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Caca de baleine : jusqu’à 4 % de la production de phytoplancton
Le caca de baleine a déjà fait l’objet de plusieurs articles ici, tant son importance est capitale pour l’écologie. Une nouvelle étude renforce cette certitude, avec des chiffres impressionnants : Nutrient concentrations in minke whale faeces and the potential impact on dissolved nutrient pools off Svalbard, Norway (Concentrations de nutriments dans les fèces de petits rorquals et impact potentiel sur les réserves de nutriments dissous au large de Svalbard, Norvège). Elle est menée par Carla Freitas – spécialiste des sciences de la mer, pour l’IMR (Institute of Marine Research in Norway) – qui s’est plus précisément intéressée aux déjections de la baleine de Minke, autrement appelée petit rorqual.
Sommaire
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Je vous invite à lire les 3 articles qui suivent pour comprendre le phénomène de la « whale pump », ainsi que le processus favorable au phytoplancton.
- Caca de baleine : une aubaine pour l’écologie de la planète !
- Profession : chien renifleur de caca de baleine et d’orque !
- Insolite étude pour sauver l’océan avec du caca de baleine artificiel
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Présentation de la baleine de Minke
L’illustration par l’artiste Nicole Kelner du recyclage du caca de baleine
Lorsque les baleines remontent à la surface pour respirer et déféquer, l’azote contenu dans leurs déjections fournit des nutriments qui permettent au phytoplancton de se développer.
L’étude sur la baleine de Minke au Svalbard
L’étude porte sur la baleine de Minke (ou petit rorqual) au Svalbard, un archipel norvégien situé dans l’océan Arctique, entre le Groenland à l’ouest, l’archipel François-Joseph à l’est et l’Europe continentale au sud.
Chaque été, 15 000 petits rorquals viennent s’y nourrir et chacun d’entre eux produit environ 40 kilos de fèces par jour. Au total, cela représente 600 tonnes de caca de baleine ! Or, ces déjections contiennent de grandes quantités de nutriments essentiels pour l’écosystème océanique.
Les efflorescences du phytoplancton
Voilà plusieurs années que les scientifiques marins ont commencé à se demander si les fèces de baleines pouvaient augmenter la production primaire dans l’océan. En d’autres termes, quelle est l’importance du rôle du caca de baleine dans la prolifération du phytoplancton, vitale pour toute la chaîne alimentaire de la faune océanique ?
L’idée poursuivie par les scientifiques était simplement de prouver que les excréments des baleines fertilisent l’océan de la même manière que les animaux terrestres, notamment le bétail, fertilisent la terre.
Qu’est-ce que le phytoplancton ?
Le phytoplancton est constitué de cyanobactéries et de microalgues – c’est-à-dire des végétaux microscopiques – présentes dans les eaux de surface et qui dérivent au gré des courants. S’il est invisible à l’œil nu, le phytoplancton constitue un maillon essentiel pour l’écologie. Il est avalé par le zooplancton et par une multitude d’organismes marins. Ces derniers sont eux-mêmes la proie de petits prédateurs à leur tour chassés par de grands prédateurs. Certains gros animaux comme la baleine à fanons (dont la baleine de Minke), le requin-pèlerin ou le requin-baleine se nourrissent directement de zooplancton.
Non seulement le phytoplancton se situe à la base de la chaîne alimentaire océanique, mais, grâce à la photosynthèse, il produit plus de la moitié de l’oxygène terrestre et consomme la moitié du dioxyde de carbone. En effet, le phytoplancton est constitué d’organismes photosynthétiques pourvus de chlorophylle grâce à laquelle il capte l’énergie solaire. Il utilise en outre le dioxyde de carbone et les sels minéraux dissous dans l’eau (principalement l’azote et le phosphate) pour se développer et produire de l’oxygène. Cet oxygène se diffuse alors à la surface des océans, puis dans l’atmosphère.
On estime que le phytoplancton produit plus de la moitié de l’oxygène sur Terre, alors qu’il ne représente que 1 % de la biomasse d’organismes photosynthétiques.
Le terme d’efflorescence de phytoplancton est la traduction littérale de l’anglais « phytoplankton blooms », la floraison luxuriante. Ce phénomène se manifeste par une apparence inhabituelle de l’eau de mer qui peut se colorer et mousser, signe d’une prolifération et d’une concentration élevées en microalgues et cyanobactéries.
Le phytoplancton est divisé en deux catégories de microalgues : les diatomées et les phytoflagellés. Plus de 5 000 espèces de microalgues ont été recensées à ce jour, mais il en reste encore beaucoup à découvrir. Les formes et les couleurs varient, mais la fonction demeure toujours la même.
Le phosphore et l’azote les plus importants en proportion dans le caca de baleine
Contrairement aux déjections de poissons et de zooplancton qui coulent au fond de la mer, le caca de baleine flotte à la surface. C’est précisément là que le phytoplancton fleurit au printemps et en été.
« Le problème, c’est que personne ne sait vraiment quelle quantité de nutriments les baleines excrètent et dans quelle mesure cela contribue à la production de phytoplancton », explique Carla Freitas. Dans le passé, les scientifiques ont prélevé des échantillons de caca de baleine dans l’eau, alors que les nutriments étaient déjà en cours de dissolution. Pour l’étude, les chercheurs ont prélevé des échantillons directement dans les excréments de petits rorquals morts, ce qui a permis d’établir un ratio par animal. Après avoir analysé les échantillons, ils ont constaté que les nutriments les plus importants dans les fèces étaient le phosphore et l’azote.
Les chercheurs ont ensuite effectué une projection pour calculer la quantité de nutriments excrétés chaque jour par les 15 000 petits rorquals de la région du Svalbard en été.
Réponse : 10 tonnes de phosphore et 7 tonnes d’azote par jour !
« Selon une estimation approximative, le caca de la baleine de Minke contribue à hauteur de 0,2 à 4 % à la production quotidienne de phytoplancton dans la région. Cela peut sembler peu, mais c’est en réalité une contribution tout à fait remarquable », explique Carla Freitas.
D’abord le caca de baleine, ensuite l’urine !
En plus du caca de baleine, il faut aussi compter avec leur urine qui fera l’objet de la prochaine étude. Chaque baleine de Minke – pesant de 4 à 5 tonnes à l’âge adulte – se nourrit en filtrant de grandes quantités d’eau et rejette plusieurs centaines de litres d’urine par jour. La contribution des baleines est donc sous-estimée si l’on omet de prendre en compte l’urine.
Or, la plupart des mammifères excrètent de l’urée qui contient notamment de l’azote, « nous allons donc poursuivre nos recherches en examinant les nutriments présents dans l’urine des baleines », explique Carla Freitas. « Nous avons déjà reçu des échantillons que nous avons commencé à analyser », ajoute-t-elle.
À bientôt pour les résultats de l’étude !
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