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L’étude acoustique du béluga du golfe de Cook en Alaska

La première étude acoustique du béluga à long terme s’intéresse à la recherche de nourriture dans le golfe de Cook en Alaska. La surveillance continuelle fournit de nouvelles informations sur cette population de cétacés menacée d’extinction. Ces connaissances sont essentielles pour comprendre et gérer les menaces potentielles qui entravent le rétablissement de cette population.

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Bélugas du golfe de Cook © Christopher Garner, U.S. Air Force Conservation Department
Consultez cet article pour découvrir le béluga du golfe de Cook en Alaska.

L’étude acoustique du béluga par Manuel Castellote

« Les bélugas du golfe de Cook ont été inscrits sur la liste des espèces en danger en 2008. Malgré les mesures de protection, la population a continué à décliner », déclare Manuel Castellote, biologiste affilié à la NOAA Fisheries, à l’Université de Washington et à l’Institute for the Study of the Atmosphere and Ocean. C’est lui qui a dirigé l’étude Seasonal distribution and foraging occurrence of Cook Inlet beluga whales based on passive acoustic monitoring (Distribution saisonnière et recherche de nourriture des bélugas du golfe de Cook sur la base de la surveillance acoustique passive). « Nous avons entrepris cette étude afin de fournir les informations dont les gestionnaires ont besoin pour élaborer une stratégie de rétablissement efficace. »

Manuel Castellote a travaillé en partenariat avec le département de la pêche et de la chasse de l’Alaska pour mettre au point un programme de surveillance acoustique passive. Il a permis d’enregistrer les mouvements des bélugas et leur comportement de recherche de nourriture dans leur habitat tout au long de l’année, pendant cinq ans.

« La répartition des bélugas durant l’été a déjà fait l’objet d’études poussées, en particulier dans la partie supérieure du golfe. Mais les informations sur le comportement de recherche de nourriture pendant le reste de l’année demeuraient pratiquement inexistantes », explique Manuel Castellote. « Or, ces connaissances sont essentielles pour identifier les menaces qui entravent le rétablissement des bélugas. »

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Le déclin inexpliqué du béluga du golfe de Cook

Les bélugas du golfe de Cook constituent une population distincte et isolée qui reste dans ce bras de mer toute l’année. Entre 1994 et 1998, la population a chuté de près de 50 %, principalement en raison d’une chasse non réglementée. À ce moment-là, les efforts de coopération entre la NOAA Fisheries et les chasseurs autochtones de l’Alaska ont permis de réduire considérablement les captures, puis d’interdire la chasse. Malgré la protection mise en place après 1999, la population de bélugas a continué à décliner lentement. En 2008, elle a été inscrite sur la liste des espèces en danger. Aujourd’hui, elle continue de diminuer. En 2018, on estime qu’il reste 279 individus. Les bélugas du golfe de Cook sont menacés d’extinction si les obstacles à leur rétablissement ne sont pas identifiés et atténués rapidement.

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La situation des 279 bélugas du golfe de Cook

Le programme de recherche acoustique du béluga pour la conservation la population du golfe de Cook

Un plan de conservation pour le béluga du golfe de Cook a été publié en 2008, soulignant le manque d’informations écologiques pour cette population. Cette année-là, l’équipe de Manuel Castellote a lancé le programme de recherche acoustique du béluga. L’objectif était d’évaluer les mouvements et la recherche de nourriture des cétacés tout au long de l’année en se basant sur cinq années consécutives de surveillance acoustique passive.

Un plan de rétablissement a été élaboré en 2016. Toutefois, compte tenu du manque d’informations écologiques disponibles, il n’a pas été possible de déterminer les menaces spécifiques qui empêchent le rétablissement de la population. Ce plan a souligné la nécessité de disposer d’informations de base sur la biologie et l’écologie des bélugas du golfe de Cook. La distribution saisonnière et l’écologie de la recherche de nourriture – la cible du programme de recherche acoustique du béluga – ont été identifiées comme des lacunes majeures dans les connaissances.

En particulier, les mouvements des cétacés et leur comportement de recherche de nourriture pendant l’automne, l’hiver et le printemps étaient peu, voire pas du tout documentés. Pendant ces périodes, la faible luminosité et la glace rendent la détection visuelle difficile.

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L’étude acoustique passive du béluga du golfe de Cook grâce à des balises amarrées

L’étude acoustique passive du béluga est moins limitée par les obstacles à la détection visuelle tels que les conditions météorologiques, les vagues, les eaux turbides, la glace et l’obscurité. Elle consiste à amarrer des balises qui n’affectent pas la vie des bélugas. Cependant, le golfe de Cook est un environnement notoirement difficile pour les chercheurs.

« Les marées et les courants extrêmes, la forte sédimentation glaciaire, la glace et les débris peuvent ensevelir, enchevêtrer ou balayer les instruments amarrés dans le golfe », explique Manuel Castellote. « L’élaboration et le test d’instruments à amarrer, capables de résister à ces conditions environnementales difficiles, ont constitué un défi de taille pour notre programme. Tous les collègues à qui nous avons parlé pendant la phase de conception de ce projet pensaient que nous plaisantions. Il nous a fallu deux ans et les talents combinés d’une équipe pluridisciplinaire pour concevoir un amarrage capable de fournir les données dont nous avions besoin. »

En 2008, l’équipe a déployé les amarrages des balises acoustiques sur mesure à 13 endroits dans l’habitat des bélugas. C’est ainsi qu’a commencé ce qu’ils espéraient être cinq années de surveillance continue.

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Manuel Castellote et Tom Gage (Alaska Department of Fish and Game) déploient une bouée acoustique dans la baie de Tuxedni, dans le golfe de Cook, une zone récemment identifiée comme une aire d’alimentation hivernale possible pour les bélugas

Appels sociaux et « bourdonnements » (buzz) de recherche de nourriture

L’étude acoustique du béluga a révélé l’emplacement des animaux marins, ainsi que le moment et l’endroit où il se nourrit. Elle a aussi enregistré la présence d’orques transientes (nomades), le seul prédateur connu des bélugas. Les détections d’orques étaient brèves et difficiles à identifier, reflétant leur mode furtif pour chasser leurs proies.

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Trois types de cris de bélugas ont été identifiés :

  1. Les cris ;
  2. Les sifflements ;
  3. Les clics d’écholocalisation.

Ce sont les cris et les sifflements – des vocalisations sociales – qui ont été utilisés pour détecter la présence des bélugas.

Les clics d’écholocalisation indiquent une activité de recherche de nourriture. Lorsqu’un béluga écholocalise une proie – pendant la poursuite puis sa capture – le son produit par le cétacé rebondit sur elle. La séquence de clics s’accélère à mesure que le béluga se rapproche de sa proie et se termine souvent par une salve de clics, considéré comme un « bourdonnement » (buzz en anglais) de recherche de nourriture. Cette séquence audio se termine par un bruit – une sorte de craquement – signe d’une capture réussie.

Lieux de l’étude acoustique du béluga du golfe de Cook de juillet 2008 à mai 2013

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Endroits où des mouillages acoustiques ont été déployés pour surveiller les bélugas de juillet 2008 à mai 2013, dans le golfe de Cook, en Alaska. L’encart en haut à gauche montre les six sites de déploiement dans la baie d’Eagle et dans la partie inférieure du bras Knik. La carte montre l’habitat essentiel des bélugas du golfe de Cook, la zone exclue de l’habitat essentiel dans le bras Knik et les vasières exposées à marée basse (en marron).

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Les modèles saisonniers révélés par l’étude acoustique du béluga

L’étude acoustique du béluga du golfe de Cook a permis d’établir une surveillance continue de 2008 à 2013. Les appels sociaux et l’activité d’écholocalisation qu’elle a enregistrés ont permis aux scientifiques de décrire les déplacements spatiaux des bélugas et leurs schémas d’alimentation saisonniers et annuels dans l’ensemble de leur habitat. Il importe de noter que cette étude a permis d’élargir les connaissances sur la répartition des bélugas qui était jusqu’à présent presque exclusivement limitée à l’été.

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Certains résultats confirment les résultats d’études antérieures, d’autres sont nouveaux et certains sont inattendus.

  • Pendant l’été, les bélugas étaient concentrés uniquement dans la partie supérieure du golfe de Cook.
  • Pendant l’hiver, la distribution des bélugas s’est étendue vers la partie inférieure du golfe. Les cétacés étaient plus dispersés, mais n’ont pas abandonné la partie supérieure du bras de mer.
  • La présence de cétacés dans la partie supérieure du golfe pendant le pic de couverture de glace en hiver était plus élevée que prévu.
  • Les comportements de recherche de nourriture étaient beaucoup plus fréquents en été qu’en hiver. L’équipe suppose que certains bélugas ont pu se nourrir au large, au milieu du bras de mer, dans des zones qu’ils n’ont pas surveillées.
  • C’est dans la rivière Little Susitna que l’on a observé la plus grande activité de recherche de nourriture, avec un pic en juillet-août ; la rivière Beluga a enregistré la deuxième plus grande activité de recherche de nourriture.
  • De façon inattendue, la recherche de nourriture alternait distinctement entre les rivières Little Susitna et Beluga. Plutôt que de se nourrir dans toutes les rivières de la région au cours de la même période, les bélugas se sont concentrés sur une rivière pendant des semaines. Ils se déplaçaient ensuite vers la rivière suivante pendant des semaines, puis revenaient à la première.
  • La recherche de nourriture correspondait aux périodes de migration des poissons, tels que le saumon et l’eulakane (ou poisson-chandelle).
  • Une seule orque transiente a été formellement détectée au cours des cinq années de surveillance. Mais il est difficile de les détecter acoustiquement, car les épaulards ont tendance à utiliser un mode furtif lorsqu’ils cherchent leurs proies, afin d’éviter qu’elles ne les détectent.
  • L’étude acoustique du béluga a montré que les cétacés étaient concentrés dans les zones d’entrée supérieures comme la rivière Beluga en été ; en hiver, ils se sont étendus aux zones d’entrée moyennes et inférieures comme la baie de Tuxedni.

Les graphiques de l’étude acoustique du béluga dans la rivière Béluga et la baie de Tuxedni

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Les enregistrements acoustiques ont montré que les bélugas se concentraient dans les zones d’entrée supérieures comme la rivière Beluga en été ; en hiver, ils s’étendaient dans les zones d’entrée moyennes et inférieures comme la baie de Tuxedni.

Le mot de la fin par Manuel Castellote

« Les connaissances que nous avons obtenues nous aideront à déterminer quelles zones de l’habitat du béluga sont les plus importantes, et à quel moment. Les informations sur la recherche de nourriture constituent un grand pas en avant, car nous pouvons désormais cibler les zones où et quand les bélugas se nourrissent pour voir quelles espèces de proies s’y trouvent », se réjouit Manuel Castellote. « Ensuite, nous voulons étendre notre couverture. Nous voulons en savoir plus sur la façon dont le bruit des activités humaines peut affecter leur comportement. L’étude acoustique du béluga de façon passive est devenue un outil par défaut dans le golfe de Cook pour améliorer nos connaissances sur l’utilisation par les bélugas de leur l’habitat, dans le but de contribuer au rétablissement de leur population. »

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