Une nouvelle étude sur le requin du Groenland estime que ce squale multicentenaire devrait sa longévité à un métabolisme particulièrement lent qui l’empêche de vieillir.
Grand requin-marteau, tout savoir sur Sphyrna mokarran
S’il en est un que tout le monde reconnaît facilement parmi les quelque cinq-cents espèces de requins, c’est le requin marteau avec sa tête si particulière. Toutefois, cette caractéristique est partagée par 9 espèces de requins marteaux. Nous vous proposons aujourd’hui de faire la connaissance du plus imposant d’entre eux, le grand requin-marteau ou Sphyrna mokarran.
Sommaire
Carte d’identité du grand requin-marteau/Sphyrna mokarran
Grand requin-marteau/Sphyrna mokarran (Rüppell, 1837) | |
Classification | |
Règne | Animalia |
Embranchement | Chordata |
Sous-embranchement | Vertebrata |
Classe | Chondrichthyes |
Sous-classe | Elasmobranchii |
Super-ordre | Euselachii |
Ordre | Carcharhiniformes |
Famille | Sphyrnidae |
Genre | Sphyrna |
Statut de conservation UICN | |
CR (Critically Endangered) = en danger critique |
Présentation du grand requin-marteau
Présentation générale du grand requin-marteau
Le grand requin-marteau est l’une des neuf espèces de requins appartenant au genre Sphyrna qui partagent toutes une structure de tête distinctement aplatie et allongée latéralement. L’espèce vit principalement dans des environnements côtiers et pélagiques et peut être trouvée dans les mers tropicales et tempérées du monde entier.
Considéré comme un prédateur au sommet des écosystèmes côtiers, le grand requin-marteau est équipé d’organes électro-récepteurs spécialisés très sensibles – appelés ampoules de Lorenzini – qui lui permettent de percevoir, entre autres, les champs électriques émis par des proies potentielles.
Le grand requin-marteau, qui se distingue comme étant la plus grande espèce de requin-marteau, est particulièrement menacé par les pratiques de pêche commerciale en raison de la taille de ses ailerons, très prisés par les industries médicinales et culinaires de l’Asie du Sud-Est. L’espèce est également susceptible d’être capturée en tant que prise accessoire, avec des taux de mortalité relativement élevés après la remise à l’eau, en raison d’un stress comportemental et physiologique prononcé.
Les neuf espèces de requin marteau (hammerhead shark en anglais)
Voici les 9 espèces de requin marteau appartenant à la famille des Sphyrnidae.
- Grand requin-marteau – Sphyrna mokarran
- Requin-marteau à petits yeux – Sphyrna tudes
- Requin-marteau aile blanche – Sphyrna couardi
- Requin-marteau cornu – Sphyrna corona
- Requin-marteau écope – Sphyrna media
- Requin-marteau halicorne – Sphyrna lewini
- Requin-marteau commun – Sphyrna zygaena
- Requin-marteau tiburo – Sphyrna tiburo
- Requin-marteau planeur – Eusphyra blochii
Les caractéristiques physiques du grand requin-marteau
Bien qu’il puisse atteindre une longueur de 6,10 mètres et un poids de 450 kilos, le grand requin-marteau moyen mesure environ 4 mètres et pèse environ 230 kilos. Le corps de l’espèce est fusiforme et robuste, ce qui réduit la traînée et permet une dépense d’énergie minimale lors de la nage.
Sa peau est recouverte de denticules dermiques – des petites écailles en forme de V – semblables à des dents. Elles réduisent encore la traînée et les turbulences, ce qui permet au requin de nager plus vite et plus silencieusement.
La face dorsale du requin-marteau est brun foncé à gris clair ou olive, tandis que sa face ventrale est blanche ou crème. Les juvéniles se distinguent par la couleur sombre de la deuxième extrémité de la nageoire dorsale qui devient généralement de couleur uniforme chez les adultes.
Les nageoires dorsale et pelvienne du grand requin-marteau sont nettement hautes et falciformes, et ses dents sont fortement dentelées. La principale caractéristique du grand requin-marteau est le bord antérieur presque droit de son céphalofoil (tête en forme de marteau) ainsi que l’indentation médiane proéminente observée chez les adultes.
Pourquoi cette forme particulière du céphalofoil ?
La forme particulière du céphalofoil fait depuis longtemps l’objet d’un débat scientifique. Cependant, comme la taille, la forme et la morphologie des céphalofoils varient d’une espèce de requin-marteau à l’autre, il est fort probable qu’ils se soient développés sous l’effet de pressions évolutives propres à chaque espèce et à son milieu écologique et qu’ils remplissent donc chacun une fonction distincte.
Il a été démontré que la structure aplatie et allongée des céphalofoils agit comme un plan de proue hydrodynamique, donnant aux requins-marteaux une plus grande manœuvrabilité et leur permettant ainsi de lever ou de tourner la tête rapidement et avec stabilité. Bien que cela n’ait pas été définitivement prouvé, certains ont émis l’hypothèse que la grande distance entre les narines des requins-marteaux permet à l’espèce de localiser plus efficacement ses proies lorsqu’elle nage rapidement vers une zone odorante en biais, en se déplaçant dans la direction de la narine qui a détecté l’odeur en premier.
Morphologie de la tête de toutes les espèces de grands requins marteaux de la famille des Sphyrnidae (dessins au trait modifiés d’après Compagno, 1984)
Il a également été prouvé que la distance entre les yeux des requins-marteaux leur confère une meilleure vision binoculaire, avec un champ de vision latéral beaucoup plus large et une meilleure perception antérieure de la profondeur. Cela permet aux requins-marteaux de suivre des proies nageant rapidement avec beaucoup plus de précision que les requins dont les yeux sont rapprochés.
L’élargissement de la face inférieure du céphalofoil permet en outre aux requins-marteaux de disposer d’une plus grande concentration d’organes électro-récepteurs, les ampoules de Lorenzini, pour détecter les signaux électriques émis par des proies potentielles.
Enfin, les grands requins-marteaux ont été observés en train d’utiliser la partie antéro-ventrale de leur tête pour éperonner et coincer des proies, telles que des raies, au fond de l’océan, tout en mordant leurs nageoires pectorales. On ne sait pas si ce type de comportement de manipulation des proies est propre au grand requin-marteau, car très peu de cas de prédation par le requin-marteau ont été observés.
L’apparition du requin marteau
Dans une étude menée par l’université du Colorado à Boulder en 2010, le professeur Andrew Martin a émis la théorie que l’ancêtre de tous les requins-marteaux est apparu brusquement il y a environ 20 millions d’années et qu’il était aussi grand que certaines espèces contemporaines.
Les céphalofoils des requins-marteaux ont ensuite subi une évolution divergente dans différentes lignées au fil du temps, devenant plus petits en raison de pressions environnementales sélectives. En sacrifiant leur taille ou leurs avantages locomoteurs, les petites espèces de requins-marteaux ont acquis des capacités de visualisation accrues et de l’énergie pour les activités de reproduction. Les espèces plus grandes ont conservé une forte concentration de capteurs électriques, détectant des émissions électriques extrêmement faibles et triangulant leurs proies.
Le régime alimentaire du grand requin-marteau
Le grand requin-marteau est un mangeur opportuniste qui consomme un large éventail de proies, notamment des céphalopodes, tels que les pieuvres et les calamars, des crustacés, des invertébrés, des poissons osseux et d’autres requins.
Toutefois, le grand requin-marteau montre une préférence pour les raies pastenagues et autres batoïdes (c’est-à-dire des raies), ainsi que pour les mérous et les poissons-chats. Il est parfois observé avec des barbillons de raie et de poisson-chat dépassant de sa bouche, ce qui indique que l’espèce est immunisée contre le venin de raie et de poisson-chat.
Lorsque la nourriture se fait rare, on pense que les grands requins-marteaux sont cannibales et consomment leur propre espèce si nécessaire. En raison de sa grande taille, l’espèce est considérée comme un prédateur du sommet et n’est pas la proie d’autres animaux marins. Les juvéniles en revanche risquent d’être attaqués par de grands requins, dont le grand requin-marteau lui-même.
Les conditions favorites de chasse du grand requin-marteau
Le grand requin-marteau se nourrit principalement au crépuscule et reste près du fond de l’océan. Outre l’odorat et la vue, il est doté d’organes électroréceptifs très sensibles (les ampoules de Lorenzini) répartis sur la face inférieure de son céphalofoil. Ces petits pores remplis de gel, reliés à des récepteurs nerveux situés à la base du derme, permettent au squale de détecter les signaux électriques émis par les proies enfouies sous le sable. Ces organes sensoriels permettent également au requin-marteau de percevoir les changements de température dans la colonne d’eau, ainsi que le champ électromagnétique de la Terre pour se repérer et migrer.
Vous en apprendrez davantage sur le fonctionnement de ces électrorécepteurs en consultant l’article Ampoules de Lorenzini : gros plan sur le sixième sens du requin.
Habitat et comportement du grand requin-marteau
Le grand requin-marteau est une espèce circumtropicale qui vit dans les eaux tempérées côtières, typiquement au-dessus de 20 °C, entre les latitudes de 40° N et 31° S. Bien qu’il soit parfois observé à des profondeurs allant jusqu’à 300 mètres, le grand requin-marteau se trouve généralement à des profondeurs d’environ 80 mètres, au-dessus des plateaux continentaux, sur les terrasses des îles, dans les récifs coralliens et les lagons.
Solitaires par nature et très mobiles, certaines populations de l’espèce migrent de manière saisonnière vers les pôles à la recherche d’eaux plus fraîches pendant les mois d’été, tandis que d’autres sont considérées comme des populations résidentielles avec des incursions saisonnières dans des eaux plus froides en raison de l’expansion de l’aire de répartition, mais qui ne sont pas considérées comme de véritables migrations.
Une étude portant sur la migration d’un grand requin-marteau a révélé qu’un squale avait parcouru une distance de 1 200 kilomètres en 62 jours.
Reproduction et croissance
Les grands requins-marteaux ont un taux de croissance plus rapide que les autres espèces du genre Sphyrna, atteignant la maturité entre l’âge de cinq et neuf ans. Les femelles atteignent généralement la maturité à une longueur de 2,10 à 3 mètres, tandis que les mâles atteignent la maturité à une taille relativement plus petite de 1,9 à 2,70 mètres.
Cependant, des études menées en Afrique du Sud suggèrent la possibilité de différences géographiques dans les tailles de maturité, car la moitié des grands requins-marteaux de la région ont été documentés comme atteignant la maturité à des tailles distinctement plus grandes, avec des femelles de 3,40 mètres de long et des mâles de 3 mètres. On estime que l’espèce a une espérance de vie de 42 à 44 ans, voire plus.
Tous les requins marteaux sont vivipares
Comme les autres espèces de requins-marteaux, les femelles sont vivipares, c’est-à-dire qu’elles donnent naissance à des petits vivants, les embryons en développement étant nourris par un placenta à sac vitellin.
Après une période de gestation de 10 à 11 mois, la mise bas a lieu à la fin du printemps ou en été dans l’hémisphère nord, entre octobre et novembre au large de l’Australie orientale, et entre décembre et janvier au large de l’Australie septentrionale.
La taille des portées varie de 6 à 42 petits, chacun mesurant entre 50 et 70 centimètres de long. L’espèce ne se reproduit qu’une fois tous les deux ans, ce qui la rend vulnérable et réduit la probabilité d’un rétablissement après une surexploitation.
Les petits et les juvéniles se trouvent généralement dans les eaux côtières peu profondes et sont la proie d’espèces de requins plus grandes, y compris les autres grands requins-marteaux.
Une place essentielle dans la chaîne alimentaire
En tant que prédateur au sommet, le grand requin-marteau joue un rôle crucial dans le maintien de l’équilibre des écosystèmes marins côtiers. En se nourrissant d’un large éventail d’espèces appartenant à des niveaux trophiques inférieurs, il contribue à maintenir des niveaux sains de densité et de diversité des espèces dans son environnement. Conformément au processus de sélection naturelle, les grands requins-marteaux consomment en outre des animaux marins malades ou blessés, ce qui empêche les individus aux gènes inaptes de se reproduire.
Si l’extinction du grand requin-marteau n’est pas empêchée par l’adoption de mesures de conservation efficaces, elle entraînera inévitablement des répercussions très négatives sur les écosystèmes côtiers du monde entier.
Les menaces subies par le grand requin-marteau
Malgré le manque général de données sur les tendances actuelles de la population de grands requins-marteaux, l’existence bien documentée de marchés illicites d’ailerons de requins, la sous-déclaration supposée des prises accidentelles par les navires de pêche commerciale, et une classification « en danger critique d’extinction » dans la liste rouge de l’UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature) depuis 2019, le niveau actuel de protection accordé aux grands requins-marteaux en vertu de la législation nationale et internationale est loin d’être adéquat.
Des études récentes ayant révélé des déclins historiques de la population, des niveaux élevés de consanguinité et des niveaux alarmants de diversité génétique au sein de l’espèce, la menace d’extinction à laquelle ils sont confrontés continuera de croître à moins que des mesures de conservation et de protection efficaces ne soient mises en place.
La surpêche et toujours l’exploitation pour les ailerons
Le grand requin-marteau fait l’objet d’une pêche commerciale et récréative, sa grande valeur financière étant attribuée à ses grands ailerons. Bien que leur viande ne soit généralement pas consommée, des incidents ont été signalés au cours desquels des espèces de requins-marteaux menacées ont été capturées accidentellement en Afrique du Sud, puis conditionnées et vendues à des pays tels que l’Australie en les faisant passer pour d’autres espèces de poissons autorisées à la consommation. Par ailleurs, l’huile de foie de requin est utilisée pour la production de vitamines, les carcasses sont vendues comme farine de poisson et les peaux sont utilisées pour le cuir.
Créée en 2013, l’association Shark Mission France sensibilise le public sur la condition des requins dans le monde. Elle milite notamment contre la pêche qui massacre les requins pour commercialiser leurs ailerons. Je vous invite à vous rendre sur le site Internet de Shark Mission France pour vous informer et éventuellement vous impliquer aux côtés des bénévoles de l’association.
Néanmoins, le principal produit pour lequel l’espèce est ciblée est l’aileron qui représente une part importante du commerce d’ailerons et constitue l’une des espèces préférées pour la soupe d’ailerons de requins. Les scientifiques estiment que 1,9 à 4 millions de requins marteaux sont pêchés chaque année pour leurs ailerons.
Une protection insuffisante
Le grand requin-marteau n’étant protégé que par l’annexe II de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES), il n’est pas considéré comme menacé d’extinction et peut donc faire l’objet d’une pêche commerciale et d’un commerce international par les pêcheries disposant d’un permis CITES.
Même si le gouvernement australien admet ne disposer que de données limitées concernant les stocks mondiaux et locaux de grands requins-marteaux, la capture de 100 tonnes de grands requins-marteaux par an a été jugée non préjudiciable à la survie de l’espèce et est donc légale dans le pays. En raison de leur nature migratoire, les pêcheries sont également en mesure de chasser illégalement l’espèce dans les eaux internationales, où les patrouilles sont moins nombreuses.
Les grands requins-marteaux sont populaires auprès des pêcheurs de loisir, en particulier en Floride, où la législation relative à la capture de l’espèce est vague et souvent inappliquée. Les requins-marteaux étant décrits comme menant un combat passionnant et nécessitant deux ou trois heures de pêche au moulinet avant d’être capturés, ils sont souvent la cible de compétitions organisées par des clubs de pêche au requin. Bien que ces organisations affirment respecter la pratique de la remise à l’eau, les requins-marteaux sont l’une des espèces de requins les plus fragiles sur le plan physiologique et présentent donc des taux de mortalité post-capture extrêmement élevés.
Les requins-marteaux sont en outre ciblés dans les programmes d’élimination des requins le long des plages pour la protection des baigneurs. En Australie, des filets anti-requins sont placés chaque année dans l’océan au large de 51 plages situées entre la Nouvelle-Galles du Sud et le Queensland. Ciblant les espèces considérées comme une menace potentielle pour les nageurs, les filets sont placés dans la moitié inférieure de la colonne d’eau et sont spécifiquement conçus pour éloigner les populations de requins de la plage. Cependant, au lieu de dissuader les animaux, environ 10 000 requins-marteaux ont été mortellement pris dans ces filets depuis les années 1930, le chiffre étant supposé être beaucoup plus élevé en raison des lacunes dans les rapports et de l’absence de prise en compte des petits dans l’utérus des femelles décédées.
Ces filets mortels capturent également des dauphins, des raies mantas et des tortues de mer. Les idées reçues décrivent ces animaux comme agressifs et dangereux en raison de leur taille, mais ces espèces se désintéressent généralement de l’homme.
Le grand requin-marteau est inoffensif pour l’homme
Le grand requin-marteau est inoffensif pour l’homme et jamais aucun décès l’impliquant n’a été signalé dans le monde. Il est courant de voir des images documentaires dans lesquelles ce magnifique squale partage son espace vital avec des plongeurs respectueux, sans montrer aucune agressivité.
Souhaitons que des mesures soient prises un peu partout dans le monde pour assurer sa survie !
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