Selon une étude de son génome publiée en août 2024, la population du requin blanc s’est divisée il y a environ 150 000 ans, pour ne jamais plus se croiser.
Les requins blancs seraient bien plus sociables qu’on le suppose
Le requin blanc s’est taillé une réputation de solitaire qui est remise en question par une étude scientifique intitulée Social dynamics and individual hunting tactics of white sharks revealed by biologging (Dynamique sociale et tactiques de chasse individuelles des requins blancs révélées par le biologging), publiée le 23 mars 2022. Elle suggère que les requins blancs sont bien plus sociaux qu’on ne le supposait initialement.
Sommaire
Le marquage pour l’étude scientifique sur la dynamique sociale des requins blancs
Pour mener à bien leur étude, les scientifiques ont marqué trois mâles et trois femelles au large de l’île mexicaine de Guadalupe en 2017 et 2018. Ils les ont équipés de caméras, ainsi que de récepteurs d’activité et de télémétrie capables d’enregistrer la vitesse, la profondeur et la direction empruntée par les squales. Des informations vitales sur la dynamique de groupe ont pu alors être collectées.
Les balises contenaient également des récepteurs spéciaux capables de capter les mouvements d’autres requins à proximité. L’objectif était de mesurer les interactions sociales et les comportements entre les individus.
Par ailleurs, les scientifiques se sont appuyés sur les données de 37 autres requins blancs qui avaient déjà été équipés d’émetteurs acoustiques entre 2015 et 2018.
Les données recueillies pour l’étude suggèrent que certains requins blancs sont plus sociables que d’autres. Un individu qui a gardé sa balise pendant seulement 30 heures a passé du temps avec douze autres requins, tandis qu’un autre requin qui a été équipé d’une balise pendant cinq jours au total n’a décidé de passer du temps qu’avec deux autres requins.
L’île Guadalupe, idéale pour l’observation des requins blancs
Le choix de l’île Guadalupe au Mexique paraissait assez évident, car cette île est un lieu de prédilection pour les requins blancs. C’est dans cette région également que se regroupent par périodes des animaux tels que des phoques, des lions de mer et des calmars qui sont tous des mets de choix pour les grands requins blancs.
Les quatre requins blancs les plus reconnaissables de l’île Guadalupe
Les observations des requins blancs solitaires
La majorité des observations de requins blancs dans les différents océans de la planète concerne des animaux solitaires. Il arrive cependant que deux individus soient proches pendant une durée assez courte ou qu’un plus grand nombre se croisent, mais on ne peut pas à proprement parler de groupes dont les individus resteraient ensemble durablement, comme ce peut être le cas pour de nombreuses autres espèces de requins.
Or, si ces prédateurs ne nagent pas en grands groupes, ils ne sont pas pour autant totalement solitaires. En effet, s’il est rare de voir plusieurs grands requins blancs ensemble à la surface de l’eau, cela ne signifie pas qu’ils n’interagissent jamais socialement les uns avec les autres sous l’eau, à l’abri des regards. C’est pourquoi une équipe de scientifiques dirigée par l’Institut de l’environnement de l’Université internationale de Floride a décidé d’étudier quand et à quelle fréquence ces réunions secrètes de grands requins blancs se produisent réellement.
Des interactions irrégulières
Le principal résultat des données recueillies est que si les requins semblent interagir socialement les uns avec les autres, il existe de nombreuses variations individuelles. Certains requins s’associent les uns aux autres tout au long de la journée, tandis que d’autres recherchent principalement d’autres requins blancs au milieu de l’après-midi, passant la majeure partie du reste de la journée dans la solitude.
La plupart des grands requins blancs examinés ne montrent pas de préférence pour l’interaction avec les requins mâles ou femelles et, bien qu’il y ait eu quelques associations sociales fortes entre les requins pendant lesquelles les individus nageaient près les uns des autres pendant de longues périodes, la plupart des associations sociales étaient faibles.
De nombreuses rencontres ont eu lieu à des profondeurs inférieures à 100 mètres, ce qui est relativement peu profond par rapport aux profondeurs auxquelles ces requins se nourrissent habituellement.
Des interactions entre requins blancs en guise de tactiques de chasse
L’équipe de recherche a également remarqué des tactiques de chasse différentes, certains individus préférant les eaux peu profondes aux eaux profondes et d’autres chassant la nuit plutôt que le jour. La plupart des contacts sociaux ont été enregistrés à proximité d’un groupe de phoques, ce qui suggère que les individus forment des groupes pour profiter du succès de chasse d’un autre requin.
Les grands requins blancs ont des personnalités différentes qui influencent le moment et la fréquence de leur présence parmi leurs congénères. Certains se contentent de voir d’autres requins toute la journée, tandis que d’autres limitent leurs contacts. Tous les requins examinés ont cependant interagi avec d’autres requins, même brièvement, ce qui indique qu’il existe une composante sociale normale dans la vie des grands requins blancs, du moins près de l’île de Guadalupe.
L’équipe de recherche pense que ces requins se servent les uns des autres pour trouver des informations sur l’emplacement de proies proches ou d’animaux morts. De nombreuses rencontres ont eu lieu très près de zones où se trouvaient de nombreuses proies, et plusieurs requins ont souvent été aperçus sur le site d’animaux tués très récemment. Si les interactions sociales des grands requins blancs ne sont peut-être pas aussi fortes que celles des animaux qui vivent et se déplacent en groupe, le fait qu’elles existent montre que ces animaux ont bien plus qu’un excellent sens de l’odorat et un bon instinct de chasseur ; ils sont capables de se servir des relations sociales en guise de tactiques de chasse.
L’otarie à fourrure de Guadalupe constitue par exemple une proie populaire pour les requins qui nagent dans cette zone. Les scientifiques pensent que le repérage de telles proies est l’une des principales raisons pour lesquelles les grands requins blancs interagissent socialement les uns avec les autres.
Les commentaires de l’auteur de l’étude sur les interactions sociales des requins blancs
« Soixante-dix minutes, c’est beaucoup de temps pour nager avec un autre requin blanc », a déclaré Yannis Papastamatiou, auteur principal de l’étude, dans un communiqué. « La question importante à laquelle nous devons encore répondre est la suivante : quelle est la raison de la sociabilité de ces requins ? Nous ne le savons pas encore, mais il est probable qu’ils restent à proximité d’autres individus au cas où ceux-ci parviendraient à tuer de grosses proies. Ils ne travaillent pas ensemble, mais le fait d’être social pourrait être un moyen de partager des informations. »
Toutefois, pour déterminer pleinement les raisons du comportement des requins, une étude plus vaste doit être planifiée, comme le souligne l’étude : « Bien que de nombreuses associations soient probablement le fruit du hasard, il existe des preuves de l’existence d’associations plus fortes. Les requins varient dans les profondeurs qu’ils utilisent et dans leur activité, certains individus étant plus actifs dans les eaux peu profondes tandis que d’autres sont plus actifs à une profondeur de 200 à 300 mètres. Nous proposons que les requins blancs s’associent à d’autres individus afin de partager — peut-être par inadvertance — des informations sur l’emplacement ou les restes de grandes proies. Cependant, il peut y avoir une grande variabilité individuelle à la fois dans le comportement et la socialité ».
Cet article comporte 0 commentaires