L’écholocalisation de l’orque est essentielle pour traquer les proies et lui permettre d’être au sommet de la chaîne alimentaire. Découvrez le décryptage de ce sens extrêmement sophistiqué.
Technique de chasse : le carrousel de l’orque de Norvège
Les orques sont les prédatrices ultimes des océans. Elles se distinguent par leur intelligence qui leur permet de chasser en famille et de mettre au point des techniques très sophistiquées. Ces méthodes sont diverses. Elles dépendent du type de proie, ainsi que de la configuration géographique de la zone de prédation. Ainsi, en Patagonie, les orques n’hésitent pas à s’échouer volontairement pour attraper les otaries et phoques imprudents qui flânent sur la plage ; en Arctique, elles nagent en formation, dans le but de créer un courant marin formant des vagues pour déloger un phoque réfugié sur un glaçon dérivant de la banquise, etc. L’orque de Norvège utilise la technique de chasse baptisée le « carrousel » pour festoyer au sein des bancs de harengs.
Sommaire
Qu’appelle-t-on le carrousel de l’orque de Norvège ?
L’alimentation en carrousel est une méthode de chasse coopérative utilisée par les orques pour capturer les harengs qui hivernent en Norvège. Le terme de « carrousel » fut utilisé à l’origine pour décrire un comportement de chasse similaire chez les Grands Dauphins (Tursiops truncatus) dans la mer Noire.
Chaque orque joue un rôle déterminé. Comme dans un ballet, elles se déplacent de manière très coordonnée, tout en communiquant pour prendre des décisions au fur et à mesure de la progression de la chasse. Celle-ci se déroule en deux parties : le rassemblement des poissons, puis l’alimentation.
La première phase du carrousel de l’orque de Norvège : le rassemblement
Lors de la première phase du carrousel de l’orque de Norvège — le rassemblement — les épaulards s’intéressent à un banc de harengs qu’ils rassemblent en une boule qu’ils resserrent progressivement. Les cétacés tournent autour du banc, émettent des sons, ainsi que des bulles qui incitent les poissons à se rapprocher toujours davantage, jusqu’à former une boule compacte. Les parties blanches des orques (sur le ventre et la queue) font aussi office d’épouvantails qui aveuglent, désorientent et repoussent les harengs au centre de la boule. Quelques claquements de queue à la surface s’ajoutent parfois pour canaliser le banc.
Le diamètre de la boule serrée varie de deux à sept mètres. Pendant la phase de regroupement, les orques émettent des sons très forts, alternant clics et sifflements. Tout en serrant la boule de harengs, elles poussent leurs proies vers la surface de l’eau. Les poissons se retrouvent alors piégés par cette barrière que représente l’air, sans aucune échappatoire possible.
L’alimentation au ras de la surface est bénéfique à plusieurs titres :
- les orques n’ont pas à plonger en profondeur, ce qui leur permet d’économiser de l’énergie ;
- étant proches de la surface, il leur est plus facile de respirer si la chasse s’éternise ;
- la pression étant moins intense en surface, chaque coup de queue s’avère plus efficace ;
- la surface constituant une barrière naturelle, elles n’ont pas à la contrôler, ce qui facilite la formation de la boule ;
- les conditions de luminosité étant meilleures, les orques peuvent utiliser leur sens de la vision qui les aide à être plus précises.
Le carrousel des orques de Norvège partie 1
La seconde phase du carrousel
La seconde phase du carrousel est celle pendant laquelle les orques consomment leurs proies. Elle s’amorce lorsque la boule de harengs s’avère suffisamment compacte. Une partie du groupe se nourrit pendant que l’autre continue à s’activer pour maintenir le banc de harengs en boule. Au bout d’un certain temps, les rôles s’inversent, afin que toutes les orques du groupe aient l’opportunité de se nourrir.
Les premières « attaquantes » effectuent des mouvements spectaculaires qui leur permettent de fouetter la masse dense de la boule à l’aide de leur queue, tuant quelques poissons sur le coup et étourdissant les autres. Les harengs sont également affaiblis et désorientés par les changements de pression et les turbulences, ce qui permet de les attraper plus facilement.
Les harengs morts et assommés sont alors consommés. Toutefois, l’orque de Norvège se montre particulièrement délicate. Elle se contente des filets du poisson et délaisse les têtes et les arêtes. L’eau se pare alors d’une multitude de particules scintillantes qui sont en réalité les écailles des harengs en suspension.
La chasse du carrousel peut durer de quelques minutes à plusieurs heures, en fonction du volume de harengs présent, ainsi que du nombre d’orques.
Le carrousel des orques de Norvège partie 2
Le repérage des harengs par l’orque de Norvège
Avant que ne commence la chasse de l’orque, il s’agit de repérer la présence d’un banc de harengs. Les épaulards utilisent pour cela l’écholocalisation. Ils envoient des sons qui sont répercutés par les obstacles qui se trouvent sous l’eau. La précision de cet extraordinaire sens leur permet de déterminer la forme des objets, ainsi que leur mobilité. Ainsi, les cétacés s’assurent qu’il s’agit bien de proies potentielles.
L’orque détecte les harengs à une distance bien plus grande que celle à laquelle les harengs perçoivent la présente du prédateur. Les épaulards sont organisés dans une structure matriarcale, à la tête de laquelle se trouve la mère (ou grand-mère ou arrière-grand-mère) de tout le pod qui la suit, regroupant indistinctement mâles et femelles. La matriarche bénéficie de la plus longue expérience en matière de chasse, elle est donc la plus apte à décider s’il est judicieux ou non de se lancer à la poursuite du banc qu’elle a repéré.
En fonction de la taille du banc de harengs, le pod d’orques — composé de 3 à 10 cétacés en moyenne — peut décider de diviser les poissons, afin de travailler sur un groupe plus petit et par conséquent plus facile à gérer.
L’héritage culturel de l’orque de Norvège
La méthode du carrousel de l’orque de Norvège demande une coordination parfaite. Les orques communiquent beaucoup durant toute la chasse, afin que chacune dispose des informations nécessaires pour ajuster sa propre action. Les cétacés doivent aussi se relayer pour se nourrir.
Les bébés orques assistent dès leur plus jeune âge à ces chasses, puis participent lorsqu’ils en ont l’âge et la maturité. Leur présence leur permet d’observer leurs aînées et d’acquérir d’indispensables compétences en matière de chasse. Cet apprentissage confère aux orques un avantage évolutif qui les aide à assurer la survie de l’espèce.
La technique du carrousel présente l’avantage de ne pas être dangereuse, contrairement à la technique de l’échouage en Amérique latine. Il faut des années à une jeune orque pour apprendre comment monter sur la plage, puis s’en dégager habilement. Pour le carrousel, les juvéniles peuvent participer et « apprendre sur le tas », sans risquer pour leur vie.
L’équilibre des populations de harengs maintenues, malgré la prédation par l’orque de Norvège
Le hareng est une source de nourriture vitale pour les orques norvégiennes. De la présence des premiers dépend la survie des secondes. Le hareng influence ainsi la distribution géographique des orques, tandis que les orques exercent une influence importante sur la population des harengs. Or, celle-ci n’est jamais épuisée, car les prédateurs ne prélèvent qu’une partie de la boule de poissons qu’elles cernent. Les harengs qui ne sont pas consommés s’échappent et poursuivent leurs pérégrinations dans les fjords.
Pour trouver les orques de Norvège, il faut donc suivre les bancs de harengs.
L’instinct de survie du hareng
Les harengs adoptent des comportements adaptatifs pour se protéger de la prédation, ce qui permet à une grande partie de la population d’échapper aux orques, baleines à bosse, oiseaux et autres prédateurs des océans.
Les harengs forment des bancs très denses lorsqu’ils croisent en haute mer, où le danger est le plus important, et des bancs plus restreints et moins denses lorsqu’ils se rapprochent de la côte, où le risque de prédation est moindre. Leur capacité à changer de comportement en fonction de la situation permet à un plus grand nombre de harengs de survivre aux attaques.
Un autre phénomène est aussi parfois relevé par les scientifiques qui observent la chasse du carrousel : lorsque les orques font remonter les harengs de grandes profondeurs, il semblerait que les poissons aient tendance à émettre des bulles de gaz, ce qui conduirait à désorienter les prédateurs visuellement et acoustiquement.
Le carrousel de l’orque en Norvège par le National Geographic
Les profiteurs du carrousel de l’orque de Norvège
Malheureusement pour les orques qui s’échinent à rassembler les harengs, elles ne peuvent pas toujours profiter en toute quiétude du fruit de leur labeur, car la concurrence est à l’affut. Les baleines à bosse en premier lieu perturbent profondément les parties de chasse. Les oiseaux ensuite se font opportunistes, même si eux n’adoptent aucun comportement fauteur de trouble.
La baleine à bosse, par les clics alertée…
Les orques communiquent ardemment durant la chasse pour s’informer mutuellement et s’adapter au fil de l’évolution de la boule de harengs. Or, les baleines à bosse sont aussi nombreuses à fréquenter les fjords norvégiens et elles ont l’ouïe fine ! Ainsi, les orques sont presque systématiquement importunées par les jubartes, environ deux fois plus grandes qu’elles.
Une fois la boule de hareng formée, il n’est pas rare de voir une ou plusieurs baleines à bosse la traverser, la gueule grande ouverte. Les mégaptères sont des engouffreurs : elles avancent dans l’eau en ouvrant la bouche dont le volume se démultiplie, grâce aux plis ventraux qui se détendent. Lorsqu’elles referment la gueule, elles effectuent une pression grâce à leur langue, ainsi qu’en contractant leur gorge dont les plis se resserrent. L’eau est évacuée au travers des fanons, tandis que les harengs retenus captifs sont avalés.
Une baleine à bosse avale des centaines de kilos de harengs par jour, mais, étant donné la quantité de harengs présents, cela n’affecte pas réellement les stocks. En revanche, leur traversée de la boule disperse les poissons et anéantit le travail des orques qui doivent à nouveau les rassembler pour pouvoir les assommer, puis les attraper.
Les miettes pour les oiseaux
Les oiseaux profitent aussi du carrousel pour se nourrir. Toutefois, eux ne dérangent pas les orques, car ils se contentent d’attraper çà et là des animaux assommés ou des restes de quelques harengs.
Partez à la découverte des spécificités alimentaires des orques de l’Atlantique Nord.
Si vous ne craignez pas l’eau froide, il est possible d’assister à ce fabuleux spectacle en allant Nager avec les orques de Norvège… et les baleines à bosse.
L’article L’orque de Norvège, son mode de vie et sa communication vous en apprendra davantage sur les autres techniques de chasse et sur ses vocalises.
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