L’écholocalisation de l’orque est essentielle pour traquer les proies et lui permettre d’être au sommet de la chaîne alimentaire. Découvrez le décryptage de ce sens extrêmement sophistiqué.
Parution du catalogue de l’orque d’Islande après 10 ans de recherches
L’orque d’Islande fait l’objet de recherches depuis de nombreuses années. Les observateurs d’Orca Guardians ont compilé une quantité astronomique de données de 2011 à 2021 qui permet aujourd’hui de disposer d’un catalogue très fourni. Voici comment il fut constitué au fil des années. Vous trouvez en fin d’article le lien pour télécharger ce catalogue de l’orque d’Islande, mis gratuitement à disposition par Orca Guardians.
Sommaire
Orca Guardians à l’origine du catalogue de l’orque d’Islande
Orca Guardians est une organisation indépendante à but non lucratif enregistrée en Islande. Náttúrustofa Vesturlands (le centre de recherche sur la nature de l’ouest de l’Islande), l’un des huit centres de recherche régionaux indépendants en Islande, est l’autre contributeur du catalogue.
Le catalogue de l’orque d’Islande constitué par Orca Guardians est mis à la disposition des chercheurs, des observateurs de baleines et des opérateurs de whale-watching afin d’améliorer les observations et de faciliter l’identification des baleines.
Le mot de Marie-Thérèse Mrusczok, fondatrice et présidente d’Orca Guardians
Marie-Thérèse Mrusczok est la fondatrice et la présidente d’Orca Guardians. Elle est spécialisée dans la conservation des orques et a travaillé à la protection des orques dans le nord-ouest du Pacifique, en Écosse et, depuis 2014, en Islande tout au long de l’année. Elle est une fervente partisane de la recherche non invasive et travaille à temps partiel pour le Centre de recherche sur la nature de l’ouest de l’Islande.
« Lorsque j’ai participé à ma première excursion d’observation des orques islandaises avec Láki Tours il y a presque exactement huit ans, le 16 janvier 2014, j’ai été subjuguée par le spectacle des orques se régalant de harengs dans un environnement immaculé, et par les centaines d’oiseaux qui participaient à la frénésie alimentaire. À tel point que lorsque le patron de la compagnie d’observation des baleines, Gísli Ólafsson (qui venait de m’engager en tant qu’experte en orques), m’a demandé après coup combien d’orques j’avais comptées… Je n’en avais absolument aucune idée et j’ai craint d’être expulsée de l’entreprise pour ce motif. Ce jour-là, je me suis promis de compter et d’enregistrer les orques de l’ouest de l’Islande chaque fois que j’en aurais l’occasion. Ce catalogue, qui compte près d’un millier d’individus issus de plus de 600 observations, est la preuve que je n’ai pas cessé de compter depuis lors.
La longue liste de remerciements de ce catalogue inclut toutes les personnes merveilleuses qui ont contribué et soutenu ce projet tout au long des années. Certains d’entre eux sont des amis et des collègues très chers sans lesquels je n’aurais pas pu réaliser ce projet. Je me considère comme incroyablement chanceuse et privilégiée d’être un ambassadeur des orques, ces animaux que j’aime et que j’admire depuis mon plus jeune âge.
Grâce aux efforts déployés tout au long de l’année à Snæfellsnes depuis 2014, nous en sommes maintenant au stade où nous comprenons mieux les orques que nous voyons dans l’ouest de l’Islande, non seulement au niveau de la population, mais aussi au niveau individuel, et parfois “personnel”. Combien de descendants ont-elles ? Quels sont leurs itinéraires de voyage ? Qui interagit et voyage avec qui ? De quoi se nourrissent-elles ? Nous pouvons répondre à ces questions pour certains individus, et pour d’autres, nous n’avons que peu ou pas de preuves. Pourtant, chaque fois que nous rencontrons une nouvelle orque, nous ajoutons une nouvelle pièce au puzzle. Un puzzle qui ne sera jamais complet, quels que soient nos efforts, car les orques sont parmi les animaux les plus complexes, les plus intelligents et les plus empathiques qui soient, et elles semblent toujours avoir une longueur d’avance sur nous. »
Marie-Thérèse Mrusczok, Grundarfjörður, le 13 janvier 2022
La constitution du catalogue de l’orque d’Islande par Orca Guardians Iceland
Comment l’identification de l’orque d’Islande a commencé
On sait que les orques (Orcinus orca) d’Islande se trouvent en grandes agrégations dans les zones côtières où le hareng se concentre à certaines périodes de l’année, tandis qu’elles peuvent être observées de manière opportuniste en petits groupes se déplaçant le long du littoral islandais tout au long de l’année. Après l’arrivée de grandes quantités de harengs de l’Atlantique (Clupea harengus) en frai d’été sur la côte ouest de l’Islande, en particulier sur la péninsule de Snæfellsnes, au cours de l’hiver 2009, un plus grand nombre d’orques qu’auparavant a été observé dans la région à partir de l’hiver 2010. Des orques avaient été repérées par des pêcheurs le long de la péninsule avant 2010, mais surtout au printemps et en été, et en petits groupes traversant Breiðafjörður.
En janvier 2014, la collecte systématique de données tout au long de l’année a commencé à bord des navires de Láki Tours Whale Watching. À l’époque, l’objectif principal était la reconnaissance individuelle des orques à des fins d’éducation à bord. Au fur et à mesure que le projet s’est développé et a commencé à fournir des résultats significatifs pour la recherche et la conservation, le travail d’identification a été officiellement repris par Orca Guardians Iceland, peu de temps après que l’organisation à but non lucratif eut été créée en mai 2016. Le catalogue a ensuite été développé comme une progression logique des efforts en cours, en incluant également des images des premières années de présence des orques dans les petits fjords de la péninsule de Snæfellsnes (2011-2013). Il y a eu trois éditions précédentes du catalogue en 2015, 2016 et 2017 (Mrusczok, 2015 ; Mrusczok, 2016 ; Mrusczok, 2017).
En 2021, Orca Guardians Iceland a approfondi son partenariat avec le Centre de recherche sur la nature de l’ouest de l’Islande (Náttúrustofa Vesturlands) pour créer une version actualisée et révisée du catalogue. Il est utilisé comme un outil d’aide au travail de conservation, pour le suivi à long terme de la population, et comme un document de référence pour la recherche – en cours et à venir – sur la nature en Islande.
L’objectif du catalogue de l’orque d’Islande
L’objectif général du travail d’identification effectué tout au long de l’année à Snæfellsnes, à la fois depuis la terre et depuis la mer, est d’enregistrer le plus grand nombre possible d’orques se déplaçant dans la zone, avec le moins de lacunes possible dans les connaissances, en prolongeant le travail sur le terrain sur la période la plus longue possible. Cela permettra d’identifier les éventuels habitats critiques, les zones d’alimentation importantes et les schémas comportementaux de la population d’orques d’Islande. Ceci fournira ainsi des connaissances cruciales pour les mesures de conservation.
Le respect de l’éthique promis par Orca Guardians
La tâche principale d’Orca Guardians est d’assurer le bien-être des orques sauvages et de la population d’orques d’Islande dans son ensemble. Par conséquent, toute recherche menée est soumise à une obligation de respect à l’égard des cétacés, avec la garantie d’une observation non invasive.
Les images de photo-identification présentées dans le catalogue ont été collectées lors de rencontres à terre et en bateau dans le strict respect du code de conduite d’Ice Whale pour une observation responsable des baleines.
La collecte de données en mer a été réalisée à bord des bateaux de Láki Tours Whale Watching, et pendant les heures d’ouverture de l’entreprise afin de minimiser un éventuel impact négatif et d’éviter d’avoir plus d’un bateau à la fois à proximité des orques.
Entre mars et juin 2021, en raison des circonstances durant la covid 19 et d’un manque de passagers et de sorties en bateau, cinq enquêtes de recherche ont été menées à Breiðafjörður avec l’un des bateaux d’observation des baleines. Au cours de toutes les rencontres en mer, les comportements des animaux ont été surveillés de près afin de détecter tout signe de détresse, auquel cas la distance par rapport aux individus a été augmentée ou la zone a été complètement quittée.
Les images d’identification présentées dans ce catalogue sont recadrées et agrandies, et ne sont pas représentatives de la distance entre le navire et l’individu au moment où elles ont été prises.
La méthodologie pour constituer le catalogue de l’orque d’Islande
Zone d’échantillonnage et période d’observation de l’orque d’Islande
Les images d’identification d’orques trouvées dans les eaux côtières de la péninsule de Snæfellsnes ont été collectées de février 2011 à décembre 2021. En tant qu’étude à long terme, le travail d’identification dans cette zone se poursuit tout au long de l’année.
Alors que la péninsule de Snæfellsnes (indiquée en rouge) constitue la principale zone de collecte de données, des images d’autres régions d’Islande ont été incluses dans le catalogue. Les autres régions (indiquées en bleues) comprenaient Steingrímsfjörður, Ísafjörður et Látrabjarg dans les dans les fjords occidentaux, la baie de Skjálfandi dans le nord, Borgarfjörður eystri à l’est, et des régions plus à l’est de l’Islande : Hvalfjörður, les eaux au sud de Grindavík ; la baie de Faxaflói dans le sud-ouest, près de Reykjavík ; et les eaux au sud de Vík dans le sud de l’Islande.
L’analyse des photographies
Les techniques d’identification utilisées pour ce catalogue ont été développées par Michael A. Bigg (1982) pour les orques du nord-ouest du Pacifique. Elles utilisent la forme et les cicatrices de la nageoire dorsale, ainsi que la forme, la pigmentation et les cicatrices de la tache de la selle (zone de peau plus claire, entre le gris et le blanc, située en dessous et en arrière de la nageoire dorsale).
Dans cette publication, les meilleures photographies disponibles des côtés gauche et droit de l’ensemble des données ont été utilisées pour chaque individu. La collecte de photographies implique la prise et l’analyse d’une moyenne de 40 000 photos par an. L’objectif est de maintenir le catalogue à jour en publiant de nouvelles versions. Le cas échéant, la version la plus récente annulera la plus ancienne.
Lors de la sélection des photographies, les chercheurs d’Orca Guardians visent des images de haute qualité qui montrent la nageoire dorsale et l’ensemble de la tache de selle avec un contraste et une mise au point optimaux. Cependant, en raison de conditions météorologiques défavorables, d’une faible luminosité (en particulier en hiver) ou de la brièveté des rencontres, ces critères ne peuvent pas toujours être respectés. Par conséquent, des photos de qualité moyenne ou médiocre ont également été incluses si elles présentaient suffisamment de caractéristiques distinctes de l’individu pour éviter les doublons dans le comptage. Les individus dont le catalogue ne montre que le côté gauche ou le côté droit ont été comparés aux autres individus du catalogue par le biais de la forme et de la pigmentation des taches de l’œil, afin d’éviter les doublons.
Les individus sont classés comme mâles ou femelles (voir table 1 à la fin du catalogue) s’il a été possible de déterminer le sexe en fonction de la taille et de la forme de la nageoire dorsale et de la taille du corps, ainsi que de l’exposition des organes génitaux à la surface de l’eau. Les femelles sont également classées en fonction des associations étroites observées à plusieurs reprises avec les mêmes baleineaux.
Les numéros d’identification sont attribués aux individus nouvellement découverts au moment de l’analyse des données et ne représentent pas nécessairement l’ordre dans lequel ces individus ont été vus pour la première fois.
Comment lire le catalogue de l’orque d’Islande
- Forme unique de la nageoire dorsale.
- Particularités de la nageoire dorsale.
- Tache de selle avec une forme, une pigmentation et des cicatrices uniques.
- LHS = côté gauche.
- Code alphanumérique (SN = Snæfellsnes + numéro individuel) et nom.
- RHS = côté droit.
Les marques spéciales et les traits caractéristiques sur d’autres parties du corps sont représentés par des incrustations dans le coin supérieur droit et le coin supérieur gauche des images d’identification.
L’analyse des résultats de 10 ans de recherches pour constituer répertorier les orques d’Islande
Le catalogue est le résultat de l’analyse d’environ 330 000 images d’identification collectées entre 2011 et 2021, avec un total de 987 orques individuelles identifiées et cataloguées. Pour des raisons pratiques, le catalogue est divisé en deux sections (SN0001-SN0671 et SN1000-SN1315).
Le travail d’identification en cours a révélé des mouvements le long du littoral islandais, ainsi que des mouvements aller-retour et aller simple d’orques vers des zones situées en dehors de l’Islande. Plus de 30 individus ont été documentés comme voyageant entre l’Écosse (y compris les Shetlands et les Orcades) et l’Islande (Mrusczok & Scullion, 2019 ; Mrusczok, Violi, et al., 2021 ; Scullion et al., 2021 ; Table 1). Des individus sont souvent vus à plusieurs reprises en Islande pendant les mois d’hiver et en Écosse pendant l’été.
En 2019 et 2020, on a constaté que quatre orques avaient parcouru une distance aller de plus de 8 000 km de l’Islande au Liban en passant par l’Espagne et l’Italie (Mrusczok, et al., 2021 ; Scullion et al., 2021 ; Table 1). Cette découverte reste unique par son itinéraire et sa portée, étant le plus long mouvement unidirectionnel jamais enregistré pour les orques dans le monde, et les premières correspondances d’identification d’orques entre l’Islande et l’Espagne, l’Islande et l’Italie, et l’Islande et le Liban.
Le catalogue est également utilisé pour suivre les nouveaux descendants, les taux de reproduction et l’état de santé général de la population, ainsi que pour identifier les orques blessées, malades ou mortes (Alves et al., 2018 ; Tableau 1). Le changement de proie chez les orques islandaises individuelles autour de Snæfellsnes est actuellement étudié (Mrusczok, Rodríguez, et al., 2021).
Orca Guardian vous propose son catalogue en téléchargement gratuit, il vous suffit de cliquer sur le lien ci-dessous.
Catalogue orque Islande 2011-2022
Découvrez un autre catalogue sur l’orque d’Islande permettant d’établir la généalogie des cétacés : Les données généalogiques inédites de l’orque en Islande.
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