Les baleines à bosse calibrent les bulles qu’elles émettent pour piéger leurs proies au millimètre près, comme le démontre une étude réalisée en Alaska.
Les intrigants chuchotis entre la baleine à bosse et son baleineau
Une étude récente s’est attelée à décrypter les échanges vocaux entre la baleine à bosse et son baleineau. Les phrasés, comme le niveau sonore, ne ressemblent en rien au chant auquel la jubarte nous a habitués. Le baleineau chuchote, émettant des sons sourds et de faible intensité. En analysant les données collectées, les chercheurs expliquent la raison de cette discrétion, ainsi que la signification des échanges.
Sommaire
Connaissez-vous le chant de la baleine à bosse ?
Le chant mélodieux des baleines à bosse le plus généralement diffusé dans les documentaires animaliers correspond à leur chant nuptial. La femelle émet quelques vocalises, mais le chant long, pouvant durer plus d’une demi-heure, est réservé au mâle cherchant à séduire une partenaire.
Une étude scientifique s’est intéressée à des vocalises beaucoup plus brèves et sourdes. Leur analyse a permis aux chercheurs d’isoler les sons et de comprendre qu’ils sont exprimés par les baleines à bosse femelles et leur baleineau.
Ces chuchotis permettent à ces couples de rester discrets. Dans ce milieu aquatique, les sons se transmettent bien plus efficacement que dans l’air. La confidentialité des conversations permet de ne pas éveiller la curiosité de certains prédateurs — notamment les orques — ainsi que des baleines à bosse mâles qui ne se préoccupent guère des baleineaux, mais s’intéressent à leur mère.
la relation étroite entre la baleine à bosse et son baleineau
Les enregistrements de l’étude, grâce à des balises temporaires
L’enquête a porté sur différents couples de baleines à bosse et leur baleineau. Des balises temporaires furent posées — grâce à des ventouses — sur huit baleineaux et deux mères dans le golfe d’Exmouth, au large de l’Australie occidentale. Les enregistrements sont les premiers jamais réalisés avec des appareils fixés directement sur les baleineaux.
Les appareils ont documenté les mouvements des cétacés simultanément aux sons qu’ils émettaient. Il était capital de lier les déplacements aux données sonores, afin de décrypter le contenu et la signification des conversations.
Les balises sont restées ventousées aux baleines jusqu’à 48 heures, avant de se détacher et de flotter à la surface.
Les vocalises du baleineau à bosse
Notez que dans toutes les études récentes, il est fait usage de balises temporaires, fixées sur les animaux marins, grâce à des ventouses. Cela évite toute blessure et toute infection. Les balises ancrées dans le gras de l’animal ne sont pas douloureuses. Cependant, lorsque deux animaux se frottent l’un contre l’autre, l’attache de la balise peut être malmenée, courant ainsi le risque de blesser l’animal. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, avec les ventouses qui sont prioritairement utilisées.
L’allaitement intensif en prévision de la migration
Les baleines à bosse passent leurs étés dans les eaux riches en nourriture de l’Antarctique ou de l’Arctique. En hiver, elles migrent vers les tropiques pour se reproduire. C’est l’occasion des accouplements et des mises bas. La période de la gestation chez la baleine à bosse est de 11 à 12 mois, ce qui correspond parfaitement au retour sur la zone de reproduction.
« À leur naissance, ces baleines mesurent environ 5 mètres de long », explique Simone Videsen de l’université d’Aarhus au Danemark et auteur de l’étude. « Ceci est assez grand pour un bébé ! »
La migration depuis les tropiques jusqu’aux régions polaires est éprouvante pour les baleineaux. Ils doivent parcourir plus de 8 000 kilomètres dans une mer agitée, pour arriver dans des eaux glaciales. Il est crucial pour eux de prendre beaucoup de poids pour pouvoir survivre à la migration de retour. Ils doivent donc profiter pleinement de leur séjour dans les eaux tropicales pour être copieusement allaités.
L’analyse des balises du baleineau à bosse
L’écoute des balises fut une surprise pour les chercheurs qui découvrirent le babillage des baleineaux. Les sons n’étaient en rien comparables aux chants des mâles ou aux vocalises habituelles des femelles.
« C’est parfois comme un grincement, tandis que certains d’entre eux ressemblent vraiment à des grognements », explique Simone Videsen. « De plus, les sons sont très silencieux, comme si le bébé baleine à bosse chuchotait pour ne pas être entendu par quelque chose de dangereux qui se cache à proximité. Il y a beaucoup d’orques dans la région qui s’attaquent à ces baleineaux. Ils peuvent utiliser ces sons entre la mère et le baleineau comme des signaux d’orientation. »
De 40 à 70 décibels de moins que les adultes !
La comparaison entre les vocalises des baleineaux et les chants des mâles baleines à bosse confirme un écart de 40 décibels, tandis que la différence atteint 70 décibels avec certains autres sons sociaux émis par les adultes
Éviter d’alerter les prédateurs du baleineau
Plutôt que de longues « phrases » sonores comme les mugissements des mâles adultes, le baleineau préfère des chuchotis brefs et sourds. La première hypothèse pour expliquer cette différence de niveau sonore est de réduire le risque d’être entendus et poursuivis par les orques.
Ces prédateurs redoutables sont à l’affût des sons de l’océan. Les orques transientes sont spécialisées dans la prédation des mammifères marins, n’hésitant pas à s’attaquer au plus grand d’entre eux, la baleine bleue. Le baleineau à bosse constitue une proie de choix qu’ils chercheront à séparer de sa mère pour le noyer, avant de se le partager.
Échapper aussi aux mâles baleines à bosse
Le mâle baleine à bosse n’est pas mal intentionné, mais il entend bien se reproduire à tout prix. Il ne joue aucun rôle dans l’éducation du baleineau et se soucie peu de sa présence. Reproducteur opportuniste, il n’hésite pas à s’interposer entre une jubarte et son petit pour solliciter l’accouplement. Or, la mère réserve son attention et son énergie à son petit qui doit téter maintes fois dans la journée.
En conversant en toute discrétion avec son baleineau, elle risque moins d’attirer l’attention de ses prétendants.
S’il s’agit de rester discret, pourquoi alors communiquer ?
S’il s’agit de rester discret, mais que la mère et son baleineau communiquent néanmoins, ceci indique que les échanges contiennent des informations vitales pour les deux protagonistes.
Les chercheurs ont constaté que les bébés baleines chuchotent surtout lorsqu’ils nagent, plutôt que lorsqu’ils se reposent ou qu’ils allaitent. Ils en ont déduit que ces sons intimes aident les mères et leur baleineau à se repérer dans les eaux sombres ou troubles.
« Nous avons également entendu beaucoup de bruits de frottement, comme deux ballons que l’on frotte l’un contre l’autre. Nous pensons qu’il s’agit du baleineau qui pousse légèrement sa mère – l’équivalent d’un coup de coupe pour nous – lorsqu’il veut être allaité », explique Simone Videsen.
Les scientifiques pendent que les chuchotements prudents des baleineaux permettent au couple de rester en contact durant leurs pérégrinations. La visibilité dans les eaux du golfe d’Exmouth est faible, ce qui pourrait expliquer pourquoi les mères et les baleineaux s’appellent plus fréquemment en plongée pour ne pas être séparés.
En revanche, lorsque le baleineau sollicite une halte pour être allaité, il ne l’exprime pas par des sons, mais par un contact physique : un frottement (d’où le bruit caractéristique repéré par les scientifiques dans la bande sonore) ou un léger coup de tête dans la zone mammaire.
Participer à la conservation en comprenant les rapports entre la baleine à bosse et son baleineau
Les études scientifiques ont pour objectif de mieux comprendre les comportements animaliers, mais aussi de contribuer à la conservation de leur habitat. « En savoir plus sur leur allaitement nous aide à comprendre ce qui pourrait perturber ce comportement essentiel, afin que nous puissions cibler plus efficacement les efforts de conservation », confirme Simone Videsen. « Nos recherches nous ont appris que les couples mère-bébé sont susceptibles d’être sensibles à l’augmentation du bruit des navires. Comme la mère et le baleineau communiquent en chuchotant, le bruit des navires pourrait facilement masquer ces appels silencieux. »
Le trafic empruntant les voies maritimes très fréquentées peut perturber la migration des baleines et potentiellement séparer les baleineaux de leur mère, en masquant les sons qu’ils utilisent pour rester ensemble.
Par ailleurs, Simone Videsen précise que les mères et leurs baleineaux se trouvent souvent à proximité de la surface de l’eau, où ils sont susceptibles d’entrer en collision avec des navires. Les résultats de l’étude pourront être utilisés pour informer l’industrie du transport maritime et mettre en place des mesures préventives pour éviter ces accidents.
Découvrez les premières minutes de la vie d’un bébé baleine avec la Vidéo unique d’un baleineau à bosse juste après sa naissance.
Le chant de baleine fascine les scientifiques qui l’étudient sans relâche. En 2022, une nouvelle étude du Chant de baleine à bosse prouve la transmission d’une région à l’autre dans le Pacifique Sud.
Les chuchotis du baleineau à bosse
L’enquête sur les intrigants chuchotis entre la baleine à bosse et son baleineau
« High suckling rates and acoustic crypsis of humpback whale neonates maximise potential for mother–calf energy transfer », réalisée par Simone K. A. Videsen, Lars Bejder, Mark Johnson, Peter T. Madsen.
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