L’écholocalisation de l’orque est essentielle pour traquer les proies et lui permettre d’être au sommet de la chaîne alimentaire. Découvrez le décryptage de ce sens extrêmement sophistiqué.
Sauvetage réussi pour deux orques piégées dans un lac d’Alaska
Coffman Cove est une petite communauté très unie sur l’île du Prince de Galles, dans le sud-est de l’Alaska. De nombreuses personnes travaillent et se divertissent sur les eaux de la région. Or, à la mi-août 2023, deux intruses ont été observées dans le lac Barnes : deux orques transientes bien connues dans la région.
Sommaire
La signalisation auprès de la NOAA
Les membres de la communauté de Coffman Cove ont signalé la présence des deux orques au service d’assistance téléphonique pour les échouages de la NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration) en Alaska. Le lac possède deux chenaux naturels vers l’océan et il existe un important échange avec l’océan lors des marées. Les experts en mammifères marins espéraient que les orques quitteraient le lac d’elles-mêmes au moment du cycle de marée haute de début septembre, mais cela ne fut pas le cas. Les marées hautes plus faibles de début septembre et le grand lit de varech à l’entrée nord du lac ont pu constituer un obstacle à leur sortie. Il a donc fallu recourir à une large équipe, organisée avec une coordination hors pair pour réussir à faire sortir les orques du lac.
Un événement pas vraiment inédit dans ce lac d’Alaska
Ce n’est pas la première fois que des orques se retrouvent piégées dans le lac Barnes. En 1994, un groupe d’orques hauturières avait été observé dans ce lac. Il s’agit d’un écotype qui se nourrit de requins et d’autres poissons et qui vit habituellement en pleine mer.
La plupart d’entre elles ont dû être ramenées dans l’océan grâce à une intervention par bateau utilisant des tuyaux d’oikomi. Cette technique empruntée aux Japonais consiste à se pourvoir de tuyaux métalliques creux que des personnes martèlent pour créer un bruit fort et faire fuir les animaux marins dans la direction opposée au bruit. L’utilisation des tuyaux oikomi nécessite plusieurs bateaux travaillant en étroite coordination. David Bain, de l’organisation Orca Conservancy, qui a dirigé le sauvetage en 1994, était sur place pour participer à l’intervention de l’été 2023.
Magnifique série de brèches de jeunes orques en Alaska
Les deux orques ont été identifiées comme T051, un mâle de 42 ans et T049A2, un mâle subadulte de 16 ans
À l’aide de photos recueillies par les membres de la communauté de Coffman Cove, Jared Towers, de Pêches et Océans Canada et de Bay Cetology, a identifié les deux orques comme étant des orques de Bigg, c’est-à-dire des orques transientes ou nomades qui se nourrissent de mammifères marins. Les experts se sont alors inquiétés du fait que les orques ne trouveraient pas les ressources alimentaires suffisantes dans le lac, ce qui imposait une intervention urgente.
Le grand mâle a été identifié comme T051, 42 ans, familier des eaux de Colombie-Britannique et d’Alaska. L’autre cétacé a été reconnu comme T049A2, un mâle de 16 ans bien connu dans les mêmes eaux. Avant leur apparition dans le lac Barnes, T051 et T049A2 avaient été signalés ensemble pour la dernière fois au large de la côte ouest de l’île de Vancouver le 9 juillet.
La coordination de l’évacuation des orques par la NOAA
La NOAA Fisheries Alaska Region a commencé à coordonner une intervention complexe pour guider les deux orques hors du lac et les ramener vers l’océan. La meilleure opportunité pour cette opération se tenait lors des grandes marées entre le 28 septembre et le 2 octobre, lorsque les chenaux du lac sont les plus profonds.
Les membres de l’équipe venant de l’extérieur de Coffman Cove sont arrivés sur l’île du Prince de Galles les 24 et 25 septembre. L’équipe d’intervention comprenait deux biologistes ayant déjà eu l’occasion de piéger des orques, un étudiant diplômé étudiant les orques de Bigg et le coordinateur régional des échouages de la NOAA pour l’Alaska.
Ils ont consacré les premières heures à rassembler ou à construire le matériel nécessaire à l’intervention. Le 27 septembre, ils ont collecté des images à l’aide d’un drone qui ont montré que les deux orques semblaient en bonne condition physique. L’équipe a également organisé une réunion avec les habitants de Coffman Cove pour expliquer le plan d’intervention et organiser les volontaires.
Trois tactiques pour pousser les orques à quitter le lac
L’équipe de sauvetage a proposé trois tactiques pour encourager les orques à quitter le lac.
- Lancer des enregistrements sonores d’orques connues pour voyager avec les deux épaulards égarés du lac Barnes pour les attirer dans la bonne direction.
- La mise en place du hukilau, une ancienne méthode de pêche hawaïenne utilisant des lignes et des flotteurs pour les empêcher de revenir sur leur « pas ».
- Les tuyaux Oikomi.
Mandy Keogh, coordinatrice régionale des échouages pour l’Alaska à la NOAA, a déclaré : « Le lac Barnes est une zone très difficile pour organiser une intervention. Les marées ont dicté le jour et la durée de notre intervention pour encourager les orques à sortir du lac. La sécurité est toujours la priorité absolue dans toute intervention en cas d’échouage, et c’est grâce aux connaissances locales, aux compétences nautiques et au dévouement de la communauté de Coffman Cove que cette intervention a été possible ».
Des approches multiples
Le 28 septembre, l’équipe de 14 bateaux et plus de 30 membres de la communauté de Coffman Cove s’est dirigée vers le lac Barnes, employant successivement les trois tactiques. Les deux épaulards sont entrés dans le chenal à l’extrémité nord à la marée descendante. Mais les varechs ont bloqué leur sortie du lac. Les conditions n’étant pas favorables à une nouvelle tentative ce jour-là, l’opération a été remise au lendemain.
L’équipe est donc revenue le 29 septembre, cette fois avec deux approches parallèles. Une équipe s’est efforcée de retirer une partie du varech de l’entrée nord afin de créer un canal par lequel les orques pourraient nager. Pendant ce temps, une deuxième équipe s’est efforcée de faire sortir les épaulards du lac par l’entrée sud.
« Nous sommes partis de l’approche qui avait fonctionné en 1994 et l’avons adaptée pour réussir avec ces deux orques », a déclaré David Bain d’Orca Conservancy. « Il est difficile d’entrer et de sortir du lac Barnes, car les sorties sont étroites et peu profondes, des eaux vives se forment lorsque le courant est fort et une grande partie des deux chenaux s’assèche, tandis que des chutes d’eau se forment à marée basse. Passer par le chenal nord comme nous l’avions fait en 1994 n’a pas fonctionné cette année, peut-être parce que le varech était plus épais et plus fort, que la marée n’était pas aussi haute et que les orques étaient plus imposantes. Nous avons donc décidé d’essayer de profiter de la volonté des orques de se déplacer dans des eaux peu profondes et des passages étroits, et d’essayer le canal sud. »
En utilisant les enregistrements d’orques familières des deux captives, l’équipe a pu attirer ces dernières dans le chenal sud. Une fois les deux épaulards entrés dans le chenal, l’équipe a déployé le hukilau et a préparé plusieurs tuyaux d’oikomi prêts à être utilisés en cas de besoin. Cette fois-ci, les orques n’ont pas hésité et ont continué à nager dans le chenal. Grâce à la marée haute, elles ont pu quitter le lac Barnes.
« En utilisant une série de brefs enregistrements de femelles avec lesquelles ces deux orques aiment voyager, nous avons réussi à les faire entrer dans le canal de sortie et à le traverser. Cela semble simple, mais il a fallu un effort considérable de la part de dizaines de personnes pour y parvenir. Il est bon de savoir qu’après plus de six semaines passées dans un petit lac, elles ont retrouvé leur liberté », a déclaré Jared Towers, technicien de recherche sur les orques à Pêches et Océans Canada.
« Leur réactivité aux enregistrements nous a permis de les amener à l’entrée du chenal au bon moment, à fort étale (un court moment où la mer est immobile entre deux marées) ; le hukilau a été préparé en une nuit par des pêcheurs commerciaux pour permettre de le déployer assez rapidement pour les décourager de retourner au lac ; et un dernier enregistrement les a encouragés à se diriger vers l’eau libre », a ajouté Bain. « Les orques ont ensuite suivi le bateau. Elles ont parcouru plus de vingt kilomètres au cours des deux premières heures et demie passées en mer, ce qui nous prouve que nous les avons sorties de l’eau alors que leur état était encore suffisamment bon pour qu’elles puissent survivre. »
L’implication des habitants de Coffman Cove
Cette opération de sauvetage réussie n’aurait pas été possible sans la communauté de Coffman Cove, notamment les citoyens, des pêcheurs professionnels et sportifs, et des entreprises locales qui ont offert leur temps, leurs bateaux, leurs connaissances locales et leur hospitalité.
« C’est une expérience très intéressante à laquelle j’ai participé et j’ai apprécié tout le travail accompli par la NOAA pour sauver ces deux orques », a déclaré Doug Rhodes, résident de Coffman Cove.
« Ce fut un merveilleux travail d’équipe, composé d’idées apportées par les résidents locaux et par ceux qui ont l’expérience du travail avec les orques », a confirmé David Bain.
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