Les baleines à bosse calibrent les bulles qu’elles émettent pour piéger leurs proies au millimètre près, comme le démontre une étude réalisée en Alaska.
Les poissons favoris que mange la baleine à bosse
Comme nous l’avons évoqué dans l’article Que mange la baleine à bosse ?, la jubarte est un animal dont l’alimentation est très diversifiée. Voici dans le détail ses proies favorites :
- krill ;
- capelan ;
- lançon ;
- menhaden de l’Atlantique ;
- hareng ;
- maquereau.
Sommaire
1. Que mange la baleine à bosse : le krill en priorité
Le krill représente à lui seul la moitié de la nourriture de baleine à bosse. S’il est essentiel pour la jubarte, pour certaines espèces, dont le plus grand animal de la planète, la baleine bleue, il constitue même la seule proie.
Le krill est une sorte de petite crevette rose, plutôt maigrichonne. Il n’est pas un poisson, ni même un vertébré, mais un petit crustacé rosâtre et translucide, mesurant entre un et deux centimètres pour la plupart des espèces, avec quelques exceptions pouvant atteindre jusqu’à quinze centimètres. Les différentes baleines ciblent des krills de tailles différentes. Les rorquals communs préfèrent les plus gros, les baleines à bosse les plus petits et les petits rorquals choisissent la taille intermédiaire.
Le krill est un animal pélagique, c’est-à-dire vivant en haute mer, appartenant au même super-ordre que les crevettes — Eucarida — mais d’une famille différente : Euphausiacea. Il en existe plus de 80 espèces, vivant dans tous les océans du monde.
En Antarctique, l’une des plus importantes espèces en nombre est Euphausia superba, le krill antarctique. Il vit environ 5 ans, mais peut atteindre jusqu’à 10 ans. Il forme de vastes bancs qui migrent verticalement dans la colonne d’eau en suivant leur nourriture. Pour se nourrir, le krill ratisse l’eau avec ses 5 paires de pattes plumeuses et attrape de petites algues, comme les diatomées et les dinoflagellés. Ces plantes océaniques unicellulaires suivent le soleil, s’élevant pour réaliser la photosynthèse pendant la journée et s’enfonçant plus profondément la nuit. Le krill les engloutit et, avec son ventre plein et son corps transparent, il apparaît vert lorsqu’il est rempli d’algues.
De nombreux autres animaux marins suivent les algues et le krill. Il s’agit non seulement des baleines à bosse et autres grandes baleines, mais aussi d’espèces comme les albatros, les pingouins, les calmars, les phoques, ainsi que de nombreux poissons.
La surpopulation du krill
Le krill est l’un des animaux les plus abondants de la planète. Les femelles peuvent pondre jusqu’à 10 000 œufs à la fois, qui coulent et éclosent dans les eaux profondes, entre 700 à 1 000 mètres.
Les étranges caractéristiques du krill
Euphausia signifie en grec « véritable lumière brillante ». Le krill possède des organes émettant une lumière bleue sur son corps qui clignote pendant quelques secondes, peut-être pour dissuader les prédateurs.
Les yeux du krill déterminent son âge. Il faut pour cela compter les anneaux de ses pédoncules oculaires.
La méthode de croissance du krill est également unique. Comme les autres crustacés, lorsqu’il grandit, il mue, perd sa peau et en produit une nouvelle, plus grande. Cependant, le krill peut aussi réduire sa taille. Ainsi, lorsque la nourriture se fait rare, il peut se débarrasser de la peau qui ne lui convient plus pour en fabriquer une plus petite. C’est l’un des seuls animaux au monde capable de faire cela.
Les océans étant limités en fer, les excréments de baleine, qui sont 10 millions de fois plus concentrés en fer que l’eau de mer, fertilisent la croissance du phytoplancton. Ces proliférations d’algues font augmenter la quantité de krill et fournissent ainsi davantage de nourriture aux baleines. Voici un bel exemple de cercle vertueux naturel !
L’exploitation du krill
Le krill est récolté principalement pour l’alimentation animale, ainsi que pour la collecte de ses acides gras essentiels qui servent à fabriquer les huiles aux oméga 3. Il constitue l’espèce cible de la plus grande pêche en Antarctique depuis les années 1960.
Dans le domaine médical, de nombreux travaux ont été entrepris et sont encore en cours pour connaître les différentes pathologies que l’huile de krill peut soigner. On lui reconnaît des qualités antioxydantes et anti-âge.
2. Le capelan
Le capelan n’est pas un poisson très connu, mais pour les baleines à bosse, il constitue un mets de choix. Il s’agit d’un petit poisson fin et argenté, mesurant entre 20 et 25 centimètres. Cette espèce arctique forme de grands bancs dans les eaux nordiques des océans Pacifique et Atlantique.
Il a un joli dos vert, des flancs argentés et des nageoires en éventail. Le capelan vit environ 5 ans, il mène une existence pélagique et se nourrit de plancton.
Le capelan vient sur le rivage pour se reproduire
De mars à octobre, le capelan de l’Atlantique fraie sur les plages et les fonds sablonneux des côtes de Terre-Neuve, Groenland, Russie, Islande et les fjords du nord de la Scandinavie. Le capelan du Pacifique fraie sur les côtes de l’Alaska et de Colombie britannique.
Les œufs de capelan servent à la fabrication des sushis
Les œufs de poissons orange qui entourent les sushis sont souvent ceux du capelan, qu’on appelle aussi masago.
Une proie convoitée que mange la baleine à bosse, mais pas seulement
Le capelan est un aliment clef pour les baleines à bosse, ainsi que d’autres cétacés. Il constitue un aliment essentiel pour la morue dont il représente jusqu’à 90 % du régime alimentaire. La survie de multiples poissons dépend entièrement de ce petit poisson.
Le capelan est prisé pour son huile
Le capelan est également l’une des principales espèces servant à la fabrication d’huile de poisson pour l’industrie des compléments alimentaires et le marché des oméga 3. Par ailleurs, jusqu’à 80 % des capelans capturés sont transformés en farine de poisson pour l’alimentation animale.
Le capelan migre
À l’instar de ses prédateurs beaucoup plus grands que lui, le capelan entreprend une migration, de la même ampleur.
Dans l’Atlantique, il fraie dans les zones côtières autour de l’Islande, au printemps et au début de l’été, puis se dirige vers le large pour se nourrir. Dans les océans Pacifique et Atlantique, après s’être nourri dans les eaux du nord en été, tout comme les baleines à bosse, il se dirige vers le sud pour l’hiver et y reste jusqu’au moment de se reproduire.
Le capelan et le changement climatique
L’aire de répartition géographique du capelan, et donc des populations de morues, de baleines et d’oiseaux de mer, est liée à la température des océans. Comme les mers arctiques se réchauffent plus rapidement que tous les autres habitats marins, les températures et la circulation océaniques changent, ce qui a des conséquences considérables. La pêche au capelan en Islande est régulée en raison du faible niveau des stocks, afin d’éviter de trop graves conséquences pour les baleines.
L’actualité a également fait état récemment de la disparition d’oiseaux de mer (notamment de macareux moines) dans la mer de Barents. La glace ne pouvant fondre et déclencher l’explosion printanière de phytoplancton, il n’y avait tout simplement pas assez de poissons à manger pour les oiseaux.
La pêche et les baleines
Les scientifiques peuvent prédire avec précision l’abondance de la morue et des baleines en se basant sur le nombre de capelans. Il existe parfois des conflits entre les pêcheurs et les baleines, qui se disputent les mêmes ressources.
3. Le lançon
Le lançon est un petit poisson argenté, maigre, sans vessie natatoire et doté d’une forte constitution. Son corps élancé ressemble à celui d’une anguille. On le trouve dans les zones côtières des mers du nord. Des études sur le lançon ont montré qu’il pouvait rester 24 semaines sans manger, soit près de six mois ! Dans la nature, il hiberne généralement pendant l’hiver en s’enterrant dans des sédiments pauvres en oxygène. Il peut également supporter de grandes variations de température et de salinité.
Le lançon que mange la baleine constitue une source de nourriture essentielle pour plus de cent autres espèces. Plus de 40 espèces d’oiseaux et douze mammifères marins dépendent grandement de ces poissons.
Comme le lançon n’est pas facile à trouver et à attraper, il ne constitue pas une espèce commerciale importante. Toutefois, si l’on considère sa valeur pour les activités d’écotourisme telles que l’observation des baleines et les poissons de consommation tels que la morue, le merlu, l’aiglefin, le flet, le maquereau, le thon et bien d’autres, il devient particulièrement précieux.
Un poisson sans vessie natatoire
La plupart des poissons possèdent une vessie natatoire. Elle équivaut à un ballon interne que de nombreux poissons utilisent pour réguler leur flottabilité, c’est-à-dire à monter et descendre dans la colonne d’eau. La vessie natatoire remplie de gaz crée un rebond des signaux sonar permettant aux pêcheurs de trouver les poissons à l’aide d’échosondeurs.
Le lançon ne possédant pas de vessie natatoire, il est difficile à trouver. D’autre part, il est si fin qu’il passe littéralement à travers les mailles des filets.
Comme de nombreuses créatures pélagiques, le lançon se déplace en fonction de l’heure de la journée. Lorsque le soleil est là, le phytoplancton remonte à la surface pour produire la photosynthèse. Après eux vient le zooplancton (comme les copépodes) pour manger le phytoplancton, puis les petits poissons comme le lançon. La chaîne alimentaire à l’œuvre !
Durant la journée, par sécurité, le lançon forme d’énormes bancs. Lorsqu’il se sent menacé, le banc prend la forme classique d’une boule, appelée « troupeau égoïste » (selfish herd). La théorie du troupeau égoïste prétend que les individus au sein d’une population cherchent à réduire leur risque de prédation en s’abritant derrière leurs congénères.
La nuit, le plancton s’enfonce dans la colonne d’eau, tandis que le lançon s’enfouit dans les sédiments sableux et rocheux.
La baleine à bosse racle les fonds pour attraper les lançons
Dans le golfe du Maine, les baleines à bosse se nourrissent de lançon dans la colonne d’eau pendant la journée, en engloutissant d’incroyables quantités en une seule bouchée.
Lorsque la nuit vient (ou durant le jour, lorsque le zooplancton est rare), elles continuent à essayer de dénicher ces délicieuses friandises lorsqu’elles sont enfouies dans les sédiments. Pour cela, elles raclent les fonds marins et parviennent à s’écorcher les côtés de la bouche.
Si vous voyez une baleine avec des cicatrices sur la mâchoire, généralement sur le côté inférieur droit, c’est qu’elle a sans doute chassé le lançon avec trop de zèle.
Le travail de groupe de la baleine à bosse
Le lançon étant difficile à attraper, la baleine à bosse travaille dur et échafaude des stratégies de groupe qui font appel à toute son intelligence. Les jubartes utilisent un son spécifique pour communiquer entre elles lorsqu’elles chassent le lançon dans des conditions de faible luminosité. Elles se transmettent de génération en génération les techniques pour rassembler ces poissons.
4. Le menhaden de l’Atlantique
Le menhaden de l’Atlantique (Brevoortia tyrannus) est un poisson osseux et gras. Il porte aussi le nom d’alose tyran et appartient à la famille du hareng, les Clupeidae.
Le menhaden de l’Atlantique s’étend de la Nouvelle-Écosse à la Floride. Il atteint une longueur de près de 40 centimètres et peut vivre entre 10 à 12 ans. Il se reproduit dans les zones côtières et les estuaires, comme la baie de Chesapeake. Les petits partent en mer à l’âge adulte.
Le menhaden de l’Atlantique est particulièrement grégaire. Il forme de vastes bancs, comptant jusqu’à 200 000 poissons et pouvant atteindre plusieurs kilomètres de long. Pour les baleines, il constitue une source de nourriture essentielle, en particulier dans le milieu de l’Atlantique et le golfe du Maine.
Un poisson à tout faire
Le menhaden de l’Atlantique est pêché pour être transformé plutôt que pour être consommé comme poisson. Il constitue une proie facile, en raison des immenses bancs qu’il forme. Voici ses différents usages.
- Engrais : le menhaden de l’Atlantique est utilisé pour fabriquer des amendements de sol pour des cultures telles que les oignons et les myrtilles.
- Aliments pour animaux de compagnie, chats ou chiens.
- Aquaculture : l’industrie de la pisciculture en utilise d’énormes quantités pour l’alimentation.
- L’alimentation animale d’élevage : le menhaden de l’Atlantique sert à nourrir les porcs, les bovins et les volailles.
- Appât pour la pêche au crabe et au homard.
- Compléments nutritionnels : on l’utilise sous forme d’huile de poisson.
- Usages aussi divers qu’étranges : fabrication de peinture, savon, sauces à salade, margarine, cosmétiques et même trempe de l’acier !
Un poisson sans dents
Le menhaden de l’Atlantique ne possède pas de dents. Il filtre le plancton pour se nourrir, ce qui en fait un maillon essentiel de la chaîne alimentaire océanique. Filtrant jusqu’à 7 litres d’eau de mer par minute, il est considéré comme un véritable nettoyeur de l’océan.
Le menhaden de l’Atlantique consomme divers animaux planctoniques et plantes. Il est lui-même mangé par des prédateurs supérieurs comme les oiseaux, les mammifères marins et d’autres poissons : bar rayé, thon, espadon, morue, etc.
5. Le hareng que mange la baleine… et l’homme
Le hareng est une des principales proies des baleines à bosse dans l’Atlantique Nord et le Pacifique. Il existe trois espèces dans la famille des clupéidés, mais la plus abondante est le hareng de l’Atlantique, Clupea harengus.
Le hareng est un poisson argenté, pouvant atteindre 45 centimètres de long, avec une mâchoire inférieure saillante. Il déteste les bulles et a l’habitude de se mettre en boule dans de grands bancs. Ces caractéristiques ont été exploitées avec succès par les rorquals à bosse qui ont développé une technique de chasse unique : le filet à bulles.
La chasse coopérative des baleines à bosse
Retrouvez tous les détails de cette impressionnante et astucieuse stratégie dans l’article Nourriture baleine à bosse : la technique du filet à bulles.
Le hareng est un poisson filtreur
Le hareng est un poisson filtreur. Il migre de haut en bas de la colonne d’eau, suivant ses proies planctoniques. Il constitue une ressource halieutique importante pour les humains également, tant pour la nourriture que pour les appâts à homards.
Un fin stratège !
Le hareng peut atteindre 18 ans, ce qui semble très long pour un petit poisson. Il est un fin stratège et emploie des techniques d’alimentation et de défense assez sophistiquées.
Par exemple, si un banc de harengs rencontre une agrégation d’animaux planctoniques, les poissons ouvrent grand la bouche et la traversent. Ils maintiennent entre eux une distance équivalente à la longueur de saut d’un copépode, petit crustacé dont il raffole, afin de n’en rater aucun. Les copépodes s’écartent du chemin et tombent dans la bouche du hareng voisin.
6. Le maquereau
Le maquereau est un autre poisson que mange la baleine, tout comme l’homme ! Il s’agit d’un poisson téléostéen de haute mer. Son corps est fuselé, il est zébré de raies noires, son ventre est blanc et son dos est bleu-vert.
Le maquereau mesure moins de 50 centimètres et pèse entre 500 grammes et un kilo. Il n’est pas le mets favori de la baleine à bosse, mais il figure cependant en bonne place dans son régime alimentaire. On le retrouve dans l’océan Pacifique, l’océan Atlantique et la mer Méditerranée.
Tout comme la jubarte, il est migrateur. Il vit l’été dans des eaux froides avant de repartir vers des eaux plus chaudes en automne.
À la fois prédateur et proie
Le maquereau occupe une place essentielle dans la chaîne alimentaire. Il est prédateur de zooplancton, mais aussi de petits poissons comme les sardines ou les anchois, ainsi que de petits crustacés et mollusques.
Il devient ensuite la proie des thons, dauphins et baleines, dont la baleine à bosse.
Le maquereau et ses excellentes vertus alimentaires
Le maquereau que mange la baleine, mais aussi l’homme, en grande quantité est excellent pour la santé. Sa chair possède une haute teneur en acides gras essentiels, en vitamine A antioxydante, ainsi qu’en vitamine B (B2, B3, B5, B6 et B12).
Voilà pour les principales proies que mange la baleine à bosse. Elle ajoute aussi parfois à son menu l’aiglefin ou la goberge. La liste n’est toutefois pas exhaustive, elle sait se montrer opportuniste lorsque ses friandises favorites se font rares.
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