermique (l’émail), lui-même formé par des cellules de l’épiderme, alors que la dentine est synthétisée par des cellules du derme.

En raison de cette similitude de structure, certains scientifiques proposent de remplacer le terme d’écaille placoïde par celui d’odontode, pour odontos qui signifie la dent en grec.

Formation de l’écaille placoïde de la peau du requin
Formation de l’écaille placoïde de la peau du requin

La rugosité de la peau du requin

Les denticules placoïdes renforcent et protègent la peau du requin contre les blessures. Ceci la rend si rugueuse qu’elle peut blesser un animal (dont l’homme) à la peau sensible et non protégée. Par ailleurs, les chercheurs pensent que les dents des orques hauturières sont souvent plus usées que celles des autres orques, car elles intègrent souvent les requins à leur menu dont la peau arrive à éroder les dents des prédatrices.

Les denticules de la peau du requin étant organisés comme des écailles, la peau paraît plus lisse si vous caressez un requin de la tête vers la queue que dans le sens opposé, à « rebrousse-écailles » en quelque sorte !

Croissance denticule
Croissance du denticule
Découvrez comment la peau rugueuse du requin affecte la Dent orque : gros plan sur l’usure de la dentition de l’épaulard.

L’hydrodynamisme exceptionnel de la peau du requin

Certains requins se déplacent très rapidement. Le requin blanc peut flâner à 5 kilomètres à l’heure, mais il peut faire des pointes à plus de 55 kilomètres à l’heure. Le requin mako – qui partage un ancêtre avec le requin blanc – est le plus rapide du monde avec les pointes dépassant 80 kilomètres à l’heure. La composition de la peau du requin avec ses écailles placoïdes est parfaitement hydrodynamique, ce qui lui facilite la tâche pour nager.

Les petits denticules sont disposés en mosaïque et entourent le corps du requin comme une hélice, formant une sorte de corset de soutien. Les requins étant des poissons cartilagineux, ils ne possèdent pas de squelette osseux ; les muscles utilisés pour nager sont fixés directement à l’intérieur de ce corset.

La peau du requin doit être très épaisse afin de l’aider à conserver sa chaleur et à soutenir les muscles qui sont attachés à ses couches internes. Le plus grand requin du monde, le requin-baleine, possède une peau d’environ 10 centimètres d’épaisseur.

 Grâce à cette peau si particulière, les requins économisent de l’énergie, ce qui leur permet de nager plus vite et plus loin, sans se fatiguer.

Ventre du requin blanc pendant la brèche

L’étude du Journal of Experimental Biology

La peau du requin a fait l’objet d’une longue étude dont vous trouvez l’intégralité sur le site du Journal of Experimental Biology.

L’étude prouve que la structure de la peau du requin l‘aide à mieux nager, car elle modifie les turbulences. L’eau est dirigée vers les rainures, ce qui a pour effet de diminuer la friction de l’eau contre laquelle le corps se déplace.

Des scientifiques ont utilisé un modèle de peau du requin imprimé en 3D pour montrer comment les écailles semblables à des dents aident les prédateurs à naviguer efficacement. Les ingénieurs ont aussi essayé d’imiter la rugosité de la peau de requin pour concevoir des maillots de bain, et même des voitures de course, sans succès jusqu’à présent !

De manière contre-intuitive, la création de turbulences près du bord d’un objet en mouvement peut réduire la traînée. De cette manière, les denticules agissent comme les fossettes d’une balle de golf. Les chercheurs ont également constaté qu’elles modifient les courants spécifiques qui aident le requin à se propulser dans l’eau.

Le professeur George Lauder, de l’université de Harvard et ses collègues ont scanné en détail un minuscule carré de peau d’un requin mako et ont construit un modèle 3D d’un seul denticule de 0,15 millimètre de long. Le défi consistait ensuite à fabriquer une peau synthétique, avec des milliers de ces denticules intégrés dans une membrane lisse et flexible.

Impression 3D de la peau du requin
La réplique imprimée comprend des denticules résistants intégrés dans une membrane lisse et flexible © J. Oeffner, L. Wen, J. Weaver, G. Lauder

Un an pour imprimer la réplique de la peau du requin en 3D

« Cela nous a pris environ un an », a déclaré le professeur Lauder.

L’impression 3D permet de construire des objets couche par couche, en suivant un modèle généré par ordinateur. Pour imprimer la peau de requin, les scientifiques ont dû utiliser deux matériaux différents : un pour les structures dures des écailles et l’autre pour la base flexible, un peu comme les différentes encres de couleur utilisées pour imprimer une image.

La forme particulière des denticules a également posé des difficultés. Comme l’explique le professeur Lauder : « Parce qu’elles impriment par couches, les imprimantes 3D doivent imprimer un matériau de support, qu’il faut ensuite retirer. Il a fallu un certain temps pour mettre au point toutes les astuces ».

Comme la résolution des imprimantes 3D, même les plus récentes, est limitée, les denticules artificiels sont environ 10 fois plus grands que les vrais, observés sur la peau d’un requin mako.

2 requins blancs

Une pagaie pour simuler le requin qui nage

Néanmoins, l’équipe y est enfin arrivée et a collé la nouvelle peau artificielle sur une petite pagaie flexible. Elle l’a étudiée dans un bassin où elle a pu constater les avantages que les requins retirent de leurs écailles originales.

La vitesse de nage d’une pagaie dotée de la nouvelle peau dentée a augmenté de 6,6 % par rapport à une pagaie recouverte uniquement d’une membrane lisse. Les denticules artificiels ont également permis à la pagaie de parcourir la même distance en utilisant 5,9 % d’énergie en moins.

« Cela représente un énorme bénéfice, lorsqu’il est calculé sur toute la durée de vie d’un animal qui nage constamment », a déclaré le professeur Lauder. Les requins sont en mouvement permanent, 24 heures sur 24. Le gain d’énergie grâce à cette texture unique de peau est fondamental pour leur survie.

En utilisant une technique spécialisée pour photographier le flux d’eau, l’équipe a également constaté que le « vortex du bord d’attaque », un petit tourbillon de basse pression généré par le mouvement de la pagaie, était plus fort avec les denticules que sans.

Le professeur Lauder estime que ce changement dans le flux d’eau est crucial : « Il aide à aspirer le poisson vers l’avant. La structure de la peau peut en fait augmenter la poussée – le moteur de la propulsion – plutôt que de simplement réduire la traînée ».

Il est intéressant de noter que les avantages sont plus évidents à des vitesses relativement lentes. « C’est au cours des migrations régulières sur de longues distances que l’on commence vraiment à voir les avantages », a expliqué le professeur Lauder.

Tête requin blanc

Il vous faudra encore attendre avant de nager avec une combinaison en fausse peau de requin !

Les chercheurs ont déjà étudié la dynamique d’échantillons de fausse peau de requin. Le professeur Lauder est particulièrement satisfait de ce nouveau prototype imprimé en 3D, car il bouge et se plie, tout comme les requins. « Vous avez une structure d’écailles rigide intégrée dans une membrane flexible, qui peut ensuite nager. »

Ne vous attendez toutefois pas à enfiler un maillot de bain en fausse peau de requin pour améliorer vos performances aquatiques dans un avenir proche. Transférer ce type de conception à un textile pourrait prendre des décennies estime le professeur Lauder.

Peau du requin mako
Requin mako

La biomimétique

L’idée de copier des éléments de conception biologique est connue sous le nom de biomimétique. La technologie d’impression 3D a rendu ce type de mimétisme beaucoup plus facile et, surtout, elle permet de modifier les modèles.

Par exemple, le professeur Lauder et son équipe ont déjà commencé à jouer avec l’espacement, la disposition et la forme des denticules. « Je veux étudier les conséquences de chaque changement », a-t-il expliqué.

Avant de penser aux maillots de bain, le professeur Lauder souhaite apprendre de la nature :

« Cela nous rapporte de comprendre comment le monde naturel fonctionne. Des millions d’années d’évolution nous donnent des solutions auxquelles nous n’avons jamais pensé. »

Requin blanc de face

Les images de l’étude sur la peau du requin

Voici deux images extraites de l’étude qui montrent la fausse peau du requin en très gros plan.

Étude peau du requin 1

1 – Images au microscope électronique à balayage environnemental (ESEM) de la surface de la peau du requin à tête blanche (Sphyrna tiburo) à différents endroits du corps.

 Des images ESEM en vue large ont été prises à partir de morceaux de peau extraits aux positions de la tête (A), du bord d’attaque de la nageoire dorsale (B) et de la nageoire caudale (C).

(D-F) Images ESEM en vue de dessus plus rapprochées de la surface de la peau des régions A-C montrant les détails de la structure 3D à chaque position.

Les denticules typiques le long du tronc présentent généralement un nombre impair de crêtes sur la surface supérieure. En D et F, on peut observer des denticules qui ont trois ou cinq crêtes supérieures. En particulier, les denticules situés à l’emplacement de la nageoire caudale (F) présentent des crêtes supérieures pointues.

Les structures de denticules atypiques, telles que les denticules du bord de la nageoire dorsale (E), ont la forme d’une larme avec une longue arête centrale et des arêtes latérales minimales.

Lorsque le requin nage, la direction naturelle de l’écoulement à travers la surface du denticule va de la partie inférieure gauche à la partie supérieure droite, de la base à la pointe du denticule.

 Barres d’échelle vertes, 200 μm ; barres d’échelle blanches, 100 μm.

Étude peau du requin 2

2 – Modèle micro-CT reconstruit en 3D d’un seul denticule en position médiane du tronc d’un requin mako (Isurus oxyrinchus).

Des vues supérieures (A), latérales (B) et antérieures (C) de la surface maillée sont montrées. Le denticule, le cou et la base sont indiqués dans la vue inclinée à 45 degrés (D).

(E) Les denticules de requin ont été agrandis, puis disposés linéairement sur un substrat de membrane.

(F-G) Vues latérales et dans le sens du courant des denticules modélisées, montées sur le substrat de la membrane pour l’impression 3D. Les denticules ont été imprimés dans un matériau dur, tandis que le substrat de la membrane a été imprimé dans un matériau flexible.

Dans la vue latérale (F), AD indique la profondeur de l’ancrage qui pénètre dans le substrat de la membrane (0,85 mm) et SS indique l’espacement entre deux denticules adjacents dans le sens du courant (1,93 mm). Dans la vue dans le sens du courant, SL indique l’espacement entre les crêtes médianes de deux denticules adjacents dans la direction latérale (2,16 mm).

Source de l’étude: Biomimetic shark skin: design, fabrication and hydrodynamic function / Li Wen, James C. Weaver, George V. Lauder / Journal of Experimental Biology 2014 217: 1656-1666; doi: 10.1242/jeb.097097

La peau du requin blanc

La structure de la peau du requin schématisée en vidéo

 

Retrouvez dans l’article Peau de requin : un modèle pour nos avions ?, les détails sur l’avancée de la recherche concernant la peau de requin, appliquée à la technologie moderne : avions, drones, éoliennes, coques de navire, combinaisons de plongées, etc.
Boutique Animaux Marins
Newsletter Animaux Marins

Cet article comporte 0 commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Remonter