Les baleines à bosse calibrent les bulles qu’elles émettent pour piéger leurs proies au millimètre près, comme le démontre une étude réalisée en Alaska.
Les fabuleuses rencontres entre Nan Hauser et une baleine à bosse
Voici le témoignage de la scientifique Nan Hauser qui rencontra par deux fois le même mâle baleine à bosse. La première fois, elle eut peur pour sa vie et compris ensuite que le cétacé avait voulu la protéger d’un requin tigre qui rôdait. La seconde fois, les retrouvailles furent simplement chaleureuses et enchanteresses.
Sommaire
Qui est Nan Hauser ?
Nan Hauser est la présidente et la directrice du Center for Cetacean Research and Conservation. Elle réside à Rarotonga, dans les îles Cook, où elle est l’investigatrice principale du Cook Islands Whale Research Project et directrice du Cook Islands Whale & Wildlife Centre.
Les recherches de Nan portent sur l’identité des populations, les photos d’identification, l’acoustique, la génétique, le comportement en surface et sous l’eau, la navigation et la migration des cétacés. Ses travaux sur les balises satellites comprennent des résultats sur la façon dont les baleines migrent sur de longues distances en utilisant des segments de parcours linéaires constants.
Pendant près de dix ans, elle a participé aux expéditions de recherche sur les cétacés de l’Ocean Alliance à bord du R/V Odyssey. En tant que fondatrice et directrice du New England Dolphin Outreach Project, elle a enseigné au niveau mondial pour le Dolphin Research Center, le Whale Conservation Institute et de nombreuses autres organisations à but non lucratif.
En tant qu’infirmière diplômée, elle enseigne et pratique la médecine sur les îles périphériques des Cooks. Elle fait actuellement partie du conseil d’administration de la Fondation Ajubatus en Afrique du Sud et a reçu le titre international d’Ambassadrice de la Terre.
Nan Hauser mène des recherches sur le terrain dans les îles Cook et aux Bahamas, où elle étudie les baleines à bosses, les baleines à bec, les dauphins et d’autres cétacés. Elle est membre du comité exécutif, contributrice scientifique et secrétaire du Consortium de recherche sur les baleines du Pacifique Sud.
Nan Hauser a joué un rôle clé dans la création d’un sanctuaire de baleines de 2 millions de kilomètres carrés dans la ZEE* des îles Cook et est actuellement membre du conseil d’administration du parc marin des îles Cook. Elle a fait l’objet de nombreux films sur Animal Planet, Discovery Channel, National Geographic et Smithsonian. Elle est également titulaire d’une licence de capitaine de 100 tonnes délivrée par les garde-côtes américains.
*ZEE : Une zone économique exclusive est, d’après le droit de la mer, un espace maritime sur lequel un État côtier exerce des droits souverains et économiques en matière d’exploration et d’usage des ressources naturelles.
La très vielle passion de Nan Hauser pour les baleines
Nan Hauser a grandi en Nouvelle Angleterre, sur la côte est des États-Unis. Lorsqu’elle était enfant, elle a passé du temps aux Bermudes avec sa famille. Elle se souvient avoir regardé le vaste océan Atlantique et avoir rêvé de baleines. « C’est à ce moment-là, je crois, que ma passion pour l’océan et l’étude des baleines a vraiment commencé », se souvient-elle. Son frère, Ted Daeschler, partage la même fascination et est un archéologue et explorateur de renommée mondiale.
Nan Hauser eut une rencontre privilégiée avec une baleine à bosse le 14 septembre 2017 dans les eaux au large de Rarotonga. Elle fut alors sauvée de la possible attaque d’un requin tigre de 4,60 mètres. Le 29 septembre 2018, la baleine est revenue au même endroit. Au cours de toutes les années de recherche de la biologiste, cela ne s’est produit que deux autres fois.
La première rencontre de Nan Hauser avec une baleine à bosse
Le 14 septembre 2017, Nan Hauser nageait au large de la côte de Rarotonga, dans les îles Cook, lorsque la créature géante est intervenue pour empêcher qu’un requin tigre ne s’approche d’elle. Selon elle, cette rencontre pourrait être la preuve de la nature intuitive d’une baleine à protéger d’autres espèces, y compris les humains.
Soyons clairs, rien n’indique que le requin tigre l’aurait attaquée, ne cédons pas au mythe du requin mangeur d’homme qui se jette sur tout ce qui bouge, mais la menace potentielle semble avoir alerté la baleine.
Nan Hauser pense que pareil événement n’a jamais été filmé auparavant. Il s’agirait du premier cas documenté d’une baleine à bosse protégeant un humain d’un requin. La baleine à bosse a coincé la scientifique sous sa nageoire pectorale et l’a poussée avec sa tête et sa bouche pendant environ 10 minutes.
Nan Hauser s’est ensuite rendu compte que le requin-tigre de 4,60 mètres de long se trouvait à proximité et que la baleine l’en éloignait. Elle avait d’abord pensé qu’il s’agissait d’une autre baleine jusqu’à ce qu’elle réalise qu’elle bougeait sa queue latéralement (comme un poisson donc) plutôt que de haut en bas, comme un mammifère marin.
« J’ai passé les 28 dernières années à protéger les baleines, et sur le moment, je n’ai même pas réalisé qu’elle me protégeait », raconte Nan Hauser.
Elle a comparé les actions altruistes de la baleine à celles d’un pompier qui se précipite pour sauver des personnes qu’il ne connaît pas d’un bâtiment en feu. En près de trois décennies d’étude des baleines, Nan Hauser a déclaré n’avoir jamais été témoin d’un tel comportement.
Les images de la rencontre entre Nan Hauser et le mâle baleine à bosse
Le doute de Nan Hauser sur les intentions du mâle baleine à bosse
Malgré la démonstration de ce qu’elle croyait être de l’altruisme, la biologiste a dit qu’elle avait craint pour sa vie et avait pensé que cela pourrait mal se terminer.
« Je n’étais pas sûre des intentions de la baleine lorsqu’elle s’est approchée de moi, et elle n’a pas arrêté de me bousculer pendant plus de 10 minutes. Ça m’a paru des heures. J’étais un peu meurtrie.
Depuis presque trois décennies que je plonge avec les animaux marins, je n’ai jamais rencontré une baleine aussi tactile et aussi insistante pour me mettre sur sa tête, ou son ventre, ou son dos, ou, surtout, pour essayer de me cacher sous son énorme nageoire pectorale.
J’ai essayé de m’éloigner de lui (c’était un mâle) de peur que s’il me bouscule trop fort ou me frappe avec ses nageoires ou sa queue, mes os ne se brisent et mes organes ne se rompent. S’il me tenait sous sa nageoire pectorale, je me serais noyée.
Je ne voulais pas paniquer, car je savais qu’il percevrait ma peur. Je suis restée calme jusqu’à un certain point, mais j’étais sûre que cette rencontre allait très probablement être mortelle. »
Nan Hauser n’a pas remarqué le requin au début, car son attention était fermement fixée sur la baleine trop tactile à son goût. « D’autres pêcheurs et plongeurs ont vu ce même requin près du récif et disent qu’il est aussi gros qu’une camionnette. Certains disent qu’il mesurait 6 mètres de long. »
L’équipe de plongeurs, qui se trouvait dans un bateau à proximité, a également craint pour sa sécurité et a abandonné ses images de drone, car ils « ne voulaient pas filmer ma mort ».
Nan Hauser et son équipe ont ensuite compris qu’une deuxième baleine essayait également d’éloigner le requin d’elle en lui tapant la queue.
Le témoignage de Nan Hauser chez Ellen Degeneres
L’analyse du comportement altruiste de la baleine à bosse confirmé
Nan Hauser avait déjà entendu parler du comportement altruiste des baleines à bosse qui protègent leurs petits, mais aussi les autres espèces de baleines, les phoques et les dauphins. Toutefois, les scientifiques n’avaient jusque-là jamais observé de baleine à bosse protégeant réellement les humains.
La scientifique explique : « Robert Pitman a publié un article scientifique sur les baleines à bosse qui protègent d’autres espèces d’animaux. Par exemple, elles cachent des phoques sous leurs nageoires pectorales pour les protéger des orques. Ils font vraiment preuve d’altruisme, parfois au risque de perdre leur propre vie ».
Retrouvez l’interview et les conclusions de l’étude de Robert Pitman dans l’article L’altruisme de la baleine à bosse face aux attaques des orques.
Ne jamais toucher les baleines… pas toujours simple !
La biologiste précise qu’elle n’encourage pas à toucher les baleines.
« Je ne touche jamais les baleines que j’étudie, sauf si elles sont malades ou échouées sur la plage. Dans ma tête, j’étais un peu amusée puisque j’écris des règles et des règlements sur le harcèlement des baleines… et voilà que je me faisais harceler par une baleine. »
La seconde rencontre de Nan Hauser avec le même mâle baleine à bosse
Le 29 septembre 2018, Nan Hauser croisa de nouveau le même mâle baleine à bosse, facilement reconnaissable, grâce aux encoches caractéristiques de sa nageoire caudale.
« Il est de retour ! Je n’aurais jamais cru que je le reverrais un jour… Peut-être seulement dans mes rêves les plus fous… Nous étions sur l’eau à mener des recherches depuis quelques heures lorsque nous avons reçu un appel radio d’un pêcheur signalant une baleine au large du port. Nous avons trouvé la baleine à bosse toute seule et lorsque nous nous sommes approchés d’elle par derrière, nous avons remarqué sa nageoire dorsale inhabituelle, qui était très proéminente.
La baleine à bosse a plongé et nous avons attendu qu’elle termine sa sieste et remonte pour respirer. Cette fois, elle était assez loin et plus près du récif. Elle a plongé après avoir pris 4 respirations et j’ai pris une photo de la face ventrale de sa nageoire caudale à des fins d’identification. J’ai remarqué qu’elle avait deux encoches profondes, une de chaque côté du bord supérieur de sa nageoire caudale. J’ai examiné le cliché de plus près en zoomant. Serait-ce mon ami qui m’a protégée du requin tigre il y a un an et 15 jours ? Pourrait-il être de retour ici, à Rarotonga ?
J’ai attrapé mon téléphone et j’ai recherché les photos sous-marines que j’avais prises de lui l’année précédente. Il était ici le 14 septembre 2017 et je ne l’avais vu que cette fois-là. C’était le fameux jour où il m’avait poussé hors de danger d’un énorme requin tigre.
L’année dernière, j’avais passé 10 minutes à rouler autour de son corps et à être poussée par sa tête et sa nageoire pectorale, alors que ce mâle baleine à bosse me protégeait d’un danger potentiel. Il essayait sans cesse de me caler sous sa nageoire pectorale et je ne savais pas pourquoi. Il m’avait ramenée au bateau en toute sécurité, puis il était parti à la poursuite d’une femelle à bosse qui passait par là !
L’interview de Nan Hauser
Ce fut la seule fois que je l’avais vu. Lorsque j’ai regardé les photos passées et présentes de sa nageoire caudale, côte à côte, j’ai pensé qu’il y avait de fortes chances que ce soit lui. Je n’en étais pas encore tout à fait sûre. Mon esprit scientifique avait encore des doutes.
Il a nagé jusqu’au bord du bateau, à quelques mètres de l’endroit où je me tenais, et il m’a regardé attentivement, longuement et directement. Il n’y avait absolument aucun doute dans mon esprit qu’il me reconnaissait. Il s’est rapproché, puis j’ai vu la tache blanche sur le côté de sa tête et j’ai su avec certitude que c’était lui ! J’ai crié, et j’ai crié avec joie, ‘Bonjour mon ami, tu es de retour ! Je n’arrive pas à y croire !’
C’était particulièrement inhabituel, car en tant d’années de recherche sur les baleines ici dans les îles Cook, je n’ai eu que 2 baleines à bosse qui sont revenues à Rarotonga. C’était la troisième !
C’était aussi inhabituel parce que toutes les baleines que j’ai repérées par satellite au cours des deux dernières décennies dans les îles Cook étaient allées d’est en ouest. J’ai reçu un appel m’informant qu’il était à Tonga il y a deux mois… cela signifie qu’il est allé d’ouest en est. C’est incroyable !
J’étais tellement excitée de le voir que lorsqu’il a plongé et s’est reposé sur le fond juste à côté du récif, j’ai plongé sur le côté du bateau dans l’océan avec un sourire enchanté. Mon permis de recherche m’autorise à faire cela, sinon il est contraire aux règles et règlements d’entrer dans l’eau avec une baleine dans les îles Cook.
La baleine dormait et sa tête était tournée vers le fond de la mer, le long du récif. Elle était dans une position contorsionnée et j’ai pris beaucoup de photos d’elle, même si la visibilité n’était pas excellente. Et puis, elle s’est réveillée ! Mon cœur s’est mis à battre la chamade !
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J’ai tendu l’appareil photo à mon assistant de recherche, Amy, qui était dans l’eau avec moi. Le grand mâle baleine à bosse a nagé jusqu’à moi et m’a regardé attentivement. Si les baleines pouvaient sourire, il le faisait ! Il m’a donné un petit coup de tête avec sa belle et gigantesque tête. Il a continué à me donner des petits coups de coude et je me suis accrochée aux tubercules de sa tête pour lui dire un bonjour très chaleureux.
La baleine m’a ensuite posée sur le sommet de sa tête et m’a délicatement soulevé hors de l’eau ! Je me sentais en sécurité et je me demandais comment j’avais pu être à nouveau gratifiée de la présence de cette incroyable baleine ! Mon cœur était rempli d’un tel amour inconditionnel et d’excitation. Au lieu d’un câlin chaleureux de la part d’un ami, il me donnait une tape dans le dos, un peu rude.
En effet, nous sommes de vieux amis ! Il était aussi doux qu’une baleine de près de 23 tonnes peut l’être avec un humain de 60 kilos. Il n’y avait aucune trace de peur dans son regard cette fois-ci et la rencontre a été douce et gracieuse. Mon équipe de recherche sur le bateau a été émerveillée par cette rencontre et a pris des photos et des vidéos !
J’ai étreint la nageoire pectorale de la baleine et elle m’a soulevée hors de l’eau pendant que tout le monde regardait, bouche bée !
Le monde entier a trouvé incroyable que j’aie eu l’occasion d’être une ‘cavalière de baleine’ l’année dernière, mais pour moi, c’était la chose la plus terrifiante que j’aie jamais vécue. Lors de la seconde rencontre, cela s’est reproduit, mais dans un tout autre état d’esprit.
J’ai passé 28 ans sous l’eau avec des baleines, et cette situation était si inhabituelle que j’avais l’impression d’être dans un rêve ! Le bateau s’est approché de moi et j’ai réussi à revenir à la nage avec mon énorme ami baleine qui m’escortait !
Elle était allongée juste sous la surface de l’eau à l’arrière du bateau, la tête à mes pieds. Elle s’est appuyée contre le tableau arrière. Je lui ai dit la même chose que l’année dernière, alors que j’étais assise avec mes pieds qui pendaient dans l’eau : ‘Je t’aime et je te remercie !’.
Il m’a fallu quelques mois pour assimiler ces retrouvailles. J’étais euphorique de retrouver mon vieil ami ! Mon équipe est allée sur le rivage et nous sommes restés assis, émerveillés et incrédules. Nous avons ri, pleuré et bu quelques bières (je ne bois pas d’habitude, mais c’était l’une de ces occasions immanquables). Mon cher et tendre protecteur avait disparu le lendemain matin. Personne ne l’a revu.
Une fois de plus, disparu de ma vie, mais jamais de ma mémoire. Il m’a fait une telle impression que mes yeux se remplissent de larmes chaque fois que je pense à lui. »
Retrouvez une autre histoire extraordinaire de cétacé, celle de Bladerunner, la baleine à bosse miraculée.
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