Alors qu’un bébé calmar colossal a été filmé pour la première fois en Antarctique, de nouvelles expéditions sont prévues pour observer les adultes, avec des moyens technologiques encore plus sophistiqués.
Calmar colossal, tout savoir sur Mesonychoteuthis hamiltoni
Le calmar colossal mérite un article à sa démesure, donc fleuve ! Vous disposez de liens dans le sommaire ci-dessous qui vous permettent d’accéder directement au chapitre qui vous intéresse. Bonne plongée dans les profondeurs des océans en compagnie du calmar colossal !
Sommaire
Calmar colossal / Mesonychoteuthis hamiltoni | |
Classification | |
Règne | Animalia |
Embranchement | Mollusca |
Classe | Cephalopoda |
Sous-classe | Coleoidea |
Super-ordre | Decabrachia |
Ordre | Teuthida |
Sous-ordre | Oegopsina |
Famille | Cranchiidae |
Sous-famille | Taoniinae |
Genre | |
Mesonychoteuthis / Robson, 1925 | |
Espèce | |
Mesonychoteuthis hamiltoni / Robson, 1925 | |
Statut de conservation UICN – Union Internationale pour la Conservation de la Nature | |
LC (Least Concern) = Préoccupation mineure |
Le monde mystérieux du calmar colossal
Film d’animation mettant en scène la chasse du calmar colossal dans la profondeur des océans, produit par le musée de Nouvelle-Zélande Te Papa Tongarewa.
L’étude du calmar colossal de Te Papa
Les informations qui suivent sont en grande partie issues du musée Te Papa Tongarewa qui proposa une exposition exceptionnelle consacrée au calmar colossal, basée notamment sur la découverte d’un spécimen en mer de Ross.
Le musée Te Papa Tongarewa
Le musée de la Nouvelle-Zélande Te Papa Tongarewa est le musée national de la Nouvelle-Zélande situé à Wellington. Son nom signifie « le lieu des trésors de cette terre ».
L’exposition dédiée au calmar colossal
L’exposition dédiée au calmar colossal et les données qui furent extraites des dissections des animaux retrouvés en mer s’appuient sur trois calmars. Après avoir examiné les grands spécimens conservés à Te Papa, les scientifiques de l’Université technologique d’Auckland (AUT) ont décrit la morphologie de l’animal tout au long de sa vie.
Le premier calmar colossal complet
Le 1er avril 2003, un spécimen subadulte de calmar colossal fut collecté par un palangrier néo-zélandais pêchant dans les eaux antarctiques. Le spécimen fut examiné et avéra être une femelle immature. La longueur de son manteau s’élevait à 2,5 mètres, pour une longueur totale de 5,4 mètres. Bien que très endommagée, elle pesait environ 300 kilos.
À l’époque, cette femelle représentait le calmar le plus lourd connu de la science et elle possédait le plus long manteau de tous les calmars mesurés. Le bec inférieur de ce spécimen particulier possédait une longueur rostrale de 38 millimètres. Grâce aux efforts de préservation du musée, cet individu appartient désormais à la vaste collection de céphalopodes (pieuvres, calmars et autres espèces apparentées) de Te Papa.
Des becs inférieurs de calmars colossaux provenant d’estomacs de cachalots avaient été mesurés jusqu’à 49 millimètres de long. Les scientifiques savaient donc que le calmar colossal pouvait devenir considérablement plus grand. À la suite de l’examen du spécimen de 2003, il a été supposé que des spécimens matures de calmar colossal pesant jusqu’à 500 kilos pouvaient exister dans les eaux de l’Antarctique.
Le deuxième calmar colossal complet — 2007
En février 2007, le palangrier San Aspiring qui pêchait la légine antarctique (Dissostichus mawsoni Norman) dans la mer de Ross captura un autre spécimen de calmar colossal.
Lors du tirage des palangres, un calmar colossal s’était attaqué une légine fixée à l’une des lignes à 1 500 mètres de profondeur. Alors que les palangres étaient remontées, le calmar s’est accroché à la légine et a été ramené à la surface. Empêtré dans les lignes de pêche, le calmar colossal était en train de mourir lorsqu’il fut remonté à la surface et n’a pas pu être relâché dans l’eau. La valeur de l’animal pour la science étant reconnue, il a été soigneusement ramené à bord.
Il fut pesé à environ 495 kilos, bien qu’il ait été encore gelé à ce moment-là et contenait un peu de glace, de sorte qu’une estimation plus précise est considérée comme étant d’environ 470 kilos.
Le troisième calmar colossal complet — 2014
En janvier 2014, le San Aspiring a pu recueillir un autre grand spécimen complet (à l’exception des tentacules). Il était d’une taille similaire à celle du spécimen de 2007 et s’est également avéré être une femelle submature.
Ce spécimen a été examiné sur place à Te Papa Tongarewa par le docteur Kat Bolstad et d’autres membres du laboratoire de calmars de l’AUT (Auckland University of Technology) de Nouvelle Zélande. L’événement a été retransmis en direct sur Internet par plus de 800 000 personnes de plus de 180 pays et peut encore être visionné. (La vidéo est proposée en toute fin d’article.)
Gros plan sur les parties du corps du calmar colossal de Te Papa Tongarewa et interview du capitaine John Bennett qui fut à l’origine de sa découverte
Dans la vidéo ci-dessous, le capitaine John Bennett raconte comment le calmar colossal s’est retrouvé accroché à sa palangre, avec les légines australes.
Avant de procéder à l’autopsie, le docteur Kat Bolstad montre en gros plan les parties du corps du calmar colossal. On y découvre les bras et tentacules couverts de ventouses et de crochets. Par ailleurs, il est impressionnant d’observer le tout petit conduit de l’œsophage qui part du bec pour se diriger vers l’estomac. Son minuscule diamètre par rapport à la taille de l’animal (et de ses proies) l’oblige à déchiqueter sa nourriture en tout petits morceaux.
L’anatomie du calmar colossal
Les bras et les tentacules du calmar colossal
Comme tous les calmars, le calmar colossal possède huit bras et deux tentacules. Chacun des bras affiche une longueur différente, allant de 0,85 mètre à 1,15 mètre. Les deux tentacules sont plus longs que les bras et mesurent environ 2,10 mètres de long.
Le calmar colossal est unique car il possède d’incroyables crochets rotatifs sur les extrémités des tentacules. Ces crochets sont utilisés pour attraper et retenir les proies. Les bras se distinguent des tentacules par des ventouses beaucoup plus nombreuses et plus grosses.
Crochets de tentacules rotatifs
Les crochets des tentacules et les crochets des bras sont très différents. Les crochets des tentacules peuvent pivoter, pas ceux des bras.
Chaque crochet de tentacule se trouve sur une courte tige, au ras de la surface intérieure du tentacule, dans une dépression aplatie. Ceci permet à la surface arrière aplatie du crochet de tourner. Les crochets peuvent tourner sur eux-mêmes, sur 360 degrés.
Nous ne savons pas si le calmar peut contrôler activement chaque crochet individuellement, ou si les crochets pivotent passivement une fois accrochés à la proie pour la maintenir en place.
Il existe deux rangées de crochets rotatifs sur la partie centrale (manus) du tentacule, et 22 à 25 crochets tentaculaires au total. Ces crochets pivotants sont plus petits que les crochets des bras et ne possèdent qu’une seule griffe. Chaque rangée de crochets tournants est flanquée d’une rangée de minuscules ventouses marginales.
Crochets des bras
Les crochets des bras sont disposés en une double rangée au milieu de chaque bras, avec les ventouses dentelées au-dessus et en dessous. Les crochets des bras sont placés dans des gaines charnues et très musclées. Ils sont solidement attachés aux bras. Ils aident probablement à immobiliser, puis à maintenir les proies lorsqu’elles sont tuées et mangées.
La plupart des crochets des bras possèdent une griffe principale puissante, ainsi que deux petites cuspides plus proches de la base du crochet. Cela les rend tridimensionnels et maximise leur capacité à tenir et à s’enfoncer. La base de chaque crochet possède également une structure complexe qui s’enfonce profondément dans le muscle.
Ventouses
Le calmar colossal possède des ventouses sur ses bras et ses tentacules. Tous les calmars sont munis ventouses, mais leur nombre, leur type et leur disposition sont uniques pour chaque espèce.
Les ventouses des calmars possèdent une structure interne calcaire. Chez le calmar colossal, elles sont fortement dentelées et probablement mortelles pour les proies. Les légines capturées sur les palangres présentent parfois des marques circulaires là où elles ont été endommagées par les ventouses du calmar colossal.
Calmar à crochets
D’autres familles de calmars possèdent des crochets sur les bras ou les tentacules, ou les deux. Le calmar colossal est le seul calmar à crochets de sa famille (les Cranchiidae), qui comprend une vingtaine d’espèces.
Le bec du calmar colossal
Comme tous les calmars, les pieuvres et leurs proches, le calmar colossal possède un bec. Il constitue sa bouche, première étape du système digestif.
Le bec est une structure dure qui ressemble au bec d’un perroquet. Cependant, à la différence de l’appendice de l’oiseau, le bec inférieur du calmar colossal chevauche le bec supérieur.
Ce bec est constitué de chitine et entouré de tissu musculaire. La chitine est une substance organique souple et résistante. Elle est synthétisée par des glandes spéciales du calmar colossal.
Le calmar colossal utilise son bec pour hacher et découper ses proies avant que la nourriture ne passe par l’œsophage pour atteindre l’estomac et les organes digestifs. Le calmar doit réduire la nourriture en petits morceaux car son œsophage est étroit et passe par le milieu de son cerveau en forme de beignet.
À l’intérieur du bec, juste avant le début de l’œsophage, la nourriture est encore déchiquetée par la radula, qui est un peu comme une langue avec des dents. D’autres dents (dents palatines) bordent les joues. La radula se déplace comme un tapis roulant pour faire descendre la nourriture dans l’œsophage pendant qu’elle est traitée par le bec.
Le bec du calmar et sa taille
Chaque espèce de calmar possède un bec dont la taille et la forme sont uniques. La taille du bec d’un calmar est liée à la taille de l’animal vivant. La mesure utilisée est la longueur de la section droite du bec inférieur, appelée longueur rostrale inférieure (LRL pour Lower Rostral Length). Si l’on dispose de suffisamment de spécimens d’une espèce de calmar, il est possible d’établir une relation mathématique entre la taille du bec et la taille globale du calmar.
Le calmar colossal et les autres grands calmars sont rarement capturés, si bien que les collections ne comptent que quelques spécimens de grande taille. Les cachalots mangent beaucoup de calmars colossaux. Alors que les tissus du mollusque se dissolvent très rapidement dans les sucs gastriques du cétacé, les becs durs du calmar demeurent longtemps intacts. Un grand nombre de becs de calmar colossal est régulièrement retrouvé dans le contenu de l’estomac de cachalots échoués. Le plus grand bec de calmar colossal trouvé dans l’estomac d’un cachalot possédait une LRL de 49 millimètres.
Lors de l’examen du calmar colossal à Te Papa, un calmar colossal plus petit a aussi été disséqué. Ce petit spécimen pesait environ 160 kilos pour un bec d’une LRL d’environ 40 millimètres. Le plus grand spécimen de calmar colossal a été pesé à 495 kilos pour un bec d’une LRL de 42,5 millimètres. Ainsi, une différence de quelques millimètres seulement dans la taille du bec correspond à un calmar beaucoup plus gros dans l’ensemble.
Il n’existe pas suffisamment de spécimens de calmars colossaux pour pouvoir établir l’équation liant la taille du bec et la taille globale. Bien que nous ne puissions pas dire avec certitude quelle taille de calmar colossal un bec de 49 millimètres de long représente, il pourrait peser jusqu’à 600 ou 700 kilos.
Le corps du calmar colossal
Le corps du calmar colossal est composé de trois parties principales : le manteau et la nageoire, la tête, ainsi qu’un ensemble de bras et de tentacules.
Le manteau
La partie principale du corps du calmar est appelée le manteau. Il s’adapte comme une gaine sur les organes internes. Le manteau du calmar colossal disséqué à Te Papa mesure environ 2,5 mètres de long et 982 millimètres de large.
Le manteau est constitué de muscles et de peau. De petites cellules contenant des pigments, appelées chromatophores, donnent à la peau sa couleur rose rougeâtre. Lorsque ces cellules se contractent, la peau paraît plus pâle.
Gladius ou plume
Tous les mollusques possèdent une coquille. Le calmar colossal possède une coquille interne appelée gladius (ou plume). Il s’agit d’une structure interne rigide qui soutient le corps du calmar et traverse la partie supérieure du manteau, entre les deux nageoires caudales. Il est constitué de chitine, la même substance résistante, protectrice et ici translucide que le bec, et qui est principalement un polysaccharide contenant de l’azote.
Nageoire caudale
La nageoire caudale est fixée à la surface supérieure du manteau et est constituée de muscles. Le calmar colossal avance dans l’eau en faisant onduler sa nageoire dans le sens de la longueur.
Cette nageoire est exceptionnellement massive et musclée (1 183 millimètres de long et 982 millimètres de large). Cela permet probablement au calmar colossal d’avancer assez rapidement par courtes rafales lorsqu’il attaque une proie. Chez la plupart des calmars, les deux nageoires caudales servent davantage à changer de direction qu’à se propulser.
Entonnoir ou siphon
L’entonnoir – ou siphon – est une structure musculaire située sur la surface ventrale du manteau. Il exerce plusieurs fonctions, dont la respiration et l’évacuation des déchets. Le calmar colossal utilise également l’entonnoir pour se déplacer dans l’eau.
Lorsque le manteau se dilate, l’eau est aspirée dans la cavité du calmar par l’ouverture du manteau autour de la tête. L’eau ainsi oxygénée baigne alors les branchies et permet la respiration.
Lorsque le manteau se contracte, l’eau est expulsée par l’entonnoir avec les déchets. Le calmar peut se déplacer à reculons en utilisant la propulsion par jet en projetant rapidement l’eau par l’entonnoir.
Les yeux du calmar colossal
Le calmar colossal possède les plus grands yeux d’animaux jamais étudiés, avec ceux du calamar géant. Ils mesurent environ 27 cm de diamètre, soit la taille d’un ballon de football. Une autre caractéristique incroyable du calmar colossal est que ses yeux sont équipés d’organes lumineux.
Des yeux énormes, parfaits pour voir dans le noir
La vision est très importante pour le calmar colossal. Il utilise ses yeux pour voir et attraper ses proies, pour surveiller ses prédateurs et pour voir ses congénères. Avec ses yeux énormes et ses phares intégrés, le mollusque est bien équipé pour vivre dans les profondeurs sombres de l’océan Austral.
Les yeux du calmar colossal sont placés de manière à être orientés vers l’avant, ce qui lui confère une vision binoculaire, ou stéréoscopique.
Le type d’œil et son fonctionnement
Les yeux des céphalopodes (calmars et pieuvres), comme ceux du calmar colossal, ressemblent beaucoup aux yeux des vertébrés. Ils contiennent un cristallin qui focalise les images sur une rétine tapissant la surface arrière concave de l’œil.
Comme chez tous les céphalopodes, le cristallin est composé de deux parties. Il est sphérique et affiche un diamètre de 80 à 90 millimètres, soit à peu près la même taille qu’une orange.
Lobe optique
Au cours de la dissection du petit calmar colossal, les scientifiques ont examiné l’œil et le lobe optique. Il s’agit de la partie du cerveau du calmar qui traite les informations visuelles provenant de l’œil.
Le lobe optique du petit calmar colossal est plus grand que le cortex visuel d’un être humain (le cortex visuel représente notre lobe optique), ce qui montre l’importance de la vision pour ces énormes calmars.
Les organes de la lumière — les photophores
Le calmar colossal, comme beaucoup de calmars, possède des organes lumineux : un sur chaque globe oculaire. Chaque organe lumineux est composé d’une bande verticale située à l’arrière du globe oculaire, à côté du bord extérieur du cristallin.
Les organes lumineux, ou photophores sont utilisés comme des phares. Lorsque les yeux se tournent vers l’intérieur pour se concentrer directement devant les bras et les tentacules, les organes lumineux fournissent suffisamment de lumière pour que le calmar puisse voir ses proies dans l’obscurité. Grâce à sa vision binoculaire, le calmar colossal peut évaluer avec précision la distance à laquelle les tentacules doivent se déplacer pour frapper et saisir la proie.
La lumière émise par les photophores est produite par une réaction chimique impliquant des bactéries et constitue un type de bioluminescence. La lumière reste allumée en permanence. De nombreux animaux des profondeurs présentent ce type de bioluminescence. Certains calmars, comme les taningia, possèdent des organes lumineux à l’extrémité de leurs tentacules.
La vision des couleurs ?
Le calmar colossal ne peut probablement pas voir en couleur. Les calmars en général ne peuvent pas voir en couleur, à l’instar les animaux des profondeurs.
Pourquoi le calmar colossal a-t-il de si grands yeux ?
Le calmar colossal vit dans les eaux profondes de l’océan, à environ 1 000 mètres sous la surface de la mer, où la lumière du soleil ne pénètre pas. Les yeux humains possèdent un seuil visuel qui ne peut détecter la lumière que jusqu’à une profondeur d’environ 500 à 600 mètres.
Le calmar colossal ne possède pas seulement de grands yeux et de grands cristallins, ses pupilles sont également immenses, allant de 80 à 90 millimètres de diamètre. Une grande pupille permet à l’œil de capter jusqu’au dernier photon de lumière dans les eaux incroyablement profondes et sombres où il vit.
Les grands yeux peuvent également signifier que le calmar colossal possède une haute résolution spatiale, c’est-à-dire la capacité de distinguer les détails. Il est possible que des mécanismes neuronaux dans le lobe optique utilisent les signaux de groupes de photorécepteurs voisins, rendant les pixels visuels plus grands et beaucoup plus lumineux.
Avec des yeux énormes et un lobe optique large et complexe, les calmars colossaux ont une très bonne vision dans les profondeurs sombres de l’océan.
L’étude de l’œil du calmar colossal par les spécialistes de la vision animale
L’équipe qui a examiné le calmar colossal était très désireuse d’examiner les yeux, sachant qu’il pourrait s’agir des plus grands yeux animaux jamais découverts. Deux spécialistes de la vision animale, les professeurs Dan-Eric Nilsson et Eric J. Warrant, ont fait le voyage depuis la Suède pour avoir l’occasion d’étudier les yeux du calmar colossal.
L’équipe a utilisé une caméra sous-marine. Cela leur a permis de voir pour la première fois l’œil énorme et de constater qu’il était intact. Le cristallin a été soigneusement retiré et conservé dans de l’alcool. Un endoscope a également été utilisé pour regarder à l’intérieur d’un œil et étudier sa structure interne.
La dissection d’un calmar colossal plus petit a permis d’obtenir un autre cristallin à étudier. Les scientifiques ont également pu examiner en détail la structure du globe oculaire et prélever des échantillons de la rétine.
Les organes d’un calmar colossal
Branchies
Le calmar utilise l’oxygène de l’eau de mer pour respirer. L’eau de mer pénètre dans le manteau par l’ouverture située près de la tête, puis passe par les branchies. L’oxygène se diffuse de l’eau vers le sang, puis est transporté vers les cœurs branchiaux par un réseau de nombreux vaisseaux sanguins.
Le calmar colossal possède deux grandes branchies, chacune avec 20 à 80 filaments branchiaux de chaque côté, qui pendent dans le manteau. Chez le petit calmar colossal disséqué, les branchies sont rayées de lignes de pigments foncés.
Cœur
Les calmars possèdent trois cœurs : deux cœurs ramifiés et un cœur systémique.
Les cœurs branchiaux pompent le sang vers les branchies où l’oxygène est absorbé. Le sang circule ensuite vers le cœur systémique où il est pompé vers le reste du corps. Le cœur systémique est composé de trois chambres : un ventricule inférieur et deux oreillettes supérieures.
Le sang
Le sang du calmar est bleu, et non rouge comme chez l’homme. Ceci est dû au fait que le sang du calmar est constitué d’un composé contenant du cuivre appelé hémocyanine. Chez l’homme, le sang est rouge, car il contient un composé de fer, l’hémoglobine.
Œsophage
L’œsophage du calmar colossal mène du bec à l’estomac et au cæcum, où la nourriture est digérée. Il ne mesure qu’environ 10 mm de diamètre et passe par le milieu du cerveau en forme de beignet. Le calmar colossal doit couper la nourriture en petits morceaux pour qu’elle puisse passer dans l’œsophage étroit.
Système digestif — estomac et cæcum
L’estomac du calmar est un petit sac blanc brillant qui se raccorde à la poche stomacale ou cæcum. La digestion des aliments commence dans l’estomac. Le cæcum effectue également une partie de la digestion et constitue le principal site d’absorption des nutriments. Les enzymes du foie et du pancréas facilitent la digestion.
Les déchets passent dans l’intestin, un tube étroit adjacent à la poche de l’estomac, puis se déversent dans le rectum. L’extrémité du système digestif est l’anus, d’où les déchets sortent dans l’entonnoir.
Le cerveau
Le calmar et le poulpe possèdent un système nerveux complexe, plus complexe que celui des autres mollusques et des invertébrés en général. Le cerveau du calmar est enfermé dans une capsule crânienne cartilagineuse comprenant deux grands lobes optiques. Cela indique que la vision est très importante pour le calmar. Jusqu’à 80 % de son cerveau est consacré au traitement des informations visuelles.
Le cerveau a la forme d’un beignet et entoure l’œsophage étroit. Il est très petit par rapport à la taille globale du corps : un calmar colossal de 300 kilos possède un cerveau qui pèse moins de 100 grammes !
Statolithes
Les calmars peuvent indiquer comment ils sont positionnés dans l’eau. Cette information est fournie par deux statolithes situés dans son cerveau. Chaque statolithe est une petite structure calcaire qui se trouve dans une chambre appelée statocyste. Comme le petit os se déplace à l’intérieur de la chambre en fonction de la gravité, le calmar peut déterminer la direction à prendre dans l’obscurité.
Sac d’encre
Les calmars possèdent un sac d’encre à l’intérieur du manteau. L’encre est habituellement un liquide foncé et est expulsée par l’entonnoir. Si le calmar rencontre un prédateur, il projette un nuage d’encre qui le cache et lui permet de s’échapper.
Personne n’a jamais vu de calmar colossal produisant de l’encre, on ne peut donc pas savoir à quoi ressemble l’encre ni comment le calmar l’utilise. Étant donné qu’il n’y a pas de lumière à 1 000 mètres de profondeur dans l’océan, une encre sombre serait inutile ! Il est possible que le calmar colossal produise une encre luminescente.
Le mode de vie et les habitudes d’un calmar colossal
Nous savons très peu de choses sur le cycle de vie, le régime alimentaire ou le comportement du calmar colossal, car il vit à des profondeurs extrêmes dans des eaux glaciales. Il est également très rarement capturé. Le premier signalement d’un calmar colossal remonte à 1925, lorsque sa tête et ses bras ont été découverts dans l’estomac d’un cachalot. Depuis lors, seuls huit calmars colossaux adultes ont été signalés, dont six étaient des restes récupérés dans l’estomac de cachalots.
Habitat
Le calmar colossal vit dans les eaux de l’Antarctique, mais peut aller jusqu’aux eaux méridionales de la Nouvelle-Zélande. Il vit à une profondeur de 1 000 mètres ou plus.
Reproduction
Les scientifiques ne savent pas grand-chose du cycle de reproduction du calmar colossal, principalement parce que seules des femelles ont été trouvées. Le mâle possède probablement un pénis assez grand pour implanter directement le sperme dans la femelle.
Tous les calmars pondent des œufs. Certains pondent des œufs uniques, d’autres des grappes d’œufs dans une grande masse flottante semblable à de la gelée. Les calmars géants pondent de cette manière, les calmars colossaux font probablement de même. Les œufs éclosent et donnent naissance à de minuscules versions de l’adulte qui deviennent des adultes matures au bout d’un à trois ans.
La population du calmar colossal
Les observations des calmars colossaux sont très rares, mais ces mollusques doivent être plus communs que les rapports ne le suggèrent.
Les cachalots ont pour habitude de se nourrir de calmars colossaux dont les becs demeurent longtemps dans l’estomac du prédateur, car ils ne sont pas faciles à digérer. Les scientifiques ont estimé le nombre de calmars colossaux à partir des becs trouvés dans l’estomac des cachalots de l’océan Austral. Ils pensent que le calmar colossal pourrait représenter jusqu’à 77 % du régime alimentaire du cachalot.
La chasse du calmar géant par la cachalot
Plongez avec un cachalot et participez à la chasse au calmar géant. Cette expérience étonnante est basée sur des données scientifiques réelles provenant de balises numériques (D-tags) placées sur des cachalots.
L’alimentation du calmar colossal
Le calmar colossal est un prédateur qui plane dans les profondeurs sombres de l’océan à la recherche de proies.
Nous savons que le calmar colossal se nourrit de légine. D’ailleurs, l’animal exposé à Te Papa a été remonté sur une palangre à légines, toujours attaché au poisson qu’il avait mangé. Les légines capturées sur les palangres présentent souvent des lésions pouvant avoir été causées par les calmars colossaux.
La légine australe adulte peut atteindre deux mètres de long. Le calmar colossal est donc un chasseur efficace, même dans l’obscurité.
Un prédateur efficace
Personne n’a jamais vu un calmar colossal attraper une proie. Mais nous pouvons faire quelques suppositions en nous basant sur la façon dont les autres calmars chassent.
Les scientifiques pensent que le calmar colossal passe la plupart de son temps avec les bras et les tentacules au-dessus de sa tête, dans la position dite du cacatoès. De cette façon, il peut voir ses proies devant lui, probablement à l’aide de la lumière provenant des photophores, ou organes lumineux, situés sur ses énormes yeux orientés vers l’avant.
Pour attraper sa proie, le calmar colossal s’élance vers l’avant, en utilisant ses nageoires géantes pour se propulser, et abaisse ses bras et ses tentacules. Il projette ensuite ses deux tentacules de 2 mètres de long pour attraper sa victime. Les crochets rotatifs à l’extrémité de ses tentacules s’accrochent au poisson et l’empêchent de s’échapper.
Le calmar écarte ensuite ses huit bras pour exposer une série de crochets et de ventouses. Lorsqu’il rétracte ses tentacules, il attire la proie à portée de ses bras qui enveloppent le poisson qui se débat. Les bras déplacent le poisson vers le bec et le calmar commence à se nourrir.
Alimentation
Le bec du calmar colossal qui lui sert de bouche se trouve au centre de l’anneau de bras et de tentacules. Le bec comporte une partie supérieure et une partie inférieure, comme celui d’un perroquet, mais la partie inférieure chevauche la partie supérieure.
Le bec puissant et pointu tranche la chair de la proie, la réduisant en petits morceaux qui passent dans le bulbe buccal, une masse de muscles qui actionne le bec. La nourriture est encore déchiquetée par les rangées de dents de la radula.
La nourriture hachée passe par l’œsophage très étroit qui traverse le cerveau en forme de beignet, puis elle se dirige vers l’estomac et le cæcum, où elle est digérée. Une légine peut nourrir un calmar colossal pendant plusieurs jours.
Bioluminescence dans les profondeurs de l’océan
La bioluminescence est une lumière produite par des organismes vivants. Elle est extrêmement courante dans les océans et se produit dans tous les océans à toutes les profondeurs. De nombreuses créatures des grands fonds sont bioluminescentes.
La lumière est produite par des bactéries symbiotiques dans des cellules émettrices de lumière appelées photophores. Elle est engendrée par une réaction chimique lorsqu’une substance appelée luciférine est oxydée. Lorsque la lumière est libérée, la luciférine devient inactive jusqu’à ce qu’elle soit remplacée par l’animal. Certains animaux peuvent fabriquer eux-mêmes la luciférine, ou celle-ci peut être synthétisée par des bactéries symbiotiques à l’intérieur du photophore.
Les photophores, cellules émettrices de lumière, vont de simples amas de cellules à des organes complexes entourés de réflecteurs, de lentilles, de filtres colorés et de muscles. La lumière colorée la plus courante produite par les organismes marins est le bleu. C’est également la couleur qui pénètre le plus loin dans l’eau.
Poissons des profondeurs utilisant la bioluminescence
Dans l’obscurité de l’océan, la bioluminescence aide les organismes à survivre. Plusieurs poissons des profondeurs, comme la baudroie et le poisson-vipère, utilisent la bioluminescence comme appât pour attirer leurs proies. L’appendice suspendu qui s’étend depuis la tête de la baudroie est doté d’un organe lumineux à son extrémité qui attire les petits animaux qui passent à sa portée.
D’autres poissons, comme le poisson-lanterne (myctophidé), possèdent des organes lumineux sur les côtés et le ventre. Les lumières situées sur la face inférieure de ce poisson brouillent la silhouette de son corps, ce qui le rend plus difficile à voir d’en bas et contribue à le protéger des prédateurs. Les organes lumineux aident également les poissons à reconnaître leurs compagnons. Chaque espèce de poisson-lanterne possède un motif lumineux distinct.
Calmar bioluminescent
La bioluminescence est courante chez les calmars. On estime que les deux tiers de tous les genres de calmars comprennent des espèces bioluminescentes. Les organes lumineux, ou photophores peuvent se trouver presque partout sur le corps d’un calmar.
Les endroits les plus courants sont l’œil (photophores oculaires), le manteau, la tête et les bras, les organes internes (photophores viscéraux), l’entonnoir et les tentacules.
Voici pour ce que l’on connaît aujourd’hui du calmar colossal. Avec l’évolution technologique, nous pouvons espérer des captures vidéos de ces mollusques évoluant dans leur milieu naturel… bientôt peut-être !
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Vidéo intégrale de l’autopsie du calmar colossal au musée Te papa Tongarewa
Cette vidéo s’adresse aux fanatiques du calmar géant et de la médecine légale, car elle dure 3 heures et 38 minutes !
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