Les baleines à bosse calibrent les bulles qu’elles émettent pour piéger leurs proies au millimètre près, comme le démontre une étude réalisée en Alaska.
Australie : nouvelle découverte sur la nourriture baleine à bosse
La technique du filet à bulles a déjà fait l’objet d’un article : Nourriture baleine à bosse : la technique du filet à bulles. Si elle est courante dans l’hémisphère nord et depuis longtemps documentée, elle a été pour la première fois observée près des côtes australiennes en 2020. Ce comportement interroge à deux niveaux : comment les jubartes ont-elles appris cette méthode de chasse et pourquoi se nourrissent-elles sur leur route de migration entre l’Antarctique et l’Australie, ce qui n’était pas le cas avant.
Sommaire
La nourriture baleine à bosse entre automne et hiver australien
Le mois de juin équivaut en Australie à la fin de l’automne et au début de l’hiver. Après s’être nourries pendant l’été dans les eaux de l’Antarctique, c’est le moment pour les jubartes de revenir sur la zone de nourriture baleine à bosse, le long des côtes australiennes.
Cette migration nord-sud a lieu chaque année et les observateurs l’attendent avec impatience. Cette année toutefois, les cétacés ont surpris un pilote de drone qui les épiaient et qui a aperçu un grand groupe de baleines à bosse appliquer la technique du filet à bulles pour piéger leurs proies, au large des côtes de la Nouvelle-Galles du Sud.
Il s’agit d’un événement exceptionnel pour deux raisons :
- c’est seulement la deuxième fois qu’un groupe aussi important de baleines à bosse est observé dans l’hémisphère sud, et une première pour l’Australie ;
- mais surtout, c’est la première fois qu’est observée la technique de nourriture baleine à bosse au filet à bulles en Australie et en plus, durant une période où la jubarte jeûne habituellement.
Petit rappel de la nourriture baleine à bosse avec la technique du filet à bulles
Les baleines se nourrissent au filet à bulles lorsqu’elles soufflent délibérément des bulles par leur évent pour encercler leurs proies – krill et poissons – en créant une sorte de filet qui constitue comme un mur blanc dans les eaux bleues. Elles concentrent ainsi les petits animaux, jusqu’à former une boule compacte.
Ensuite, une ou plusieurs baleines plongent pour inciter le banc à se rapprocher de la surface. C’est alors qu’elles ouvrent grand leur gueule pour engloutir d’énormes quantités de proies.
Nul ne sait comment tout cela a commencé et pourquoi certaines populations de baleines appliquent cette méthode et pas les autres. On ignore comment ce savoir est transmis.
Retrouvez davantage de détails dans Nourriture baleine à bosse : la technique du filet à bulles.
Vidéo par drone d’un super groupe de baleines à bosse © Brett Dixon
Les observations de nourriture baleine à bosse habituelles dans l’hémisphère sud
Les baleines à bosse de cette population de l’est de l’Australie sont généralement observées en train de s‘alimenter sur le flanc, ou juste sous la surface. L’alimentation au filet à bulles est d’habitude réservée aux populations de jubartes de l’hémisphère nord.
En revanche, certaines baleines à bosses de la population de l’est de l’Australie ont déjà été observées en train de se nourrir au filet à bulles, mais dans les eaux de l’Antarctique, c’est-à-dire durant la saison habituelle.
Les séquences filmées par un drone et les observations effectuées en septembre par des bateaux d’observation des baleines sont les premières à documenter l’alimentation au filet à bulles à cet endroit et à cette période. Autre fait notable dans la région, des scientifiques ont également documenté le comportement d’alimentation au filet à bulles plus au sud de la Tasmanie un mois plus tard.
La nouveauté du « super » groupe
D’après les images prises par le drone en septembre 2020, on estime à 33 le nombre de baleines à bosse se nourrissant en même temps. Malheureusement, on ne sait pas exactement de quoi se nourrissaient les baleines.
Jusqu’alors, des rassemblements de baleines à bosse aussi importants n’avaient jamais été observés dans les eaux australiennes.
La seule autre fois où un tel attroupement pour une séance de nourriture baleine à bosse massive dans l’hémisphère sud fut observé, ce fut au large de l’Afrique du Sud en 2011. Depuis, l’événement s’est plusieurs fois répété et semble faire désormais partie des habitudes des cétacés.
Pourquoi cette observation est-elle si exceptionnelle ?
Le fait est aussi exceptionnel, non seulement en raison de technique utilisée, mais aussi car les baleines cessent normalement de s’alimenter dans la zone de reproduction.
La majorité de la population de baleines à bosse de l’est de l’Australie passe les mois d’été à se nourrir dans les eaux de l’Antarctique. Elles se dirigent ensuite vers les eaux chaudes de la Grande Barrière de Corail en hiver (entre juin et août) pour s’accoupler et mettre bas.
Elles renoncent alors à se nourrir pour se consacrer à la procréation et la reproduction. La baleine à bosse peut rester des mois sans manger, capitalisant sur ses réserves d’énergie.
D’août à novembre, les baleines à bosse migrent vers le sud pour retourner en Antarctique. En chemin, elles font parfois une halte sur certaines parties de la côte est de l’Australie pour se nourrir. Or, à l’origine que cette population ne se nourrissait jamais le long de la route migratoire. Cependant, nous savons maintenant qu’elles le font pour compléter leur apport énergétique pendant leur migration.
L’impact de la nourriture baleine à bosse sur la route migratoire
Les baleines jouent un rôle important dans l’écosystème de l’océan, car elles se nourrissent dans une zone et défèquent dans une autre ! C’est la « whale pump », littéralement la pompe due à la baleine, qui fait l’objet d’études scientifiques très sérieuses.
Le whale pump est la capacité de la baleine à bosse de déplacer les nutriments dans l’océan. Ses excréments nourrissent de minuscules organismes, comme le plancton, qui sont mangés par le krill, puis par les baleines.
Le fait de voir ces super groupes se nourrir met en évidence des changements dans notre environnement marin dont nous n’aurions peut-être pas eu conscience autrement.
Retrouvez les détails de la whale pump et de ses bénéfices dans l’article Caca de baleine : une aubaine pour l’écologie de la planète !
La nourriture baleine à bosse par filet à bulles en Antarctique
Certaines baleines s’adaptent moins bien aux changement de leur environnement, comme vous pouvez le découvrir dans l’article Réduction critique de la taille baleine franche de l’Atlantique Nord.
Les explications évoquées par les scientifiques
Une explication possible de ce comportement pourrait être des conditions environnementales favorables. Une combinaison de températures idéales de l’eau et de nutriments peut avoir entraîné une abondance de nourriture, ce qui a permis à un grand nombre de baleines à bosse de se nourrir dans la même zone.
Ou peut-être cela a-t-il quelque chose à voir avec le rétablissement de la population de baleines à bosse de la côte est, dont le nombre augmente depuis la fin de la chasse à la baleine dans les années 1960.
Quoi qu’il en soit, il est important de comprendre comment les changements de l’environnement marin influencent les possibilités d’alimentation des baleines à bosse le long de leur route migratoire.
Cela permet de prévoir comment les populations de baleines à bosse réagiront peut-être au changement climatique qui réchauffe progressivement les températures de l’océan et modifie le moment et l’endroit où se trouvent leurs proies. Par conséquent, les jubartes se déplaceront alors différemment…
À suivre…
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