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Le bouchon oral du rorqual pour éviter la noyade
Ne vous êtes-vous jamais demandé comment la baleine pouvait engloutir d’énormes quantités de nourriture en ouvrant tout grand la gueule sous l’eau sans se noyer ? Voilà en guise de réponse les résultats d’une étude publiée le 20 janvier 2022 sur le site Current Biology : Anatomical mechanism for protecting the airway in the largest animals on earth (Mécanisme anatomique de protection des voies respiratoires chez les plus grands animaux de la planète). Dans leur conclusion, les chercheurs attestent de la présence d’un organe original, formant un bouchon buccal et se déplaçant pour faire office d’aiguillage entre les voies respiratoires et l’œsophage.
Sommaire
Le nourrissage de la baleine à bosse
Le bouchon oral du rorqual pour fermer les voies respiratoires
Les chercheurs ont découvert que le rorqual qui s’alimente par la bouche possède un « oral plug », littéralement un bouchon oral ou bouchon buccal. Il se présente sous forme d’un bulbe charnu au fond de la bouche. Lorsque la baleine s’alimente, le bouchon se déplace vers l’arrière, ce qui a pour effet de fermer les voies respiratoires supérieures, tandis que le larynx se ferme pour bloquer les voies respiratoires inférieures.
Les études des baleines à dents ont établi que leurs systèmes respiratoires et digestifs sont indépendants, ce qui laissait penser qu’il en était de même pour tous les cétacés. Or, cette nouvelle étude démontre le contraire en prouvant que les systèmes respiratoires et digestifs du rorqual commun sont reliés dans le fond de la bouche, comme c’est le cas pour l’être humain.
Une étude réservée jusque-là au rorqual commun
Pour mener à bien cette étude, les chercheurs ont exclusivement travaillé sur le rorqual commun, le deuxième plus grand animal sur terre après la baleine bleue. Ils supposent que ce bouchon oral existe sur tous les rorquals qui possèdent tous le même comportement lors du nourrissage.
C’est quoi un rorqual ?
Rorqual ou baleine, ces deux appellations sont souvent confondues. Pourtant, il existe une différence majeure entre ces deux types de cétacés : les sillons ventraux. Les rorquals sont des baleines à fanons, possédant des sillons ventraux. Leur mode d’alimentation fait d’eux des « engouffreurs ». Le nom « rorqual » provient d’un mot norvégien – rorkval – qui signifie baleine à ventre plissé.
Les sillons ventraux partent du dessous de la bouche du rorqual, pour courir tout le long du ventre, c’est-à-dire sur plus de la moitié du corps du rorqual. Ces plis recèlent des cavernes concaves lorsque le cétacé se déplace normalement.
Lorsqu’il avise un banc de petites proies (le krill et les petits poissons constituent ses mets favoris), le rorqual file tout droit dans sa direction. Lorsqu’il l’atteint, il ouvre tout grand sa gueule. La mâchoire inférieure — la mandibule — bascule à un angle de 90°. Le rorqual poursuit sa route en engouffrant les proies, mais aussi quelques milliers de litres d’eau ! Pour atteindre une contenance maximale, les sillons ventraux se distendent, comme le ferait un accordéon. Ils sont tellement extensibles que le rorqual peut plus que doubler de volume.
Le cétacé contracte ensuite les muscles de son ventre, tandis que sa langue exerce une extraordinaire pression pour évacuer l’eau. Les fanons accrochés à la mâchoire supérieure — le maxillaire – officient en tant que filtre : ils laissent l’eau passer et retiennent les petites proies. Le rorqual peut alors déglutir la nourriture.
Les baleines à fanons — comme la baleine brise ou la baleine franche — ne sont pas des rorquals, car elles ne possèdent pas de sillons ventraux. En revanche, plutôt que baleine bleue ou baleine à bosse, il serait plus précis de parler de rorqual bleu ou de rorqual à bosse.
En résumé, tous les mysticètes sont des baleines à fanons, mais seuls certains sont des rorquals.
Le bouchon oral du rorqual commun
Revenons à notre étude. Elle détermine que le bouchon oral du rorqual se déplace pour permettre à la nourriture de passer dans l’œsophage. Il empêche l’eau de pénétrer dans ses poumons lorsqu’il se nourrit.
« Le mécanisme est comparable à celui de l’épiglotte d’un être humain qui recule pour bloquer ses voies nasales et que la trachée se ferme lorsqu’il avale de la nourriture », explique l’auteur principal de l’étude, le docteur Kelsey Gil de l’Université de Colombie-Britannique. L’épiglotte est une Languette cartilagineuse qui fait saillie dans la glotte. La chercheuse ajoute : « Nous n’avons jamais vu ce mécanisme de protection chez d’autres animaux. Une grande partie de nos connaissances sur les baleines et les dauphins provient des baleines à dents qui ont des voies respiratoires complètement séparées ».
À quoi ressemble le bouchon buccal du rorqual commun ?
Le bouchon buccal du rorqual commun est composé de tissus graisseux. Il est attaché au palais mou pour empêcher l’eau présente dans la bouche de s’écouler dans les poumons. Pour résister aux pressions, le bouchon oral est maintenu par de puissants muscles qui prennent leur origine sous la langue.
Lorsque le rorqual s’alimente, cette sorte de bouchon gras est projeté vers le haut et vers l’arrière de la gorge, fermant ainsi la voie vers l’évent supérieur du rorqual, tout en ouvrant l’œsophage pour la déglutition. Pendant ce temps, la force de l’eau qui arrive pousse la langue de l’animal contre l’épiglotte, fermant également les voies respiratoires inférieures.
Une évolution indispensable pour la survie du rorqual
Le bouchon buccal et la fermeture du larynx des rorquals prouvent leur incroyable évolution. Rappelons que les cétacés descendent tous de Pakicetus, une sorte de chien (mais doté de sabots !) qui vivait sur terre il y a entre 55 et 40 millions d’années.
Ce petit chien est devenu un animal de 18 à 20 mètres de long en moyenne, pour près de 50 tonnes pour le rorqual commun. Les plus grands peuvent atteindre jusqu’à 27 mètres de long. Le rorqual bleu, encore plus long et plus lourd, se nourrit aussi de petites proies. Leur technique d’alimentation en engouffrant, puis en filtrant l’eau et les proies, doit donc être parfaitement au point pour un rendement optimal. L’objectif est de dépenser le moins d’énergie possible, mais d’en engranger le maximum. Grâce à son bouchon buccal, le rorqual arrive à ingérer suffisamment de proies pour alimenter son immense organisme.
Une fois les proies avalées, elles transitent par un œsophage relativement petit pour un si gros animal, puis arrivent dans l’estomac en moins d’une minute.
Question subsidiaire : le rorqual hoquette-t-il, tousse-t-il ou rote-t-il ?
Il reste beaucoup à découvrir sur le mode de respiration et d’alimentation si sophistiqué du rorqual. Mais d’autres questions plus triviales peuvent aussi être posées ! Le rorqual peut-il hoqueter, tousser ou roter ? L’air sort-il uniquement par l’évent ou également par la bouche ? Pour l’instant, cela reste un mystère.
Plus sérieusement, l’étude du docteur Kelsey Gil et de ses collègues ne portait que sur le rorqual commun. S’il semble admis pour l’instant que tous les rorquals possèdent ce fameux bouchon buccal, en est-il de même pour les autres baleines à fanons ?
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