Le secret de la longévité record du requin du Groenland enfin percé

De nouvelles recherches surprenantes ont révélé pourquoi le requin du Groenland (Somniosus microcephalus), le vertébré qui vit le plus longtemps au monde, a une durée de vie aussi exceptionnelle. Ces résultats pourraient entraîner des conséquences importantes pour l’avenir de l’espèce.

Le requin du Groenland, un squale multicentenaire

Le requin du Groenland peut vivre des centaines d’années, mais les scientifiques n’ont jamais compris pourquoi. Aujourd’hui, les chercheurs ont peut-être enfin découvert le secret de cette étonnante longévité : son métabolisme ne change jamais. Cette découverte surprenante va à l’encontre des hypothèses antérieures des chercheurs et pourrait avoir des implications majeures sur la manière dont ces animaux s’adaptent au changement climatique.

Le requin du Groenland a une durée de vie moyenne d’au moins 250 ans, mais peut potentiellement atteindre plus de 500 ans, ce qui en fait probablement le vertébré qui vit le plus longtemps au monde. Ce squale vit dans l’océan Arctique et l’océan Atlantique Nord à des profondeurs allant jusqu’à 2 700 mètres.

Le changement de pied des chercheurs sur les raisons de la longévité du requin du Groenland

Les raisons exactes de la très longue durée de vie du requin du Groenland sont difficiles à déterminer. Les chercheurs ont longtemps supposé qu’elle fût liée à son environnement extrêmement froid – il vit dans des eaux aussi froides que –2° degrés Celsius – et à ses mouvements minimes. Mais de nouvelles recherches, présentées lors de la conférence de la Society of Experimental Biology qui s’est tenue à Prague du 2 au 5 juillet 2024, suggèrent que la longévité des requins pourrait être liée à leur activité métabolique, qui ne semble pas changer au fil du temps comme c’est le cas chez les autres animaux.

« C’est important pour nous, car cela montre que les requins ne présentent pas les signes traditionnels du vieillissement », a déclaré l’auteur principal de l’étude, Ewan Camplisson, étudiant en doctorat à l’université de Manchester.

Le métabolisme du requin du Groenland à l’origine de sa longévité

Le métabolisme est le processus chimique par lequel les enzymes décomposent les nutriments en énergie et les processus qui utilisent cette énergie pour construire et réparer les tissus. Chez la plupart des animaux, le taux de métabolisme diminue avec le temps. Cela entraîne une réduction de la production d’énergie, un ralentissement de la réparation et de la régénération des cellules, ainsi qu’une diminution de la capacité à éliminer les déchets cellulaires susceptibles de causer d’autres dommages aux cellules.

Pour mesurer le métabolisme des requins dans cette nouvelle étude, les chercheurs ont prélevé des échantillons de tissus dans les muscles de 23 requins du Groenland vivant sur la côte sud de l’île de Disko, au Groenland. L’équipe a ensuite mesuré l’activité de cinq enzymes différentes dans les échantillons afin de déterminer leur taux métabolique et leur réaction aux différentes températures environnementales.

Les chercheurs ont ensuite calculé l’âge de chaque requin en mesurant la longueur de leur corps. Ils se sont pour cela appuyés sur une étude de 2016 qui a créé un modèle pour estimer l’âge des requins du Groenland à partir de la longueur totale de leur corps. Les scientifiques ont constaté que les requins échantillonnés étaient âgés de 60 à 200 ans.

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Une activité enzymatique étonnamment stable

Étonnamment, lorsque les chercheurs ont comparé l’activité enzymatique des requins, ils ont constaté qu’il n’y avait pas de changement entre les différents âges. « Chez la plupart des animaux, on peut s’attendre à ce que l’activité de certaines enzymes diminue avec le temps, car elles se dégradent et deviennent moins efficaces, mais ce n’est pas le cas chez les requins du Groenland », a déclaré Ewan Camplisson. La stabilité du métabolisme du requin du Groenland à travers les âges suggère qu’il ne se dégrade pas comme le font les autres animaux, ce qui est probablement la raison de sa longue durée de vie.

Les tests ont également montré que toutes les enzymes avaient une activité « significativement plus élevée » à des températures plus chaudes – un résultat attendu, car les enzymes ont tendance à avoir une activité plus élevée à des températures plus élevées. « Nous voulions savoir si les enzymes du requin du Groenland étaient spécifiquement adaptées pour fonctionner plus efficacement dans des conditions froides, mais nous n’avons pas observé cette tendance », a ajouté Ewan Camplisson. « L’activité plus élevée dans des conditions plus chaudes suggère que si ces requins étaient forcés d’évoluer dans un environnement plus chaud, leur métabolisme augmenterait de manière significative, ce qui modifierait probablement leur mode de vie. »

Cette découverte est d’autant plus pertinente que les températures de surface de la mer devraient augmenter de 1,2 °C à 3,2 °C d’ici à 2100 en raison du réchauffement de la planète. Selon le WWF, la température moyenne de l’Arctique a déjà augmenté trois fois plus vite que la température mondiale.

Ewan Camplisson espère tester d’autres signes de vieillissement et étudier plus avant le métabolisme des requins du Groenland afin de mieux comprendre comment les protéger face à l’impact du réchauffement climatique sur leur environnement.