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Marsouin du Pacifique, tout savoir sur vaquita marina
Le marsouin du Pacifique ou vaquita marina (Phocoena sinus) est une espèce de marsouin endémique vivant à l’extrémité nord du golfe de Californie, en Basse-Californie, au Mexique. Mesurant en moyenne 1,50 mètres pour les femelles et 1,40 mètres pour les mâles, il est le plus petit de tous les cétacés vivants.
L’espèce est actuellement au bord de l’extinction et figure sur la liste rouge de l’UICN des espèces en danger critique d’extinction. Il est considéré comme le mammifère marin le plus menacé au monde. Le déclin brutal est principalement dû aux prises accidentelles dans les filets maillants de la pêche illégale au totoaba.
Sommaire
Qui est le marsouin du Pacifique
Le marsouin du Pacifique a été décrit pour la première fois comme une espèce par deux zoologistes, Kenneth S. Norris et William N. McFarland, en 1958, après avoir étudié la morphologie de spécimens de crânes trouvés sur la plage. Ce n’est que presque trente ans plus tard, en 1985, que de nouveaux spécimens ont permis aux scientifiques de décrire complètement leur apparence externe.
Le nom scientifique du marsouin du Pacifique est le Phocoena sinus. Le genre Phocoena comprend quatre espèces de marsouins, dont la plupart habitent les eaux côtières (le marsouin à lunettes est plus océanique). Le marsouin du Pacifique, surnommé vaquita marina est le plus étroitement lié au marsouin de Burmeister (Phocoena spinipinnis) et moins au marsouin à lunettes (Phocoena dioptrica), deux espèces limitées à l’hémisphère sud.
Son surnom « vaquita marina » évoque la petite vache marine en espagnol.
On pense que leurs ancêtres se sont déplacés vers le nord en traversant l’équateur, il y a plus de 2,5 millions d’années, pendant une période de refroidissement au Pléistocène. Le séquençage du génome d’un individu capturé en 2017 indique que le marsouin du Pacifique ancestral avait déjà subi un goulot d’étranglement majeur dans le passé, ce qui pourrait expliquer pourquoi les quelques individus restants sont encore en bonne santé, malgré la très faible taille de la population.
Ne confondez plus marsouin et dauphin, mais apprenez à distinguer les deux cétacés au premier coup d’œil en lisant l’article : La différence marsouin dauphin.
Qu’est-ce qu’un goulot d’étranglement génétique ?
Le goulot d’étranglement génétique est une forte réduction de la taille d’une population due à des événements environnementaux. Il conduit à la variation du patrimoine génétique d’une population. Par la suite, il reste un groupe plus restreint, avec une plus faible diversité génétique, pour transmettre les gènes aux futures générations.
Le point positif est que les survivants du goulot d’étranglement sont les individus ayant la meilleure aptitude génétique. Si la population est réduite, les individus en sont renforcés.
Retrouvez les détails de l’étude sur le génome du Phocoena sinus et les conséquences de l’arrêt des filets maillants dans l’article Le marsouin du Pacifique enfin sauvé de l’extinction ?
Classification de l’espèce Phocoena sinus / Marsouin du Pacifique / Vaquita marina | |
Règne | Animalia |
Embranchement | Chordata |
Sous-embranchement | Vertebrata |
Classe | Mammalia |
Sous-classe | Theria |
Infra-classe | Eutheria |
Ordre | Cetacea |
Sous-ordre | Odontoceti |
Famille | Phocoenidae |
Genre | Phocoena |
Les caractéristiques physiques du marsouin du Pacifique
Le marsouin du Pacifique représente la plus petite espèce vivante de cétacés. Il est facilement reconnaissable : son corps est petit, sa nageoire dorsale triangulaire est exceptionnellement haute, sa tête est arrondie et il n’a pas de bec distinct. La coloration est principalement grise avec un dos plus foncé et le ventre plus clair, voire blanc.
Des taches noires proéminentes entourent ses lèvres et ses yeux.
Le dimorphisme sexuel est révélé par la taille du corps : les femelles matures sont plus longues que les mâles, elles ont une tête plus grande et des nageoires plus larges. En revanche, la hauteur de la nageoire dorsale est supérieure chez les mâles.
Le fait de posséder une nageoire dorsale plus élevée que celle des autres marsouins peut être un moyen de réguler leur température corporelle dans les eaux chaudes de la mer de Cortez. Ce type d’évolution physique est fréquent. On peut citer par exemple le fennec, ce tout petit renard du désert qui se sert de ses oreilles disproportionnées pour évacuer la chaleur et faire baisser la température de son corps.
Testez la nage du marsouin du Pacifique en 3D
En cliquant sur l’image, vous êtes redirigé vers la reconstitution de la nage en 3D du marsouin du Pacifique.
En promenant votre souris (ou votre doigt) sur l’animation, vous changez de point de vue, pour voir l’animal de face, de dos, sur le côté, sur le dos, sur le ventre… Vous pouvez aussi zoomer sur l’animation.
Les vocalises du marsouin du Pacifique
Les sont émis par le marsouin du Pacifique sont des clics de haute fréquence dont voici un échantillon.
Distribution et habitat du marsouin du Pacifique
L’habitat du vaquita marina est limité à une petite portion de la partie supérieure du golfe de Californie, également appelée la mer de Cortez. Il s’agit de la plus petite aire de répartition de toutes les espèces de mammifères marins. Les marsouins du Pacifique vivent dans des eaux souvent turbides (agitées) de moins de 150 mètres de profondeur.
Leur habitat se situe au large de San Felipe au Mexique. Il comprend la réserve de biosphère du delta du fleuve Colorado, l’un des sites marins les plus diversifiés de la planète, avec de nombreux types de poissons, oiseaux, reptiles marins et mammifères marins.
Le régime alimentaire du marsouin du Pacifique
Le marsouin du Pacifique est un généraliste qui se nourrit de diverses espèces de poissons démersaux (vivant au fond des mers), de crustacés et de calamars.
Comme les autres cétacés, les vaquitas marinas utilisent l’écholocation pour détecter leur environnement, et notamment leurs proies. Dans ce processus, l’animal émet des ondes sonores qui frappent les objets et sont réfléchies en direction du marsouin. Ce retour fournit des informations sur la taille et les éventuels mouvements de la cible.
Le comportement social du vaquita marina
Les marsouins du Pacifique sont généralement vus seuls ou en couple. Ils ont aussi été observés par le passé en petits groupes de 10 individus maximum. Aujourd’hui, le nombre de survivants étant tellement infime (en 2021, on parle de moins d’une vingtaine), il n’existe plus de groupe à proprement parler.
La durée de vie et la reproduction du marsouin du Pacifique
On connaît peu de choses sur le cycle de vie de cette espèce. L’espérance de vie est estimée à environ 20 ans. L’âge de la maturité sexuelle se situe entre 3 et 6 ans et la grossesse dure environ 10 à 11 mois. Le petit vaquita marina mesure à la naissance moins de 60 centimètres, pour 7 kilos.
Alors qu’une première analyse des marsouins du Pacifique estimait un intervalle de mise bas de deux ans, les données d’observations récentes suggèrent que les vaquitas marinas pourraient se reproduire annuellement.
L’augmentation supposée du cycle de reproduction est-il dû au fait que l’espèce est gravement menacée ? C’est possible. Plus au sud, en Amazonie, les scientifiques ont observé que le dauphin rose, un autre cétacé menacé par l’activité de l’homme, se reproduisait plus rapidement.
On pense que les marsouins du Pacifique ont un système d’accouplement polygyne dans lequel les mâles sont en compétition pour les femelles.
Le marsouin du Pacifique est un animal timide et peu enclin à entrer en contact avec l’homme
S’il est aujourd’hui impossible de rencontrer un marsouin du Pacifique tant la population est restreinte, il n’était pas autrefois plus courant de le voir en mer. Contrairement à de nombreux dauphins et à certaines baleines qui aiment s’approcher des bateaux, le vaquita marina n’a jamais été observé en train de jouer dans les vagues produites par l’étrave ou la poupe d’un navire ou à faire du spyhopping pour observer les curieux bipèdes à bord.
Le marsouin du Pacifique paraît timide et peu joueur.
Aucun animal en captivité
Le marsouin du Pacifique ne supporte pas la captivité et ne se reproduit pas dans les zones protégées. Cela fait son bonheur, car il n’a jamais pu être exploité dans des bassins pour faire des exhibitions et des représentations dans les parcs aquatiques. En contrepartie, cela fait aussi son malheur, car on ne peut pas créer de pouponnière où pourraient naître des animaux qui seraient ensuite relâchés dans la nature.
Le Comité International pour le Rétablissement du Vaquita (CIRVA) avait recommandé de retirer quelques individus de la zone pour être relocalisés dans des enclos marins protégés et permettre à l’espèce de croître à l’abri des menaces. Cet effort, appelé VaquitaCPR, a permis de capturer deux marsouins du Pacifique en 2017 : l’un a été relâché par la suite et l’autre est mort peu après sa capture, car il n’a pas résisté au choc de la captivité.
L’évolution de la population du marsouin du Pacifique
Comme le vaquita marina n’a été entièrement décrit qu’à la fin des années 1980, l’abondance historique est inconnue. La première étude complète du marsouin du Pacifique dans toute son aire de répartition a eu lieu en 1997 et a estimé une population de 567 individus.
En 2007, le nombre était estimé à 150 marsouins du Pacifique. En 2018, il aurait chuté en dessous de la barre des 20 individus, avec seulement 19 animaux. En 2021, l’association Sea Shepherd estime sa population à 17 animaux.
Cependant, une étude récente du génome du marsouin du Pacifique estime que l’habitat isolé du marsouin du Pacifique dans l’extrême nord du golfe de Californie a abrité environ 5 000 animaux pendant environ 250 000 ans.
Quelles sont les menaces qui planent sur le vaquita marina ?
La principale menace qui plane sur le vaquita marina vient des pêcheurs braconniers qui empiètent sur son aire de répartition.
L’interdiction des filets maillants
Les filets maillants représentent de terribles pièges pour tous les animaux, mammifères marins ou gros poissons, comme les requins. De nombreuses interdictions ont été promulguées dans les comtés de la côte californienne, depuis 1987.
Les autorités mexicaines ont imposé de nouvelles réglementations gouvernementales, avec une nouvelle interdiction partielle des filets maillants en 2015 et l’établissement d’une zone d’exclusion permanente des filets maillants en 2017. Ces mesures permettent de protéger – très partiellement – les marsouins du Pacifique et les autres animaux. Cependant, la population des marsouins communs par exemple a retrouvé une belle dynamique dans la mer de Cortez et sur les côtes pacifiques des États-Unis.
Malheureusement, le vaquita marina constitue toujours une prise accessoire dans les filets des braconniers pêcheurs.
La pêche illégale du totoaba
La pêche est totalement interdite sur la zone de répartition du marsouin du Pacifique, mais il reste les braconniers. Leur proie de prédilection est le totoaba. Il s’agit d’un poisson autrefois abondant qui entre aujourd’hui sur la liste rouge de UICN, classé en danger critique d’extinction depuis 1996.
Ce grand poisson fait l’objet d’une surpêche par les braconniers qui sont payés par les grands pontes des cartels de drogue. La seule partie qui les intéresse est la vessie natatoire de l’animal. La médecine traditionnelle chinoise lui attribue des vertus miraculeuses pour soigner certaines maladies et procurer une énergie hors du commun.
Ce braconnage fait vivre des centaines de pêcheurs de la région de San Felipe. Ils revendent au cartel de drogue la seule partie qui les intéresse – la vessie natatoire – pour quelques milliers d’euros, ce qui représente une fortune pour eux. Le reste du poisson est consommé par le braconnier, ou simplement rejeté à la mer.
Les vessies sont ensuite revendues sur le marché noir asiatique, à des prix totalement délirants, allant de 50 000 € à 70 000 € le kilo. Cela dépasse de loin le cours de l’or et de la drogue. Ce trafic est appelé « mafia blanca », la mafia blanche, car le totoaba est surnommé la « cocaïne aquatique ».
Les filets des braconniers du totoaba
Les braconniers se déplacent sur de petits bateaux appelés « pangas ». Ils pêchent en plein jour, mais aussi la nuit, ce qui rend leur traque plus compliquée. Ils sillonnent la zone, empiétant largement sur l’espace vital du marsouin du Pacifique et lancent leurs filets qui peuvent atteindre plus de 300 mètres de long.
Le vaquita marina se prend facilement dans les grandes mailles de ces filets. En voulant s’en défaire, il s’entortille et meurt noyé. Il est un « by catch », une prise accessoire qui n’intéresse pas les pêcheurs.
Le marsouin du Pacifique n’est pas la seule victime des filets des braconniers. Tous les types d’animaux peuvent s’y retrouver piégés : requins (dont le requin marteau entre autres), tortues luth, baleine à bosse, grands crabes, etc.
La mission de Sea Shepherd
Voilà plusieurs années qu’un bateau de l’association Sea Shepherd patrouille inlassablement dans la zone d’habitat du marsouin du Pacifique, de jour comme de nuit. Il dispose de moyens sophistiqués dont des drones qui lui permet de surveiller une plus grande zone.
L’équipe de bénévoles repère les braconniers et les invite à partir. Lorsque le navire du Sea Shepherd s’approche des pangas, il n’est pas rare qu’il se fasse caillasser ou qu’il reçoive des cocktails molotov. Les équipes demandent régulièrement l’intervention des navires de l’armée mexicaine qui patrouillent aussi en permanence dans la région, avec des soldats armés à leur bord.
Lorsque les équipes militaires ou civiles repèrent un filet posé, elles s’empressent d’aller de récupérer. Il faut pour cela presque deux heures pour une petite équipe, tant le filet est long et lourd à extraire de l’eau. Il n’est pas rare qu’ils sauvent animaux pris au piège qu’ils relâchent. Les filets sont ensuite revendus pour être recyclés en habits et chaussures. Ce sont ainsi en moyenne 500 filets qui sont retirés chaque année.
Un filet de 300 mètres coûte entre 3 et 5 000 € aux braconniers, ce qui rend les relations tendues !
Les autres facteurs de menace sur la survie du vaquita marina
Compte tenu de sa proximité avec la côte, le marsouin du Pacifique est exposé à l’altération de son habitat et à la pollution dans la mer de Cortez.
La prédation du marsouin du Pacifique par des requins a également été signalée par des pêcheurs, qui ont vu des individus entiers ou partiels dans l’estomac des requins capturés. Toutefois, la prudence s’impose, car on ne dispose pas d’images prouvant qu’il s’agissait bien du vaquita marina et pas d’un autre animal.
Les efforts de conservation par le Mexique
Le gouvernement mexicain, les comités internationaux, les scientifiques et les groupes de conservation ont recommandé et mis en œuvre des plans visant à réduire le taux de prises accessoires, faire respecter l’interdiction des filets maillants et favoriser le rétablissement des populations.
Le Mexique a lancé en 2008 un programme appelé PACE-VAQUITA dans le but de faire respecter l’interdiction des filets maillants dans la réserve. En contrepartie, il aidait les pêcheurs à échanger leurs filets maillants contre des engins de pêche sans danger pour le marsouin du Pacifique, ainsi qu’à fournir un soutien économique aux pêcheurs pour qu’ils renoncent à leurs permis de pêche et recherchent d’autres moyens de subsistance.
L’espèce est également protégée par la loi américaine sur les espèces menacées, la norme officielle mexicaine NOM-059 (Norma Oficial Mexicana) et l’annexe II de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES).
Le braconnage du totoaba demeure le plus grand danger pour le petit cétacé. En plus de l’association Sea Shepherd, le Museo de Ballena collabore avec la marine mexicaine pour détecter les activités de pêche dans la zone de refuge et retirer les filets maillants illégaux.
En mars 2020, le National Marine Fisheries Service (NMFS) américain a annoncé l’interdiction des crevettes mexicaines importées et d’autres fruits de mer pêchés dans l’habitat du vaquita marina.
La lutte impitoyable contre les braconniers pour sauver le marsouin du Pacifique
Des arrestations récentes
En réponse aux circonstances désastreuses auxquelles est confronté le marsouin du Pacifique en tant que prise accessoire du commerce illégal de totoaba, Earth League International (ELI) a entamé en 2017 une enquête. Appelée Operation Fake Gold, elle a permis la collecte de données sur toute la chaîne d’approvisionnement internationale illicite de totoaba maw (vessie natatoire), du Mexique à la Chine.
Grâce aux données confidentielles qu’ELI a partagées avec les autorités mexicaines, en novembre 2020, plusieurs arrestations importantes ont été effectuées au Mexique.
Terminons sur de bonnes nouvelles !
Les mesures mises en œuvre par le gouvernement mexicain sont très sérieuses. La traque des braconniers se poursuit, mais surtout, le fait de s’attaquer au trafic au plus haut niveau, plutôt qu’aux trafiquant devrait être plus efficace.
En 2021, plusieurs observateurs de la région ont assuré avoir vu deux marsouins du Pacifique, beaucoup plus petits que la moyenne. Si l’on en croit la description qu’ils en font faite, il pourrait s’agir de deux juvéniles, ce qui indiquerait que la population de marsouins du Pacifique continue de résister !
Par ailleurs, l’exemple de Cabo Pulmo, tout au sud de la mer de Cortez, au bout de la péninsule, est très encourageant. Les fonds marins ayant été laminés par la surpêche, les locaux ont pris conscience du danger qui les menaçait.
Toute la région s’est reconvertie, passant de la pêche à des activités de tourisme écologique. La zone est devenue une réserve marine protégée, sans pêche. En 25 ans, les fonds marins qui étaient devenus déserts ont retrouvé leur faune et leur flore d’antan. On estime que la biomasse a fait un bond de 400 % et que plus de 300 espèces d’animaux marins vivent paisiblement, pour le plus grand bonheur des plongeurs qui s’y baignent pour le seul plaisir des yeux, sans harpon à la ceinture.
Je vous invite à lire l’article Le marsouin du Pacifique enfin sauvé de l’extinction ? qui détaille une analyse du génome du marsouin du Pacifique très encourageante quant à son avenir.
Toujours en danger d’extinction malgré tous les efforts des scientifiques et hommes de terrain, le marsouin fait l’objet d’une nouvelle stratégie de sauvegarde, mise en place en juillet 2022 et décrite dans cet article : Nouveau plan en 2022 pour la survie du marsouin du Pacifique (vaquita marina).
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