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Phoque crabier, tout savoir sur Lobodon carcinophagus
Le phoque crabier est un pinnipède vivant dans la région antarctique. Bien que cette espèce soit souvent observée, elle reste encore largement inconnue, c’est pourquoi les informations de cet article sont à prendre au conditionnel. Elles sont vouées à évoluer et à être rectifiées au fil des études menées par des scientifiques, mais les conditions météorologiques particulièrement hostiles de la région ne facilitent pas la tâche des chercheurs. La première particularité du phoque crabier ou phoque carcinophage (Lobodon carcinophagus) que les Anglo-saxons appellent crabeater seal est… qu’il ne mange pas de crabes ! Voici pour le reste ce que nous en connaissons.
Sommaire
La carte d’identité du phoque crabier, Lobodon carcinophaga
Phoque crabier/Lobodon carcinophaga (Hombron et Jacquinot, 1842) | |
Classification | |
Règne | Animalia |
Embranchement | Chordata |
Classe | Mammalia |
Ordre | Carnivora |
Clade | Pinnipède |
Famille | Phocidae |
Genre | Lobodon (Gray, 1844) |
Statut de conservation UICN | |
LC (Least Concerned) : Préoccupation mineure |
Les pinnipèdes appartiennent à un groupe monophylétique (clade) de mammifères marins semi-aquatiques, aux pattes en forme de nageoires, appartenant à l’ordre des carnivores. Ces grands prédateurs marins sont composés de trois familles :
- Phocidés = phoques ;
- Odobenidés = morses ;
- Otariidés = lions de mer.
Le phoque crabier appartient à la première catégorie, les phocidés.
L’aire de répartition et le recensement du phoque crabier
La répartition des phoques crabiers est circumpolaire, c’est-à-dire qu’elle entoure le pôle, en l’occurrence le pôle Sud, donc l’Antarctique. Les pinnipèdes passent toute l’année dans la zone de la banquise qui avance et recule de façon saisonnière. On trouve occasionnellement des phoques crabiers le long des franges méridionales de l’Amérique du Sud, de l’Australie, de la Nouvelle-Zélande et de l’Afrique, mais ces observations demeurent rares.
Les analyses génétiques suggèrent que la population circumpolaire de phoques crabiers est panmictique, la panmixie étant la reproduction au hasard, sans sélection naturelle. Dans une population panmictique, chacun des individus qui la composent a des chances égales de se reproduire avec n’importe quel autre individu de sexe opposé.
Aucune preuve génétique ne suggère une séparation en sous-espèces du phoque crabier.
Les déplacements du phoque crabier au sein de son territoire
Les phoques crabiers se déplacent sur de grandes distances en fonction de l’avancée et du recul au fil des saisons de la banquise. Bien qu’on puisse les trouver partout dans la zone de la banquise, il est typique de rencontrer de plus grandes densités sur et au bord du plateau continental, ainsi que dans la zone de glace marginale. Le pinnipède évolue principalement dans la zone du plateau continental, dans des eaux de moins de 600 mètres de profondeur.
Les phoques crabiers se rassemblent parfois en grands groupes pouvant aller jusqu’à plusieurs centaines, voire un millier, ce qui est associé à des schémas généraux de déplacement saisonnier ou de recherche de nourriture.
La population du phoque crabier
Les estimations de l’abondance des phoques crabiers que l’on trouve selon les différentes sources proposent une fourchette pour le moins surprenante, allant de 2 à 75 millions d’individus ! Le chiffre le plus raisonnable qui soit avancé est une population de l’ordre de 5 à 10 millions, mais il serait très sous-estimé d’après de nombreux spécialistes de l’espèce.
Le succès de cette espèce est dû à sa prédation spécialisée sur l’abondant krill antarctique de l’océan Austral, pour lequel il possède une structure dentaire en forme de tamis, adaptée de manière unique. Son nom scientifique – Lobodon carcinophaga – se traduit par « mangeur de crabe à dents lobées » ; il fait spécifiquement référence à ses dents constituées de plusieurs lobes, parfaitement appropriés pour le filtrage de ses petites proies. Le phoque crabier est le seul membre du genre Lobodon.
Les moments les plus cools du phoque crabier
Les caractéristiques physiques du phoque crabier
Taille et poids
Le pinnipède adulte – âgé de plus de cinq ans – atteint une longueur de 2,6 mètres et un poids estimé entre 200 et 300 kilos. Les femelles mesurent en moyenne une petite dizaine de centimètres de plus que les mâles et pèsent environ 8 kilos de plus. Toutefois, le poids des animaux des deux sexes fluctue considérablement en fonction de la saison. Les femelles peuvent en effet perdre jusqu’à la moitié de leur poids corporel pendant l’allaitement, tandis que les mâles s’allègent dans une proportion importante lors des saisons d’accouplement, alors qu’ils doivent – en plus des rapports avec les femelles – lutter contre leurs rivaux.
Le bébé phoque crabier mesure environ 1,1 mètre et pèse entre 20 et 40 kilos. Durant l’allaitement, les petits grandissent à un rythme d’environ 4,2 kilos par jour et atteignent environ une centaine de kilos lorsqu’ils sont sevrés à l’âge de deux ou trois semaines.
Description physique du corps
La tête et le museau sont modérément longs et minces par rapport à la longueur de l’animal. Les yeux sont bien écartés et la tête s’affine à la base du museau droit, formant un léger front de profil. Les narines sont situées sur le dessus du museau, juste en arrière de l’extrémité et, de profil, elles semblent légèrement élargies. Cela donne à l’extrémité du museau un aspect légèrement relevé. Cette apparence est renforcée par la tendance du phoque crabier à relever l’extrémité du museau jusqu’au niveau de l’œil ou plus haut lorsqu’il est dérangé. La ligne de la bouche est pratiquement droite de la gorge à l’extrémité du museau. Les vibrisses sont courtes, pâles et discrètes.
Les pattes antérieures sont longues, larges et quelque peu en forme de faucille. Le premier doigt, semblable à celui des otariidés (la famille des otaries), s’étrécit jusqu’à une extrémité pointue, mais la nageoire antérieure est entièrement recouverte de fourrure. Les phoques crabiers peuvent écarter les doigts des nageoires antérieures en nageant et en s’étirant, ce qui augmente considérablement la surface. De nombreux phoques crabiers portent de longues cicatrices sombres, seules ou en paires parallèles qui sont souvent attribuées à des attaques de léopards de mer. De nombreux mâles plus âgés portent de nombreuses cicatrices et blessures plus petites sur la face et les côtés de la bouche et de la tête, probablement à la suite de combats au sein des groupes de la même espèce.
Le pelage de Lobodon carcinophagus
Le pelage d’un phoque crabier qui a fraîchement mué est très brillant et peut être de couleur claire à foncée, allant du gris argenté au brun fauve. La mue a lieu en janvier et février. Des taches et des anneaux irréguliers se trouvent sur les épaules, les côtés, le dessus des nageoires et autour de l’insertion des nageoires. Ces marques produisent un motif réticulé (en forme de réseau) ou en forme de toile sur les côtés de nombreux phoques, entre les nageoires antérieures et postérieures.
Les nageoires peuvent être tellement marquées de taches et d’anneaux qu’elles paraissent plus sombres que le reste du corps. Au fur et à mesure que la mue s’éloigne, le phoque crabier se décolore, devenant légèrement bronzé, gris clair ou blanchâtre. En vieillissant, ces phoques deviennent plus pâles dans l’ensemble et certains paraissent même décolorés tout au long de l’année.
Les petits naissent avec un pelage laineux doux, de couleur brun-gris ou brun café-crème clair, avec des couleurs plus foncées sur les nageoires. La mue commence au bout de 2 à 3 semaines et le petit adopte un pelage subadulte semblable à celui de l’adulte.
L’alimentation et la dentition du phoque crabier
Malgré son nom, le phoque crabier n’est pas du tout un phoque mangeur de crabes. Ce pinnipède est un prédateur spécialisé dans la capture du krill antarctique (Euphausia superba), de minuscules crustacés qui constituent une partie cruciale du réseau alimentaire de l’océan Austral. Ce krill représente la presque totalité de son régime alimentaire qui est complété par de petits poissons. Notons que les rares espèces de crabes présentes dans son aire de répartition se trouvent principalement en eaux trop profondes pour que le phoque les chasse.
Une concurrence raisonnable
Seuls trois pinnipèdes se nourrissent par filtration de petits zooplanctons : le phoque crabier, le léopard de mer et l’otarie à fourrure de l’Antarctique. Ces trois espèces se nourrissent presque exclusivement de krill antarctique dans l’océan Austral où il est abondant et forme des agrégations extrêmement denses. Parmi les trois espèces, le phoque crabier est le plus spécialisé, le krill représentant plus de 90 % de son régime alimentaire, tandis qu’il constitue environ 33 % de celui des léopards de mer et des otaries à fourrure de l’Antarctique.
Par ailleurs, parmi les baleines qui se nourrissent de krill, seules les baleines bleues (Balaenoptera musculus) et les petits rorquals (Balaenoptera acutorostrata) étendent leur aire de répartition aussi loin au sud que la banquise où les phoques crabiers sont les plus fréquents. La compétition se trouve ainsi restreinte.
La dentition du phoque crabier
La dentition du phoque crabier est suffisamment originale pour que l’on s’y arrête. Ses dents ne sont pas adaptées pour broyer ou mâcher l’exosquelette dur des crabes, mais sont idéales pour piéger et filtrer le minuscule krill qui constitue l’essentiel de son régime alimentaire.
Toutes les dents post-canines sont ornées de multiples cuspides accessoires. Les dents supérieures et inférieures s’emboîtent les unes dans les autres pour former un maillage permettant d’extraire le krill de l’eau de mer. Une crête osseuse sur chaque mandibule comble l’espace dans la bouche derrière les dernières dents post-canines supérieures et aide à prévenir la perte de krill au fond de la bouche lors de l’alimentation.
La reproduction du phoque crabier
Les bébés du phoque crabier naissent de septembre à décembre, durant le printemps antarctique. Ils sont sevrés au bout d’environ 3 semaines. Il n’y a pas de colonie spécifique ; les femelles s’échouent seules sur la glace pour mettre bas. Les mâles adultes restent auprès des couples femelle/petit jusqu’à l’œstrus de la mère – période de l’ovulation pendant laquelle elle peut être fécondée – 1 à 2 semaines après le sevrage du petit.
L’accouplement n’a pas été observé et se déroule vraisemblablement dans l’eau. Les biologistes marins supposent que les femelles mordent les mâles autour de la bouche et des nageoires, ce qui pourrait expliquer les nombreuses petites cicatrices des mâles les plus âgés.
Les prédateurs du phoque crabier
La mortalité s’avère particulièrement élevée durant la première année de vie du bébé phoque crabier, pouvant atteindre jusqu’à 80 %. Une grande partie de cette mortalité est attribuée à la prédation par les léopards de mer. Jusqu’à 80 % des phoques crabiers qui survivent à leur première année présentent des blessures et des cicatrices dues aux léopards de mer. Les attaques de ces derniers semblent diminuer considérablement après que les phoques crabiers ont atteint l’âge d’un an.
Des prédations par les orques (Orcinus orca) sur des phoques crabiers de tous les âges ont été observées. Bien que la plupart des prédations aient lieu dans l’eau, des attaques coordonnées par des groupes d’orques créant une vague pour déloger un phoque d’un morceau de banquise à la dérive sont légion. Cette vague fait tanguer la glace pour déstabiliser le pinnipède. Lorsque le phoque est emporté par la vague qui submerge son refuge, il tombe à l’eau et n’a quasiment aucune chance d’échapper à ses prédateurs.
Regardez la preuve en image de ce type d’attaque : Quand un groupe d’orques chasse le phoque crabier sur la banquise.
Le comportement du phoque crabier
Les phoques crabiers sont les plus grégaires des phoques de l’Antarctique. Ils sont les seuls phocidés antarctiques à se déplacer régulièrement en groupe en mer : ils sont souvent rencontrés seuls ou en petits groupes sur la glace ou dans l’eau ; cependant, des groupes beaucoup plus importants, allant jusqu’à un millier d’individus, sont régulièrement observés.
Les pinnipèdes nagent ensemble en troupeaux, respirant et plongeant de manière presque synchrone. Il semble que ces grands rassemblements soient principalement composés d’animaux assez jeunes. Les adultes sont plus souvent rencontrés seuls ou en petits groupes de quelques individus sur la glace ou dans l’eau.
Les phoques crabiers se nourrissent du crépuscule à l’aube et se rassemblent au milieu de la journée. Une grande partie des animaux d’une zone donnée monte régulièrement sur la banquise pendant la mue annuelle, entre janvier et février. Ils utilisent leurs nageoires antérieures pour se propulser, font surface et roulent vers l’avant pour se hisser sur la glace. Ils sont connus pour leur capacité à se déplacer rapidement sur la glace, avec des mouvements sinueux du dos, aidés par les nageoires. Lorsqu’ils sont agités, ils réagissent en arquant le dos, et en levant le cou et la tête dans une position d’alerte.
Les plongées
Le phoque crabier plonge jusqu’à 430 mètres de profondeur et peut rester immergé durant 11 minutes, bien que la plupart des plongées d’alimentation aient lieu entre 20 et 30 mètres de profondeur, voire moins. La recherche de nourriture a lieu principalement du crépuscule à l’aube. Le phoque peut plonger régulièrement et de manière continue pendant des périodes allant jusqu’à 16 heures d’affilée. Les plongées au crépuscule et à l’aube sont plus profondes que la nuit ; elles indiquent que l’alimentation des phoques crabiers suit les migrations verticales quotidiennes du krill.
Grâce à des observations par satellite, des vitesses sur terre allant jusqu’à 26 km/h ont été enregistrées sur de courtes distances. Certains phoques ont été répertoriés à une vitesse de nage de près de 13 km/h, avec une distance parcourue de 66 km par jour.
Lorsqu’il nage, le phoque crabier a pour habitude de se livrer à des comportements de marsouinage (sauter entièrement hors de l’eau) et d’espionnage (lever le corps verticalement hors de l’eau pour l’inspecter visuellement).
Les déplacements dans les terres
Les phoques crabiers sont connus pour errer plus loin à l’intérieur des terres que n’importe quel autre pinnipède. Des carcasses ont été retrouvées à plus de 100 kilomètres de l’eau et à plus de 1 000 mètres au-dessus du niveau de la mer, où elles étaient momifiées dans l’air sec et froid et conservées pendant des siècles. Ces chiffres sont toutefois à relativiser, car les distances et altitudes fluctuent en fonction de l’évolution des conditions météorologiques au fil des siècles.
La décomposition des mouvements du phoque crabier pour se déplacer
Les nageoires postérieures des phocidés sont inutiles pour la locomotion terrestre. Le principal mécanisme de déplacement terrestre des phocidés est l’ondulation par flexibilité dorso-ventrale de la colonne vertébrale ou une flexion latérale sinueuse du corps.
Les ondulations dorso-ventrales du tronc se produisent conjointement avec des mouvements des nageoires antérieures. Ces ondulations utilisent les régions thoracique et pelvienne comme principaux points de contact avec le sol. Une onde dirigée vers l’avant passe le long du corps par une flexion de la colonne vertébrale qui soulève le thorax du sol, tandis que les nageoires antérieures soutiennent la région antérieure du corps et sont simultanément rétractées pour tirer le corps vers l’avant. Cette action amène le bassin vers l’avant et l’extension subséquente du tronc pousse la région antérieure du corps vers l’avant.
Les mouvements horizontaux sinueux du corps sont utilisés pour se déplacer sur la glace et la neige par le phoque crabier. Lors d’un mouvement sinueux, la tête et les épaules sont balancées latéralement du même côté, en même temps que l’extrémité postérieure du corps. Ces mouvements latéraux alternés utilisent les deux séries de nageoires pour pousser le corps vers l’avant.
La locomotion sur des rochers couverts d’algues entraîne moins de friction que sur une plage rocheuse nue. Les phoques utilisent la glisse pour entrer rapidement dans l’eau et se déplacer sur une plage rocheuse couverte d’algues. Le glissement est accompli avec un corps étendu lorsque les phoques entrent dans l’eau. Les nageoires antérieures peuvent servir de stabilisateurs, tandis que les griffes des nageoires antérieures sont utilisées pour s’agripper au sol sur un terrain rocailleux et irrégulier.
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