Selon une étude de son génome publiée en août 2024, la population du requin blanc s’est divisée il y a environ 150 000 ans, pour ne jamais plus se croiser.
Biologie et comportement du requin blanc juvénile
Le Shark Lab étudie, en collaboration avec l’aquarium de la baie de Monterey, les jeunes requins blancs au large de la Californie du Sud depuis des années, afin d’en apprendre davantage sur leur comportement, leurs schémas de migration et leur biologie. L’objectif est de comprendre la façon d’agir et les préférences environnementales du requin blanc juvénile. Le Shark Lab observe et marque parallèlement de plus en plus de requins blancs adultes autour des îles du large (Catalina, Northern Channel Islands), des comtés de Santa Barbara et de San Luis Obispo.
Cet article est tiré d’une étude réalisée et publiée par le Shark Lab. Sa mission est d’étudier l’écologie physiologique et comportementale des animaux marins, en mettant l’accent sur l’effet de l’activité humaine sur l’océan ; d’utiliser et de développer des technologies innovantes pour répondre à des questions difficiles, importantes pour la conservation et la restauration des populations décimées ; ainsi que de former la prochaine génération de biologistes marins.
Sommaire
Les principales caractéristiques physiques du requin blanc
Le requin blanc (Carcharodon carcharias) est un membre de la famille des Lamnidae, un groupe de requins connus pour leur forme aérodynamique. Le requin-saumon (Lamna ditropis), le requin mako ou requin-taupe bleu (Isurus oxyrinchus) et le requin-taupe commun (Lamna nasus) sont de proches parents du requin blanc.
Le requin blanc se caractérise par un museau pointu et cinq fentes branchiales de chaque côté du corps. Il possède une imposante queue rigide en forme de lune, de grandes nageoires pectorales et une nageoire dorsale triangulaire qui l’aide à se stabiliser lorsqu’il nage.
Le requin blanc possède un groupe de muscles et de tissus conjonctifs effilés près de la queue, appelé pédoncule caudal. Il fournit la puissance nécessaire à la nageoire caudale en forme de croissant pour se propulser efficacement dans l’eau. Il possède également une sorte de quille latérale (lateral keel) qui améliore la stabilité de la nageoire caudale et optimise l’hydrodynamisme.
Le requin blanc est gris foncé, gris bleuté ou brun sur la partie supérieure de son corps et blanc en dessous. Ce type de coloration est communément appelé « contre-jour » (countershading). Il s’agit d’une forme de camouflage qui permet au requin d’éviter d’être repéré par ses proies par le haut ou par le bas, et qui a évolué chez de nombreux autres animaux, dont certains poissons, mammifères marins et pingouins.
La croissance du requin blanc juvénile
Le requin blanc est une espèce à croissance lente qui peut vivre jusqu’à 70 ans ou plus. Il atteint une longueur moyenne de 4,3 à 4,5 mètres, les femelles de l’espèce étant généralement plus grandes. Certains des plus grands requins blancs recensés ont atteint une longueur d’environ 6,1 mètres. Comme tous les poissons, les requins blancs grandissent continuellement en longueur au cours de leur vie, mais, alors que la croissance en longueur ralentit, ils ont tendance à augmenter en circonférence avec l’âge.
La distribution géographique du requin blanc
Il existe des populations génétiquement distinctes de requins blancs, réparties dans le monde entier dans les eaux tempérées et subtropicales. Ces populations passent leur temps à migrer entre les zones d’alimentation au large et les zones de concentration côtière tout au long de l’année. Le requin blanc juvénile a tendance à se trouver près des côtes, ce qui suggère que la naissance a lieu dans les eaux côtières qu’ils utilisent comme nurseries.
Les requins blancs vivent dans des environnements côtiers et océaniques ; leurs mouvements varient en profondeur. Ils se déplacent de la surface (la nageoire dorsale affleure la surface) jusqu’à des profondeurs de plus de 1 000 mètres, mais on sait qu’ils effectuent des plongées plus profondes, jusqu’à 1 300 mètres. Le but de ces plongées est probablement de se nourrir, mais on sait peu de choses sur leur activité pendant ces plongées.
La reproduction du requin blanc
Les requins blancs femelles donnent naissance à des jeunes vivants, mesurant environ 1,5 mètre de long. La mère ne prodigue aucun soin parental, les nouveau-nés sont totalement indépendants dès leur naissance. Bien que personne n’ait jamais vu un requin blanc mettre bas, les chercheurs supposent qu’elle a lieu dans les eaux plus profondes et que les nouveau-nés se déplacent vers les eaux moins profondes du littoral à la recherche de protection et de chaleur.
Bien qu’il soit difficile de déterminer la vitesse de croissance du requin blanc juvénile, les estimations des scientifiques suggèrent qu’il grandit d’environ 25 centimètres par an au cours de ses 5 à 6 premières années.
Les chercheurs classent le requin blanc juvénile dans 3 catégories de taille :
- Bébé requin blanc = 1,5 mètre de long ;
- Requin blanc juvénile = moins de 3 mètres de long ;
- Requin blanc adulte = au-delà de 3 mètres de long.
Nurseries de requins blancs en Californie du Sud
Ces dernières années, un nombre croissant de requins blancs juvéniles ont été observés près de nombreuses plages du sud de la Californie, en particulier pendant les mois d’été et d’automne. Ces mois coïncident généralement avec une augmentation des activités humaines de loisir en mer. Beaucoup de ces requins blancs sont des nouveau-nés et/ou de jeunes individus qui utilisent les plages comme habitat d’alevinage (c’est-à-dire un habitat où les jeunes d’une espèce grandissent).
Pour ces jeunes requins blancs, les plages du sud de la Californie constituent un habitat idéal pour plusieurs raisons :
- les eaux y sont plus chaudes ;
- il y règne une abondance de nourriture facile à capturer (raies, poissons et calmars) ;
- elles sont à l’abri des prédateurs tels que les requins blancs adultes, les grands requins mako et les orques.
Les nurseries représentent donc des zones où le requin blanc juvénile peut s’épanouir en étant protégé des prédateurs et en ayant accès à des proies abondantes et faciles à capturer. En outre, les eaux plus chaudes profitent à la croissance des squales. Pour étudier les nurseries du requin blanc juvénile, Shark Lab utilise de nombreux outils et technologies tels que les drones, le suivi acoustique et les véhicules sous-marins autonomes.
Deux zones de nurserie du requin blanc juvénile dans l’est de l’océan Pacifique
Deux zones de nurserie ont été identifiées pour le requin blanc juvénile dans l’est de l’océan Pacifique Nord : le sud de la Californie et la baie de Vizcaino, à Baja CA, au Mexique. Les squales marqués migrent entre les deux sites.
En fonction de la température de l’eau, les requins blancs juvéniles sont plus fréquents le long des plages de Californie du Sud d’avril à octobre, et à la fin de l’automne, ils migrent vers le sud jusqu’à la baie de Vizcaino, à Baja CA, au Mexique. Au printemps suivant, certains individus migrent vers le nord jusqu’aux zones d’alevinage de la Californie du Sud.
Dans l’habitat d’alevinage, il existe des points chauds saisonniers où les juvéniles sont le plus souvent trouvés. Ces points chauds varient d’une année à l’autre ; les jeunes squales fréquentent les points chauds d’alevinage pendant plusieurs années avant de se déplacer vers les sites d’agrégation des adultes (par exemple, la baie de Monterey, Ano Nuevo, les îles Channel du Nord, l’île de Guadalupe).
Données de détection du requin blanc juvénile de 2009 à 2014
De nombreux requins marqués ont été détectés par les récepteurs acoustiques près de Will Rogers entre 2009 et 2011. Ils se sont ensuite déplacés vers El Segundo/Manhattan Beach en 2012-2014. La raison de ces déplacements n’est pas encore comprise.
Les technologies mises en œuvre pour étudier les zones d’alevinage du requin blanc juvénile
Les nurseries du requin blanc juvénile sont étudiées de différentes manières, notamment par l’échantillonnage de l’ADN environnemental (eADN) de l’eau de mer, par des enquêtes aériennes par drones, par le suivi des mouvements à l’aide de la technologie des balises acoustiques et des balises satellites (PAT tag), et par la cartographie en 3D de l’habitat des nurseries de requins à l’aide de véhicules sous-marins autonomes.
L’agrégation de requins blancs juveniles
Pourquoi le requin blanc juvénile choisit-il des nurseries dont les eaux sont chaudes ?
Le requin blanc juvénile est l’un des rares requins à sang chaud à utiliser les habitats de nurserie littoraux. Il semblerait qu’il soit trop petit pour maintenir sa température corporelle de manière efficace. C’est pourquoi il préfère les eaux plus chaudes.
Comment savoir où et comment se déplace le requin blanc juvénile lorsqu’il change de nurserie ?
Shark Lab surveille les requins grâce au marquage et au suivi.
Le marquage du requin blanc juvénile
Le requin blanc juvénile est marqué à l’aide d’émetteurs acoustiques qui utilisent des ondes sonores pour transmettre un identifiant unique. Certaines balises sont équipées d’un capteur de pression et de température qui fournit des informations supplémentaires sur la profondeur et la température auxquelles le requin nage.
Le requin blanc juvénile mesurant moins de 3 mètres, les scientifiques utilisent un filet spécial. Le squale est immobilisé le temps de lui implanter chirurgicalement une balise, enregistrer la longueur et la circonférence de l’individu et déterminer s’il s’agit d’un mâle ou d’une femelle. Il est rapidement relâché.
Cependant, si le requin est trop grand ou si les conditions de l’eau ne sont pas optimales pour l’attraper, le requin blanc juvénile est marqué lorsqu’il nage près de la surface.
D’abord, pour déterminer s’il s’agit d’un mâle ou d’une femelle, Shark Lab utilise une caméra GoPro fixée à l’extrémité d’une longue perche pour filmer le dessous du requin.
Le docteur Lowe, directeur du Shark Lab, marque un requin blanc juvénile à l’aide d’une pince
Après avoir identifié le sexe du requin, une balise acoustique est insérée dans le dos du requin, près de l’aileron dorsal.
Le repérage du requin blanc juvénile
Shark Lab utilise des récepteurs acoustiques placés sur le fond marin pour écouter et repérer les requins. Ils enregistrent la date, l’heure et l’identité du requin qui nage dans un certain rayon, fonctionnant à 360°, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. La détection s’effectue à une distance de 100 à 700 mètres, en fonction de la puissance de l’émetteur.
Le réseau de récepteurs s’étend du centre de la Californie jusqu’à San Diego. Dans certaines parties de la Basse-Californie, dans les sites les plus fréquentés, ils font partie d’un réseau dense, espacés de 500 mètres les uns des autres. Les données stockées sont collectées par une équipe de plongeurs, ce qui permet de déterminer le nombre de requins détectés avec les détails de leurs déplacements.
Le suivi de chaque requin blanc juvénile
Dans cette animation, les requins marqués sont représentés par une couleur différente. Chaque récepteur est représenté par un point blanc. Vous pouvez voir comment les requins utilisent les différentes zones de ce site d’alevinage sur une période d’une semaine.
Dans un site d’agrégation, si 3 récepteurs ou plus détectent le même requin à peu près au même moment, les scientifiques déterminent sa position exacte par triangulation. Cela leur permet d’avoir une meilleure idée de la manière dont les squales utilisent l’espace et de la façon dont ils réagissent aux changements des conditions environnementales, comme la température de l’eau.
Les variations de température dans les eaux fréquentées par le requin blanc juvénile
Cette animation sur la température montre à quel point la température de l’eau change dans une zone relativement restreinte au cours d’une marée. Étant donné que le requin blanc juvénile réagit aux changements de son environnement, ces données aident à comprendre comment la température de l’eau influence l’endroit où le squale passe son temps, comment il régule sa consommation d’énergie et quand il migre.
Mesure de la température de l’eau à une échelle fine
Pour déterminer si des températures spécifiques influencent les déplacements du requin blanc juvénile sur le site et la durée de son séjour, Shark Lab surveille la température dans l’ensemble de la colonne d’eau à une échelle continue. Pour ce faire, il utilise des enregistreurs de température qui relèvent la température de l’eau toutes les heures. Certains enregistreurs sont placés à la surface de la mer et d’autres au fond, à chaque emplacement du récepteur. Cela permet de voir comment la température évolue pendant toute la période de déploiement du réseau de récepteurs, à la fois à la surface et en profondeur.
Pour surveiller de plus près la température dans l’ensemble de la colonne d’eau, Shark Lab recourt également à un véhicule sous-marin autonome (underwater vehicle ou AUV en anglais). Il est utilisé pour déterminer s’il y a des changements de température à une échelle spatiale plus petite que les enregistreurs de température placés à environ 500 mètres les uns des autres.
AUV démarrant une mission
Comme l’AUV évolue dans l’habitat où les requins se rassemblent, il arrive que certains soient curieux de voir cette étrange torpille jaune bruyante. Certains les ont même croqués, comme un chien qui jouerait avec un jouet !
En plus de mesurer la température de l’eau en 3D, l’AUV mesure également la salinité, la profondeur, la quantité de chlorophylle (représentative du phytoplancton), l’oxygène dissous et la turbidité.
Quelle est la température idéale de l’eau pour le requin blanc juvénile ?
D’après l’analyse des données collectées, la température de l’eau influe sur la durée de séjour du requin blanc juvénile sur le site d’agrégation. Lorsqu’elle baisse trop et reste basse (moins de 15 °C), il commence à chercher des eaux plus chaudes ailleurs, généralement vers le sud.
Le requin blanc juvénile choisit-il sa nursery en fonction de l’abondance des proies ?
Des études antérieures sur le régime alimentaire du requin blanc juvénile ont révélé qu’il se nourrit principalement d’animaux marins vivant sur le fond et qui sont abondants près du rivage, tels que les raies pastenagues, les Myliobatis californica (bat rays en anglais, littéralement raies chauve-souris), les petits poissons, les crabes et les calmars.
En Californie du Sud, Shark Lab a trouvé des raies pastenagues, des raies chauves-souris et des flétans de Californie (Paralichthys californicus) dans les estomacs des requins morts examinés. Les raies pastenagues sont de petits élasmobranches (une sous-classe de poissons cartilagineux qui regroupe les raies et les requins) vivant au fond de l’eau. Elles sont présentes dans l’océan Pacifique Nord, du Panama à Humboldt, en Californie du Nord, et sont particulièrement abondantes le long des plages de Californie du Sud. Les jeunes raies peuvent être trouvées dans les baies et les estuaires, tandis que les raies adultes sont plus souvent trouvées dans les habitats sablonneux du littoral le long de la côte.
Les raies chauves-souris sont une autre espèce d’élasmobranche que le requin blanc juvénile apprécie. Elles se reposent et se réfugient dans les zones sablonneuses où elles sont peu actives, et cherchent leur nourriture dans les habitats récifaux rocheux. Les raies chauves-souris sont réparties du golfe de Californie, au Mexique, jusqu’à la côte de l’Oregon.
Le flétan de Californie est un téléostéen, ou poisson osseux, qui vit au fond de l’eau et possède de grandes dents. Il s’agit d’un type de flétan réparti de la Basse-Californie à l’État de Washington.
Le croaker à nageoires jaunes est un téléostéen qui nage dans la colonne d’eau. On le trouve souvent dans les zones littorales, le long des plages de sable. Il est réparti entre le golfe de Californie, au Mexique, et Point Conception, en Californie.
Découvrez l’étude complémentaire sur le requin blanc juvénile : Le petit requin blanc préfère les eaux côtières peu profondes.
Cet article comporte 0 commentaires