Le lamantin n’étant pas protégé par une couche de gras suffisante, en dessous de 20 °C, il préfère migrer vers des eaux plus chaudes.
Lamantin des Caraïbes, tout savoir sur Trichechus manatus
Le lamantin des Caraïbes (Trichechus manatus) est un grand mammifère marin appartenant à l’ordre des siréniens (ou Sirenia). Celui-ci comprend les dugongidés, avec une seule espèce vivante, le dugong, et les trichéchidés, la famille des lamantins qui comprend trois à quatre espèces vivantes. Partons à la découverte du mode de vie de ce pacifique et débonnaire herbivore marin, surnommé la « vache de mer »…
Sommaire
Carte d’identité de Trichechus manatus, le lamantin des Caraïbes
Lamantin des Caraïbes/Trichechus manatus/Linnaeus, 1758 | |
Classification | |
Règne | Animalia |
Embranchement | Chordata |
Sous-embranchement | Vertebrata |
Classe | Mammalia |
Sous-classe | Theria |
Infra-classe | Eutheria |
Ordre | Sirenia |
Famille | Trichechidae |
Genre | Trichechus |
Statut de conservation UICN | |
CR – en danger critique |
Les quatre espèces de lamantins
Cet article est consacré à Trichechus manatus, le lamantin des Caraïbes.
Pour information, les lamantins (Trichechus) se divisent en 4 espèces.
- Trichechus manatus, le lamantin des Caraïbes, la plus grande espèce de l’ordre des siréniens (sirenia) qui comprend deux sous-espèces, parfois considérées comme distinctes :
- Trichechus manatus latirostris, le lamantin de Floride qui est le plus étudié ;
- Trichechus manatus manatus, le lamantin des Antilles, plus méconnu.
- Trichechus senegalensis, le lamantin d’Afrique de l’Ouest qui habite la côte occidentale de l’Afrique et le réseau hydrographique de toute l’Afrique de l’Ouest jusqu’au Tchad.
- Trichechus inunguis, le lamantin d’Amazonie, plus petit, et le seul parmi les lamantins à vivre exclusivement en eau douce, dans le bassin amazonien ;
- Trichechus pygmaeus, le lamantin nain, considéré par certains scientifiques comme une espèce distincte du Trichechus inunguis, qui serait endémique d’un affluent de la rivière Aripuanã.
Présentation du lamantin des Caraïbes
Description physique du lamantin des Caraïbes
Le lamantin des Caraïbes mesure en moyenne entre 2,7 et 3,5 mètres de long et pèse entre 200 et 600 kilos, les femelles étant généralement plus grandes que les mâles. Le plus grand individu recensé pesait 1 655 kilos et mesurait 4 mètres. La longévité du lamantin des Caraïbes est estimée à une cinquantaine d’années.
Les lamantins étant des mammifères, ils respirent de l’air, ont le sang chaud et produisent du lait. Comme les autres siréniens, le lamantin des Caraïbes s’est totalement adapté à la vie aquatique et n’a pas de membres postérieurs. À la place, il possède une nageoire caudale en forme de pagaie arrondie qui lui permet de se propulser dans l’eau. Le lamantin de Floride possède trois à quatre ongles sur chaque nageoire, ressemblant à ceux des éléphants.
Le lamantin des Caraïbes a évolué jusqu’à obtenir un corps fuselé. Par ailleurs, il ne possède pas d’oreilles externes, ce qui diminue encore la résistance dans l’environnement aquatique. Sa peau est grise, mais sa coloration peut varier en raison des algues et d’autres biotes (vie animale et végétale propre à une zone en particulier), comme les bernacles qui vivent de manière opportuniste sur les lamantins.
La peau du lamantin des Caraïbes est épaisse – parfois plus d’un centimètre – et rugueuse. Ses poils mesurent de 3 à 5 centimètres. Ils couvrent tout son corps et fournissent des informations somatosensorielles. Le tissu cicatriciel du lamantin est blanc et persiste durant des décennies, ce qui permet de l’identifier facilement.
Densité des os et flottabilité
Les os du lamantin des Caraïbes sont denses et solides, ce qui leur permet de servir de lest et de favoriser la flottabilité négative. Cela contrebalance la flottabilité positive due à son fort tour de taille ! En ajoutant à ces deux éléments de flottabilité l’air contenu dans ses poumons, la vache de mer atteint une flottabilité neutre. Cela facilite la respiration, la recherche de nourriture et la nage.
La respiration indispensable pour tout mammifère
Bien qu’il vive dans l’eau comme un poisson, le lamantin a besoin de respirer de l’air pour survivre. Lorsqu’il vient prendre une bouffée d’air à la surface, il remplace 90 % de l’air contenu dans ses poumons en une seule inspiration. À titre de comparaison, l’homme ne renouvelle que 10 % de son air en une seule inspiration.
Le lamantin des Caraïbes vient respirer en moyenne toutes les 3 à 5 minutes à l’air libre, mais est capable de retenir son souffle pendant 20 minutes.
Un diaphragme unique
Le lamantin présente une particularité qu’aucun autre mammifère ne partage : il possède un diaphragme orienté longitudinalement, divisé en deux pour former deux hémidiaphragmes. Chaque hémidiaphragme est capable de contractions musculaires indépendantes.
Une production de dents illimitée
Le lamantin des Caraïbes possède un museau préhensile – comme son parent terrestre l’éléphant – pour attraper la végétation et la porter à sa bouche. Il possède six à huit dents molariformes dans chaque quadrant de la mâchoire. Les molaires sont de forme similaire, mais de taille variable. L’animal marin ne possède pas d’incisives, celles-ci ayant été remplacées par des plaques gingivales cornées.
Ses dents naissent à l’arrière de la bouche et migrent lentement vers l’avant, à raison de 1 à 2 millimètres par mois, puis elles tombent. Ce « tapis roulant » dentaire permet une production illimitée de dents, très utiles pour broyer la végétation dont le lamantin se nourrit de quatre à huit heures par jour (il consomme de 5 à 10 % de son poids corporel par jour). En effet, se nourrissant de plantes abrasives, les molaires du lamantin des Caraïbes sont souvent usées et doivent être remplacées plusieurs fois au cours de sa vie.
L’importance des vibrisses du lamantin des Caraïbes
Le lamantin possède des poils tactiles sensibles qui couvrent son corps et sa tête, appelés vibrisses. Chacune de ces vibrisses ressemble à un sinus rempli de sang et lié par du tissu conjonctif dense avec des terminaisons nerveuses sensibles. Elles fournissent ainsi une perception haptique (sens du toucher) à la vache de mer.
Les vibrisses se situent en général sur les régions faciales des animaux terrestres et aquatiques n’appartenant pas à l’ordre sirenia. Les lamantins, eux, possèdent des vibrisses sur tout le corps. Celles situées dans la région faciale sont environ 30 fois plus denses que celles situées sur le reste du corps.
La bouche est constituée de lèvres préhensiles très mobiles qui servent à saisir la nourriture et les objets. Les vibrisses de ces lèvres sont tournées vers l’extérieur pendant la préhension et servent à localiser la végétation.
Les vibrisses du lamantin des Caraïbes sont si sensibles qu’elles sont capables d’effectuer une discrimination tactile active des textures. Le mammifère marin utilise également ses vibrisses pour naviguer dans les eaux troubles et se repérer. Il est aussi capable de les mobiliser pour détecter des stimuli hydrodynamiques de la même manière que les poissons utilisent leur système de lignes latérales.
Distribution et habitat du lamantin des Caraïbes
Le lamantin des Caraïbes habite principalement les zones côtières peu profondes, y compris les rivières et les estuaires. Il supporte d’importants changements de salinité et se trouve aussi bien en eau douce qu’en eau salée. Le taux métabolique extrêmement bas du lamantin et l’absence d’une épaisse couche de graisse corporelle isolante le limitent aux endroits où les eaux sont chaudes, notamment dans les régions tropicales. En effet, si le lamantin paraît gros, il n’est pas gras ; la nuance est importante pour la protection contre le froid.
La sous-espèce de Floride se trouve principalement le long de la côte de Floride, mais a été aperçue jusqu’à Dennis, Massachusetts, ainsi que le long de la côte du Golfe du Texas. En ce qui concerne les incursions à l’intérieur des terres, un lamantin a été repéré dans la Wolf River (près de l’endroit où elle se jette dans le Mississippi) à Memphis, Tennessee, en 2006 : une distance de plus de 1 130 kilomètres du golfe du Mexique.
La distribution dans les Caraïbes de la sous-espèce des Antilles est éparse, allant au nord jusqu’au Mexique et au sud jusqu’au Brésil.
Une analyse des modèles d’ADN mitochondrial indique qu’il existe en fait trois groupes géographiques principaux de lamantins des Caraïbes :
- La Floride et les Grandes Antilles ;
- Le Mexique, l’Amérique centrale et le nord de l’Amérique du Sud ;
- Le nord-est de l’Amérique du Sud.
La répartition saisonnière du lamantin des Caraïbes varie en fonction de la température de l’eau. Les températures inférieures à 20 °C augmentent le risque de stress induit par le froid et de mortalité. Par conséquent, les lamantins de Floride recherchent des refuges d’eau chaude pendant l’hiver, concentrés principalement le long de la péninsule de Floride. Beaucoup de ces refuges sont artificiels, créés par le ruissellement des centrales électriques à proximité. En revanche, le lamantin des Antilles est moins sensible au stress induit par le froid en raison des eaux plus chaudes dans toute son aire de répartition.
Le lamantin des Antilles est peu répandu dans les Caraïbes et le nord-ouest de l’océan Atlantique, du Mexique à l’est jusqu’aux Grandes Antilles et au sud jusqu’au Brésil. On trouve également des populations aux Bahamas, en Guyane française, au Suriname, en Guyane, à Trinidad, au Venezuela, en Colombie, au Panama, au Costa Rica, à Curaçao, au Nicaragua, au Honduras, au Guatemala, au Belize, à Cuba, en République dominicaine, en Jamaïque et à Porto Rico. Il a peut-être disparu des îles Turks et Caicos, et définitivement de toutes les Petites Antilles à l’exception de Trinidad et Curaçao. Sa présence en Haïti est incertaine.
Le lamantin de Crystal River en Floride – USA
Le lamantin de Floride habite la limite la plus septentrionale des habitats des siréniens. Il existe quatre sous-populations reconnues de lamantins de Floride, appelées populations :
- du nord-ouest ;
- du sud-ouest ;
- de la côte atlantique ;
- de la rivière St John.
De grandes concentrations de lamantins de Floride sont situées dans les régions de Crystal River et de Blue Springs dans le centre et le nord de la Floride.
Le mode de vie et le comportement du lamantin des Caraïbes
Le lamantin des Caraïbes ayant évolué dans des habitats dépourvus de prédateurs naturels, il n’a pas de comportement d’évitement des prédateurs. Sa grande taille et son faible taux métabolique lui permettent de plonger longtemps et profondément, tout en étant relativement lent.
Les lamantins des Caraïbes sont souvent solitaires, mais ils se regroupent dans des habitats d’eau chaude pendant l’hiver et lors de la formation des troupeaux reproducteurs. Malgré leur comportement docile, les lamantins des Caraïbes n’ont pratiquement pas de prédateurs naturels dans leur environnement d’origine en raison de leur grande taille.
Les alligators et les crocodiles américains sont soupçonnés d’avoir parfois attaqué des lamantins des Caraïbes. D’autre part, un lamantin mourant a été découvert à Porto Rico, blessé par une grosse morsure de requin que l’on pense avoir été infligée par un requin-tigre ou un requin-taureau.
Les mammifères marins des eaux océaniques côtières constituent des proies vulnérables pour les requins et les orques, tandis que les lamantins profitent de leur capacité à vivre dans l’eau douce ou dans l’eau saumâtre (mélange d’eau douce et d’eau salée) où ils se trouvent à l’abri de ces prédateurs.
La communication entre les lamantins des Caraïbes
Les lamantins forment de grands troupeaux d’accouplement lorsque les mâles rencontrent des femelles en période d’ovulation. Ceci indique que les mâles sont capables de sentir les œstrogènes ou d’autres indicateurs chimiques à distance.
Les lamantins communiquent entre eux par le biais de leurs vocalisations. Des différences liées au sexe et à l’âge sont apparentes dans la structure vocale des grincements et des cris communs chez les mâles adultes, les femelles adultes et les juvéniles.
Une augmentation de la vocalisation des lamantins après un stimulus vocal montre qu’ils sont capables de reconnaître la voix individuelle d’un autre lamantin. Ce comportement se retrouve principalement dans les interactions entre la mère et son petit. Cependant, la vocalisation intervient encore dans une variété d’interactions sociales au sein des groupes de lamantins, comme pour les autres mammifères marins.
Lorsqu’ils communiquent dans des environnements bruyants, les lamantins qui sont en groupe expérimentent le même effet Lombard que les humains, ce qui les force à « hausser le ton ».
Comment recueillir des informations en mangeant les excréments de ses congénères !
Les lamantins mangent les excréments de leurs congénères. Les chercheurs supposent qu’ils agissent de la sorte pour recueillir des informations sur le statut reproductif ou leur capacité de dominance. Ceci indique le rôle prédominant que joue la chimioréception dans le comportement social et reproductif des lamantins. La chimioréception est la capacité d’un organe sensitif à détecter des substances et à transmettre un signal nerveux adapté.
Le régime alimentaire du lamantin des Caraïbes
Le lamantin des Caraïbes est un herbivore strict qui se nourrit de plus de 60 espèces de plantes aquatiques, tant en eau douce qu’en eau salée. L’herbe de mer représente un élément essentiel de son régime alimentaire, en particulier dans les zones côtières. En outre, lorsque la marée est suffisamment haute, il se nourrit également d’herbes et de feuilles de la rive alors submergée.
Le lamantin broute généralement pendant cinq heures ou plus par jour, consommant entre 4 % et 10 % de son poids corporel en végétation humide par jour. La quantité exacte dépend de sa taille et de son niveau d’activité. C’est ce comportement qui lui vaut le surnom de vache de mer. Il est en outre le plus grand herbivore vivant dans l’océan.
Une vache de mer, mais non ruminante
Bien que le lamantin soit surnommé « vache de mer », il n’est pas un ruminant. Il extrait efficacement les nutriments, en particulier la cellulose, des plantes aquatiques de son régime alimentaire. Il possède un volumineux appareil digestif dont le contenu représente environ 23 % de la masse corporelle totale. En outre, le taux de passage de la nourriture est très long, environ sept jours, ce qui augmente la digestibilité de son alimentation. Il est suggéré que la fermentation chronique peut également fournir de la chaleur supplémentaire et est en corrélation avec leur faible taux métabolique.
La reproduction du lamantin des Caraïbes
Le lamantin mâle atteint la maturité sexuelle à l’âge de 3 ou 4 ans et la femelle entre 3 et 5 ans. Ils semblent capables de se reproduire tout au long de leur vie adulte. Toutefois, la plupart des femelles se reproduisent pour la première fois à l’âge de 7 à 9 ans.
La reproduction se produit dans des troupeaux d’accouplement éphémères, où plusieurs mâles se rassemblent autour d’une femelle en œstrus et se disputent l’accès à celle-ci. Il a été observé que les plus grands mâles, probablement plus âgés, dominent les troupeaux d’accouplement et sont probablement responsables de la plupart des copulations réussies.
La période de gestation
La période de gestation chez le lamantin des Caraïbes dure de 12 à 14 mois, après quoi la femelle donne naissance à un seul petit à la fois, ou rarement à des jumeaux. Lorsqu’un petit naît, il pèse de 27 à 32 kg et mesure de 1,2 à 1,4 mètre de long.
Les lamantins ne forment pas de couple permanent et le mâle n’apporte aucun soin parental au jeune qui reste avec la mère jusqu’à l’âge de deux ans avant d’être sevré. La femelle présente la particularité de posséder des mamelles cachées sous les nageoires pectorales, contrairement aux autres mammifères marins dont les mamelles se situent sur le ventre. Ainsi, lorsque le petit allaite, il se place parallèlement à sa mère, plutôt qu’en dessous.
Une femelle peut se reproduire une fois tous les 2 ou 3 ans. Il a été observé que des lamantins peuvent donner naissance à des petits au moins jusqu’à la fin de la trentaine.
Menaces et conservation du lamantin des Caraïbes
Le lamantin des Caraïbes figure sur la liste des espèces menacées des États-Unis depuis les années 1970. En octobre 2007, l’UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature) a évalué le lamantin des Caraïbes comme étant vulnérable, et les sous-espèces de Floride et des Antilles comme étant en danger.
L’espèce complète et les deux sous-espèces se sont qualifiées pour leurs classifications respectives en raison d’une combinaison d’un faible nombre d’individus matures et d’un déclin significatif prévu dans le nombre total de la population au cours des deux prochaines générations.
Les sous-espèces de Floride et des Antilles sont confrontées à des menaces différentes, bien que certaines se chevauchent. Les principales causes de mortalité des lamantins de Floride peuvent être attribuées aux collisions avec les embarcations, à la perte d’habitat en eaux chaudes, à la mortalité périnatale élevée, aux enchevêtrements, à l’ingestion de débris, à la pollution, à la perte d’habitat et aux efflorescences d’algues nuisibles.
Le lamantin des Antilles est lui confronté à une grave fragmentation de son habitat, ainsi qu’à la pression continue de la chasse illégale. Dans certains pays, comme le Belize, les collisions avec les embarcations sont en hausse en raison du développement du tourisme.
Heureusement qu’on ne soit pas obligé de manger les excréments de nos congénères pour tout savoir sur eux 😁
Tous les goûts sont dans la nature, la preuve 😹