Une étude publiée en 2023 révèle l’existence de clans de cachalots immenses, regroupant une multitude de sous-groupes et atteignant jusqu’à 20 000 individus.
Vidéo exceptionnelle d’un cachalot nouveau-né à la Dominique
Les images présentées dans cet article sont des illustrations et ne sont pas liées à la naissance du bébé cachalot, sauf la première présentée ci-dessous. En revanche, les quatre vidéos du CETI sont bien celles du bébé cachalot né en juillet 2023.
L’organisation à but non lucratif Project CETI ainsi que son organisation caritative locale Project CETI Dominica ont documenté un événement extraordinaire dans les eaux de la Dominique : les premières images d’un cachalot nouveau-né.
Sommaire
Les premières images du cachalot nouveau-né commentées par Shane Gero
La surprise pour l’équipe en train d’observer les cachalots
Le 8 juillet 2023 a commencé comme n’importe quel autre jour pour le biologiste canadien Shane Gero qui se trouvait au large des côtes de l’île de la Dominique, dans les Caraïbes orientales, à la recherche d’une famille de cachalots. Shane Gero et son équipe étudient la communication des cachalots en utilisant l’apprentissage automatique avancé pour décoder les vidéos qu’ils enregistrent à l’aide de drones ainsi que les sons qu’ils enregistrent sous l’eau à l’aide d’hydrophones.
L’équipe du CETI enregistrait les codas des cachalots lorsqu’elle a remarqué des schémas de communication inhabituels parmi eux. À l’aide de drones et d’hydrophones synchronisés, l’équipe a filmé les événements qui ont suivi la naissance du bébé cachalot.
11 cachalots ont été décomptés, travaillant ensemble pour soutenir le nouveau-né hors de l’eau pour qu’il respire. Les cachalots ont porté le petit cétacé pendant des heures pour l’aider à rester à flot et à respirer alors que sa queue était encore enroulée.
Un drone a capturé une vue aérienne de plusieurs cachalots alignés côte à côte et orientés dans une seule direction. Ils tiennent au-dessus d’eux le bébé cachalot à l’aspect flasque. Plus tard arrive un groupe de globicéphales qui encercle le groupe, ainsi que des dauphins de Fraser. Les globicéphales chassent en meute et représentent une terrible menace pour les bébés cachalots, mais aussi pour les juvéniles. Fort heureusement, la solidarité du groupe offre la protection de « gardes du corps » très déterminés.
Une capture d’images précieuse
D’après les membres du CETI, cette capture d’images s’avère exceptionnelle, d’autant qu’elle est accompagnée de prises sonores sous-marines que les scientifiques ont commencé à étudier. Ces images et sons apparaissent essentiels pour mieux comprendre la société des cachalots de la Dominique.
L’équipe scientifique du projet CETI analyse actuellement cet événement extraordinaire. Elle a déjà découvert que la mère du bébé cachalot est apparemment un cétacé qu’ils connaissent bien et qui est surnommée Rounder. La présence de la sœur du bébé, appelée Accra, a été confirmée dans le cortège qui l’aidait à respirer à la surface.
Kevin George, skipper du projet CETI, a déclaré à propos de la naissance : « Je savais que les femelles se rassemblent lorsqu’une mère met bas, et j’avais l’habitude d’en parler à mes clients lorsque je travaillais pour des excursions d’observation des cachalots. Voir cela se produire en vrai, c’est époustouflant et cela change la vie ».
Shane Gero, responsable de la biologie du projet CETI et fondateur du Dominica Sperm Whale Project, a déclaré : « Des moments comme celui-ci vous permettent de faire le point et de réaliser à quel point c’est un honneur de faire le travail que nous faisons, et à quel point je me soucie des cachalots avec lesquels je travaille ».
Le fondateur du projet CETI, le professeur David Gruber, espère que les images permettront de mieux comprendre les cachalots.
Les premières images du bébé cachalot à la surface de l’eau, porté par les membres de son clan
L’interview de Shane Gero
Shane Gero a répondu à une interview d’un média américain Quirks & Quarks.
Interviewer – Vous observez et écoutez les cachalots. Racontez-moi ce qui s’est passé ce jour-là lorsque vous avez réalisé que quelque chose d’inhabituel était en train de se produire.
Shane Gero – C’était une matinée incroyable. Nous étions avec les cachalots depuis environ une heure et ils étaient tous regroupés, toute la famille ensemble, environ 11 animaux. Il s’agissait de grands-mères, de mères et de leurs filles et jeunes fils. Nous pensions qu’ils étaient tranquilles et peut-être un peu sur la défensive parce qu’il y avait des globicéphales dans les parages et qu’ils sont connus pour harceler les cachalots.
Environ une heure après notre arrivée, il y a eu une énorme effusion de sang. Puis nous avons vu ces magnifiques, minuscules, petites nageoires flottantes du nouveau bébé qui venait de naître. C’était surréaliste.
Racontez-moi cela. À quoi ressemble la naissance d’un bébé cachalot ? Que font-ils ?
C’était beaucoup plus actif que je ne le pensais. Les cétacés se roulaient dans tous les sens et se poussaient les uns contre les autres. Et bien sûr, il y avait une cacophonie incroyable de sons sous l’eau. Le petit a été en quelque sorte sorti de l’eau sur le nez de sa mère et de sa tante. Sa grand-mère était également présente. Le bébé cachalot paraissait flasque.
Au début, j’ai pensé qu’il était peut-être mort-né parce qu’il était si mou. Il nous a fallu, je dirais, quelques minutes pour réaliser que non, il respirait tout seul, il donnait des coups de nageoire et il bougeait tout seul. Voir les cachalots se tortiller comme des spaghettis autour d’une fourchette avec tant d’élégance et de grâce dans l’océan était absolument incroyable.
Vous avez dit qu’au début, vous avez vu du sang et qu’il y avait des globicéphales dans les parages. Qu’est-ce qui vous a traversé l’esprit lorsque vous avez vu cela ?
Une inquiétude immédiate. Nous avons d’abord pensé que les globicéphales attaquaient. Nous n’avons jamais vu un globicéphale chasser avec succès un bébé cachalot. Ils viennent, ils les harcèlent, ils les dérangent, on constate parfois quelques blessures et morsures, surtout sur la nageoire caudale, mais nous n’en avons jamais vu un être capturé.
Lorsque nous avons vu le sang et la réaction physique immédiate de toutes les autres femelles, nous étions inquiets jusqu’à ce que nous voyions le nouveau bébé. Puis, l’équipe sur le bateau est passée d’une sorte de jubilation et d’excitation à beaucoup de stress et d’inquiétude pour la survie du petit.
Quelques heures plus tard, le petit cachalot était toujours là et jouait avec ses cousins et sa mère, nous savons donc qu’il a survécu. Mais il y a eu quelques heures où tout le monde était très tendu à l’idée de ce qui allait se passer ensuite.
Vous êtes là pour étudier les communications des cachalots, alors à quoi ressemblait tout cela ? Quels bruits les cachalots émettaient-ils pendant toute cette activité ?
Les cachalots communiquent entre eux en émettant des clics que nous appelons codas. C’est un peu comme un système de code Morse, avec différents clics et des pauses. L’activité est passée d’un silence relatif à 11 animaux parlant tous en même temps. Je précise qu’il ne s’agit pas d’une impolitesse, s’agissant d’un cachalot ! Les animaux se répondent en même temps et leurs codas se chevauchent.
Il est difficile de ne pas y voir une célébration, tout comme pour nous. Dès que le nouveau petit cachalot est né, les autres cétacés du groupe familial sont passés d’un silence absolu à un grand nombre de vocalisations simultanées.
Vous avez parlé de la façon dont les femelles se sont rassemblées pour maintenir le bébé, pour le soutenir. On dit qu’il faut une communauté pour élever un enfant. Est-ce vrai aussi pour ces cachalots ?
Oui. Fondamentalement, la société des cachalots repose sur la cohabitation des femelles qui s’occupent des bébés des autres et les défendent en commun. Et je pense que nous avons vu tout cela se produire en l’espace d’une heure environ lors de ce genre d’événement.
Nous connaissons cette famille depuis le début du projet en 2005. Nous savons donc que la grand-mère et la mère étaient là, ainsi que la nouvelle demi-sœur du bébé, et qu’elles ont toutes participé à cet événement. C’était donc un jour mémorable pour eux, sans parler de nous.
Vous avez eu la surprise d’assister à la naissance d’un cachalot, mais vous étiez en fait là pour étudier leurs communications. Comment cela s’inscrit-il dans votre projet CETI ?
Il s’agit d’un ensemble de données remarquable. Nous disposons d’un contexte comportemental très spécifique de ce qui s’est passé et de ce dont les cachalots étaient susceptibles de parler.
Mais cela nous donne aussi la possibilité de suivre ce petit être au fur et à mesure qu’il acquiert son dialecte natal. Nous pourrons ainsi étudier l’ontogenèse de l’apprentissage du cachalot. L’ontogenèse concerne le développement de l’ensemble des aptitudes chez un individu, de sa naissance jusqu’à sa mort.
Quel est votre objectif ultime ? Allez-vous essayer de traduire ce qu’ils disent et « parler aux animaux » ?
Non. Je pense que c’est quelque chose qui fascine les gens depuis des centaines d’années, mais le véritable objectif du CETI est d’écouter les animaux et d’apprendre d’eux.
Il y aura toujours quelque chose que notre cerveau de primate ne pourra pas comprendre à propos de ce que signifie être un cachalot. Lorsque nous trouvons des similitudes entre ce qui est important pour eux et ce qui est important pour nous, je pense que c’est là que nous commençons à apprendre quelque chose sur ce qui est important pour la raison pour laquelle nous sommes tous ici.
Les images du bébé cachalot par drone
Et d’autres…
Le projet CETI pour les cachalots
Le projet CETI est une organisation à but non lucratif enregistrée aux États-Unis et en Dominique qui utilise l’apprentissage automatique et la robotique de pointe pour écouter et traduire les communications des cachalots.
Toutes les recherches et les résultats obtenus par le CETI en Dominique sont ouverts et disponibles pour d’autres recherches. Le CETI a également mis en place une initiative locale de renforcement des capacités : le Dominica Marine Conservation Fellowship. Ce programme de formation de 10 mois destiné aux jeunes Dominicains intéressés par les sciences marines comprend neuf modules sur des sujets tels que les sciences marines, les techniques de recherche scientifique, les compétences nautiques et maritimes, la narration d’histoires, etc. Le programme est créé en collaboration avec la National Geographic Society.
Retrouvez tous les détails sur le CETI dans l’article en deux parties Projet Cachalot de la Dominique.
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